Tabara MBODJ: une gestion commune de l’avenir de ces enfants.



Tabara MBODJ: une gestion commune de l’avenir de ces enfants.
A l’occasion de la Journée Mondiale de l’Enfant Africain célébrée le 16 Juin dernier dans de nombreux pays, notamment la Mauritanie, notre journal est parti à la rencontre d’une jeune assistante de Direction sensible depuis son enfance à la cause des enfants, principalement ceux vivant dans la rue. Notre interlocutrice du jour est Tabara M’bodj, par ailleurs Présidente de L’ONG AISER (Aide à Insertion Sociale des Enfants de la Rue). Elle nous raconte avec conviction son engagement pour la réinsertion sociale des enfants de la rue, interpelle une fois de plus Etat et autres partenaires pour

La Nouvelle Expression : Quelles sont les causes qui vous poussent à défendre la causes des enfants?

Tabara MBODJ. :
La cause des enfants me touche depuis mon enfance. Quand j’étais à l’école primaire, je côtoyais des bambins dans les mêmes conditions toujours mal habillés, sans chaussures et la main tendue avec le même mot «houra rassaoul sabililah». Les années ont passé et rien n’a changé : la situation de ces enfants persiste et perdure. Descendant un soir du bureau, je longeais la route du Camp de Garde et juste à côté du feu rouge, j’ai croisé un enfant âgé à peine de 6 à 7 ans les yeux atteints par une conjonctivite. Quand je l’ai approché constatant son état, je lui ai ordonné de rentrer chez lui, il refusa et me dit «Si je pars sans rapporter 300 UM le marabout va me taper». J’étais écœurée et incapable de réagir parce que je n’avais rien avec moi pour lui offrir, j’ai maudit le marabout et je me suis promise d’aider un jour, inchallah, les enfants qui se trouvent dans cette situation. Voilà, c’est ce qui m’a motivé à créer une ONG pour l’insertion des enfants de la rue plus tard. Je peux dire que c’est un engagement personnel et en même temps social, parce que j’ai fait la promesse de les aider à quitter cette mendicité à laquelle ils sont livrés, vu que cette situation est plutôt négligée par la société.

LNE : Pourquoi leur sort vous préoccupe tant?

T.MB. :
Le sort de ces enfants doit préoccuper tout le monde parce qu’ils sont exposés à une mendicité accrue et aux dangers de la ville tels que le vol, la délinquance juvénile, etc. Au final, nous estimons qu’ils n’apprennent presque pas, parce qu’ils passent tout leur temps à mendier; je pense que leur situation doit interpeller tout le monde parce qu’ils sont très jeunes. Nous pensons qu’ils devraient passer leur journée à l’école, à l’instar des autres enfants. L’enfant Mauritanien, de façon générale, est parfois confronté à des difficultés, entre autres la déperdition scolaire pour certains dont les familles n’ont pas les moyens, la délinquance juvénile et le banditisme (constat effectué personnellement à la brigade des mineurs); mais l’Etat peut mieux faire en essayant de mieux aider les familles à fixer leur enfant à l’école, ou leur faire bénéficier de formation qualifiante.

LNE : Vous défendez cette cause à travers une ONG. Voulez-vous nous présenter cette structure?

T.MB. :
L’Organisation d’Aide à l’Insertion Sociale des Enfants de la Rue est une association qui a pour objectif principal l’amélioration des conditions de vie des enfants en situation difficile de façon générale et particulièrement d’œuvrer à adoucir le quotidien des enfants talibés par des actions simples et de recherche par une approche sincère, respectueuse et participative de solutions adaptées à la problématique des enfants des rues.

L’objectif au départ était de mettre en place un centre d’accueil, de nutrition et de soins primaires, c'est-à-dire que le centre permettra aux enfants de bénéficier de deux repas par jour, de soigner les enfants malades, et de leur offrir un lieu pour se laver, tout en dispensant des cours d’alphabétisation et l’apprentissage en métiers.

LNE : Qu'est ce qui fait l’originalité de votre ONG?

T.MB. :
Nous faisons un travail de terrain, c'est-à-dire que nous allons vers les enfants dans leur foyer et intervenons au sein même des familles. Ce qui est passionnant dans tout ça c’est que je suis leur confidente et je les défends parfois en cas de problèmes. J’ai gagné la confiance des enfants par les séances de discussion que j’ai l’habitude de partagé avec eux, ce qui n’est pas facile de nos jours.

LNE : Quelles sont vos activités?

T.MB. :
Nous octroyons des séances de soins et de suivis médicaux des cours d’alphabétisations, et nous organisons des opérations de collectes d’habits, de chaussures et de jouets auprès des expatriés, particulièrement avec la collaboration de Muriel Moreau Professeur au Lycée Français Théodore Monod.

LNE : Parlez-nous de vos enfants; quel est leur âge?

T.MB.
: Mes «enfants» sont des gamins dépourvus d’éducation sociale, culturelle, sans savoir-vivre, parfois un peu insolents, mais je pense que cela doit être compréhensible car ils n’ont pas reçu d’éducation de base qui est essentielle pour toute personne. Au début, j’étais découragée et je voulais abandonner, mais petit à petit la donne à changé avec mes directives à savoir «tu restes sage et tu te conduis bien, sinon tu n’auras rien». Ils sont âgés de 6 à 15 ans et sont parfois orphelins de père et de mère.

LNE : Quels sont les moyens dont vous disposez pour votre combat?

T.MB. : Nous comptons d’abord sur la bonne volonté, l’engagement et le soutien matériels de bénévoles sensibles à la problématique de l’enfance sinon nous ne disposons pas de moyens. Pour le moment, nous ne bénéficions pas de l’appui de l’Etat, nos seuls partenaires sont l’UNICEF, la CUN, MATTEL, la SOCIETE GENERALE, AIR FRANCE, COGITREM, EVENTPROD et le réseau EXPATRIM qui nous soutiennent dans nos activités. Nos difficultés sont d’ordre financier et matériel, parce qu’il nous est difficile de bien mener ce projet sans ces ressources. Le défi actuel de l’association est l’éradication de la problématique des enfants de la rue sous toutes ces formes à travers une sensibilisation et une collaboration des parents. Nous voulons que le phénomène cesse pour que l’enfant puisse bénéficier de cours d’alphabétisation dans un cadre adéquat et dans de bonnes conditions. C’est pour cette raison que nous voulons, dans l’immédiat, avoir un appui de bailleur ou de l’Etat pour mettre en place un centre d’accueil et de nutrition destiné a offrir les repas quotidien et une éducation dans de bonnes conditions.

LNE : Comment voyez-vous l'avenir avec les enfants?

T.MB. :
L’avenir réserves beaucoup de surprises, mais si nous ne réagissons pas pour les extraire de cette situation, la plupart d’entre eux seront réduits à devenir des délinquants sans avenir et ne pourront pas contribuer ainsi au développement de la nation. Il n’est pas normal que nous fermons les yeux sur cette situation; chaque personne est responsable et a son mot à dire. Nous ne devons pas accepter que notre pays soit cité parmi les pays où les droits de l’enfant sont négligés.

LNE : Comment améliorer le sort des enfants aujourd’hui selon vous?

T.MB. :
Pour ma part, je ne parlerais pas d’améliorer mais de résoudre; résoudre le problème à la source, se concerter avec les parents, c'est-à-dire fixer les enfants dans leur localité d’origine et appuyer les familles dans la création des activités génératrices de revenus pour leur permettre de subvenir aux besoins élémentaires de leur famille. Il est indispensable d’instaurer une éducation adéquate pour les enfants issus de familles démunies et faire cesser la mendicité exagérée à laquelle ils sont livrés; dans le cas échéant, interdire la mendicité des enfants.

LNE : Quel est votre message d'espoir destiné à ces enfants?

T.MB. :
Le seul message que je lance à l’encontre des autorités mauritaniennes et des organismes compétents est que nous sommes entrain de fermer les yeux et d’ignorer un fait visible : celui des enfants de la rue. Le sort des enfants de la rue doit nous préoccuper tous parce qu’ils sont les décideurs de demain. L’avenir appartient aux enfants, donc ils doivent jouir d’une attention considérable et particulière. Combattons ensemble ce phénomène qui salit notre image. Dans d’autres pays, refusons que l’enfant soit source de revenu. La place d’un enfant est à l’Ecole et non dans la rue. Agissons tant qu’il est temps.

Propos recueillis par Dina Ba

La Nouvelles Expression N° 91 du mardi 22 juin 2010


Mercredi 23 Juin 2010
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