
La nomination de Naha Mint Mouknass à la tête de la diplomatie a éclipsé le reste du gouvernement mais confier un poste à responsabilité à une femme ne semble pas du goût de tous. Les premières salves viennent de l'Imam de la grande mosquée Ahmedou Ould Habiboullah Ould Lemrabott. Auparavant, le jurisconsulte Abdellahi Ould Mahfoudh Ould Boyé s'était également exprimé sur la question.
Lors de son prône d’hier, à la mosquée saoudienne de Nouakchott, Ould Lemrabott a vivement critiqué la nomination de femmes dans la haute administration, particulièrement aux fonctions dont la nature comporte le risque de les isoler, un instant, avec un homme hors des cas de proximité en Islam. Selon lui, le meilleur métier qu'une femme puisse effectuer consiste à s'occuper de son mari.
Une heure durant, Ould Lemrabott - plus haute autorité religieuse du pays depuis le décès de l'Imam Boudah Ould Bouçeïri - a rappelé les versets coraniques stipulant qu'une femme ne doit ni voyager ni rester seule avec une personne hormis le conjoint, les proches agnats et alliés par allaitement.
Il a également illustré la tradition du Prophète Mohamed qui demandait, aux hommes, obligés de s'adresser à une femme tierce, de s’imposer le paravent d’une tenture.
Ould Lemrabott a reproché aux autorités de prendre des décisions de nomination litigieuse avant de consulter les hommes de religion.
Dans son numéro du 2 août 2009, le quotidien officiel Chaâb a publié une interview avec le vice-président du Congrès islamique mondial (une institution basée à Londres) ; pour Abdellahi Ould Boyé, la nomination des femmes à des postes importants, si elle se fonde non pas sur la base de la compétence mais pour plaire aux autres, s’assimilerait à de l'hypocrisie, réprouvée par la Charia (loi islamique).
Le Président de la République Mohamed Ould Abdel Aziz a installé six femmes (*) au dernier gouvernement mais c'est la première fois qu'un ministère régalien (**) revient à l’une.
L'Imam Ould Lemrabott a toujours conduit son discours pour complaire au dirigeant du moment, quel qu'il soit.
Elastiquement enclin, par la conjugaison de sédiments de pragmatisme maraboutique, à adapter son sens moral au désir des puissants, il a vivement défendu le putsch du 6 août 2008 et incité les fidèles à voter pour Ould Abdel Aziz. Il s'agit de l'une des rares fois où il critique, ouvertement, une décision gouvernementale ; son salafisme sexiste et conservateur transparaît ainsi, au moment où le nouveau pouvoir tente de trouver une parade à l’agressivité croissante des jeunes recrues de la mouvance en provenance des camps d’Alqaïda au Maghreb islamique (AQMI).
Ould Boyé, notable d’une longue lignée de jurisconsultes, ancien ministre de Mokhtar Ould Daddah et résident saoudien, s'est toujours tenu loin du débat politique mauritano-mauritanien, même si Ould Taya a tenté de se l'accaparer, en confiant un ministère à son fils.
L’Imam Ould Lemrabott, de même que Hamden Ould Tah et bien d’autres comptent parmis les moins critiques envers les différents pouvoirs en Mauritanie. S'ils considèrent illicite la promotion politique des femmes, l’on peut imaginer aisément l’ampleur du malentendu dans le rapport entre la puissance publique et la nébuleuse de l’Islam légitimiste.
Ces déclarations interviennent moins d'une semaine après le premier attentat-suicide de l'histoire du pays. Taqadoumy a approché une source au sein de la Direction Générale de la Sûreté Nationale (DGSN) afin de savoir si les femmes ministres, en particulier celle des affaires étrangères, vont bénéficier de mesure de protection spécifique.
Selon lui, "rien en ce sens n'est prévu pour le moment. Elles sont protégées selon les modalités d’usage pour tous les membres du gouvernement".
A la question de savoir si les dernières déclarations des dirigeants religieux relèvent, pour les responsables sécuritaires, de la menace à l'intégrité physique des femmes ministres, notre interlocuteur se mure dans un mutisme évasif.
___________________________________________
Notes :
* Liste des 6 femmes membres du gouvernement :
- Naha Mint Mouknass, ministre des affaires étrangères ;
- Coumba Bâ, ministre de la fonction publique ;
- Cissé Mint Cheikh Ould Boïde, ministre de la culture ;
- Mewlaty Mint El Moctar, ministre des affaires sociales ;
- Messaouda Mint Baham, ministre conseiller à la présidence ;
- Maty Mint Hamady, commissaire chargé de la promotion de l'investissement.
** Pour le philosophe Friedrich Hayek, les fonctions régaliennes de l'État sont limitées aux grandes fonctions souveraines qui fondent l'existence même de l'État et qui ne font, en principe, l'objet d'aucune délégation. Elles sont aussi appelés "prérogatives régaliennes".
Elles sont au nombre de quatre :
- Assurer la sécurité extérieure par la diplomatie et la défense du territoire ;
- Assurer la sécurité intérieure et le maintien de l'ordre public, avec, notamment, des forces de police ;
- Définir le droit et rendre la justice ;
- Détenir la souveraineté économique et financière en émettant de la monnaie, notamment par le biais d'une banque centrale.
En Mauritanie, il existe 5 minitères régaliens. Les voici, avec les noms des occupants dans le dernier gouvernement :
- Baha Ould Hmeïdha, ministre de la justice ;
- Naha Mint Mouknass, ministre des affaires étrangères ;
- Hamadi Ould Hamadi, ministre de la défense nationale ;
- Mohamed Ould Boïlil, ministre de l'intérieur ;
- Ousmane Kane , ministre des finances.
Le ministère des affaires économiques et du développement (anciennement appelé ministère du plan), bien que placé avant celui des finances dans l'ordre protocolaire, n'en fait pas partie.
Lors de son prône d’hier, à la mosquée saoudienne de Nouakchott, Ould Lemrabott a vivement critiqué la nomination de femmes dans la haute administration, particulièrement aux fonctions dont la nature comporte le risque de les isoler, un instant, avec un homme hors des cas de proximité en Islam. Selon lui, le meilleur métier qu'une femme puisse effectuer consiste à s'occuper de son mari.
Une heure durant, Ould Lemrabott - plus haute autorité religieuse du pays depuis le décès de l'Imam Boudah Ould Bouçeïri - a rappelé les versets coraniques stipulant qu'une femme ne doit ni voyager ni rester seule avec une personne hormis le conjoint, les proches agnats et alliés par allaitement.
Il a également illustré la tradition du Prophète Mohamed qui demandait, aux hommes, obligés de s'adresser à une femme tierce, de s’imposer le paravent d’une tenture.
Ould Lemrabott a reproché aux autorités de prendre des décisions de nomination litigieuse avant de consulter les hommes de religion.
Dans son numéro du 2 août 2009, le quotidien officiel Chaâb a publié une interview avec le vice-président du Congrès islamique mondial (une institution basée à Londres) ; pour Abdellahi Ould Boyé, la nomination des femmes à des postes importants, si elle se fonde non pas sur la base de la compétence mais pour plaire aux autres, s’assimilerait à de l'hypocrisie, réprouvée par la Charia (loi islamique).
Le Président de la République Mohamed Ould Abdel Aziz a installé six femmes (*) au dernier gouvernement mais c'est la première fois qu'un ministère régalien (**) revient à l’une.
L'Imam Ould Lemrabott a toujours conduit son discours pour complaire au dirigeant du moment, quel qu'il soit.
Elastiquement enclin, par la conjugaison de sédiments de pragmatisme maraboutique, à adapter son sens moral au désir des puissants, il a vivement défendu le putsch du 6 août 2008 et incité les fidèles à voter pour Ould Abdel Aziz. Il s'agit de l'une des rares fois où il critique, ouvertement, une décision gouvernementale ; son salafisme sexiste et conservateur transparaît ainsi, au moment où le nouveau pouvoir tente de trouver une parade à l’agressivité croissante des jeunes recrues de la mouvance en provenance des camps d’Alqaïda au Maghreb islamique (AQMI).
Ould Boyé, notable d’une longue lignée de jurisconsultes, ancien ministre de Mokhtar Ould Daddah et résident saoudien, s'est toujours tenu loin du débat politique mauritano-mauritanien, même si Ould Taya a tenté de se l'accaparer, en confiant un ministère à son fils.
L’Imam Ould Lemrabott, de même que Hamden Ould Tah et bien d’autres comptent parmis les moins critiques envers les différents pouvoirs en Mauritanie. S'ils considèrent illicite la promotion politique des femmes, l’on peut imaginer aisément l’ampleur du malentendu dans le rapport entre la puissance publique et la nébuleuse de l’Islam légitimiste.
Ces déclarations interviennent moins d'une semaine après le premier attentat-suicide de l'histoire du pays. Taqadoumy a approché une source au sein de la Direction Générale de la Sûreté Nationale (DGSN) afin de savoir si les femmes ministres, en particulier celle des affaires étrangères, vont bénéficier de mesure de protection spécifique.
Selon lui, "rien en ce sens n'est prévu pour le moment. Elles sont protégées selon les modalités d’usage pour tous les membres du gouvernement".
A la question de savoir si les dernières déclarations des dirigeants religieux relèvent, pour les responsables sécuritaires, de la menace à l'intégrité physique des femmes ministres, notre interlocuteur se mure dans un mutisme évasif.
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Notes :
* Liste des 6 femmes membres du gouvernement :
- Naha Mint Mouknass, ministre des affaires étrangères ;
- Coumba Bâ, ministre de la fonction publique ;
- Cissé Mint Cheikh Ould Boïde, ministre de la culture ;
- Mewlaty Mint El Moctar, ministre des affaires sociales ;
- Messaouda Mint Baham, ministre conseiller à la présidence ;
- Maty Mint Hamady, commissaire chargé de la promotion de l'investissement.
** Pour le philosophe Friedrich Hayek, les fonctions régaliennes de l'État sont limitées aux grandes fonctions souveraines qui fondent l'existence même de l'État et qui ne font, en principe, l'objet d'aucune délégation. Elles sont aussi appelés "prérogatives régaliennes".
Elles sont au nombre de quatre :
- Assurer la sécurité extérieure par la diplomatie et la défense du territoire ;
- Assurer la sécurité intérieure et le maintien de l'ordre public, avec, notamment, des forces de police ;
- Définir le droit et rendre la justice ;
- Détenir la souveraineté économique et financière en émettant de la monnaie, notamment par le biais d'une banque centrale.
En Mauritanie, il existe 5 minitères régaliens. Les voici, avec les noms des occupants dans le dernier gouvernement :
- Baha Ould Hmeïdha, ministre de la justice ;
- Naha Mint Mouknass, ministre des affaires étrangères ;
- Hamadi Ould Hamadi, ministre de la défense nationale ;
- Mohamed Ould Boïlil, ministre de l'intérieur ;
- Ousmane Kane , ministre des finances.
Le ministère des affaires économiques et du développement (anciennement appelé ministère du plan), bien que placé avant celui des finances dans l'ordre protocolaire, n'en fait pas partie.