Rapatriés marcheurs : «Nous n’acceptons plus d’être étrangers dans notre propre pays»



« Je m’appelle Abou Diallo. Je suis de Belele Hourounguel. J’ai 44 ans. En 1989, nous avons été torturés, dépouillés de tous nos biens et déportés vers le Sénégal. Au moment du retour organisé en 2008, après vingt ans d’exil forcé dans des camps, il avait été convenu de nous rétablir dans nos droits. Mais, depuis, rien n’a été fait.

Il avait été promis la restitution de nos terres, de notre bétail, d’inscrire nos enfants à l’école… Mais rien. Certains parmi nous n’ont même pas recouvré leur état civil. Nous avons marché 300 kilomètres sous une forte chaleur, avec en moyenne 40 kilomètres par jour. Nous avons été soutenus pendant tout le trajet ; c’est ce qui nous a permis de tenir. »

Nous avons rencontré Abou Diallo à une vingtaine de kilomètres de Nouakchott. Il fait partie d’une centaine de Mauritaniens revenus chez eux après une vingtaine d’années d’exil forcé au Sénégal. Du 25 avril au 04 mai 2014, ils ont marché 300 kilomètres de Boghé à Nouakchott pour le recouvrement de leurs droits.

65 ans, 300 km dans les jambes

A quelques mètres de Abou, Fatimata Demba Sira, épuisée, elle s’est assise sous un arbuste. Elle a 65 ans. Elle a 300 kilomètres de marche dans les jambes mais encore la force de revendiquer une citoyenneté pleine et entière.

Fatimata vient de Dara Salam. « Depuis notre retour, nous habitons sous des hangars à la merci des intempéries. Nous avons fait une marche pacifique pour nos droits ; depuis cinq ans nous vivons dans des conditions inacceptables. Je suis prête à refaire le même chemin si rien n’est fait pour nous » dit Fatimata Demba Sira.

Hadjaratou Harouna est de Kaajel Abou. Elle aussi a marché. « A Kaajel, il n’y a pas d’eau. Une voiture citerne amène de l’eau deux fois par semaine de Boghé. Nous voulons voir le chef de l’Etat ; Nous n’acceptons plus d’être étrangers dans notre propre pays » dit la dame d’une cinquantaine d’années.

Mamadou Diagne, 47 ans est de Fass dans la région du Trarza. Il a participé à la marche. « Nos enfants n’ont pas de papiers, nos terres ont été confisquées. Nous sommes obligés d’aller en ville pour faire des boulots mal payés » dit Mamadou.

Nous avons l’impression que le président n’est pas au courant de ce que nous vivons
Nous avons trouvé au kilomètre 20 de Nouakchott, Ndiaye Ibrahima Amadou, président de l’Union nationale des rapatriés mauritaniens. N’diaye est enseignant. Il revient sur toutes les revendications des rapatriés. « Nous avons l’impression que le président de la République n’est pas au courant de ce que nous vivons.

Nous avons l’impression que ses collaborateurs ne lui disent pas la vérité. » Ndiaye commence par l’état civil ; Pour lui c’est la principale revendication car « sans papier, sans nationalité, sans pièce d’identité, ces rapatriés ne peuvent prétendre à rien. » « Certains parmi nous ont encore les documents VRF (formulaire de rapatriement volontaire) qui servaient de justification de retour et d’identification comme mauritanien.

Ces VRF devaient servir pour l’enrôlement des rapatriés en vue de leur attribuer des papiers d’état civil. Et souvent, au niveau des centre d’enrôlement, on nous dit que ces VRF ne sont pas enregistrés » déclare Ndiaye.

Il pose aussi le cas de 500 enfant nés dans les camps de refugiés au Sénégal. Ces enfants, revenus sans actes de naissance délivrés par les autorités Sénégalaises, avaient été inscrits sur les VRF. Et pour les enrôler, il leur ait demandé cet acte de naissance établi au Sénégal qu’ils n’ont pas. Enfin le cas des enfants dont l’un des parents est sénégalais reste posé.

Ndiaye Ibrahima soulève aussi le problème de l’habitat. « Le directeur de l’agence nationale Tadamoun avait promis de nous construire des bâtiments en dur mais sans suite » declare-t-il.

Plus de 24 000 mauritaniens refugiés au Sénégal sont revenu dans le cadre du retour organisé et volontaire fruit d’un accord entre le HCR, l’Etat mauritanien et le Sénégal. Ces refugié de retour n’arrivent pas à avoir accès à la terre. « C’est l’agriculture qui fixe les population, qui les stabilise. 24 000 personnes sont revenues. Et, l’Agence national chargé de l’accueil et de l’insertion des refugiés n’a aménagé que 300 hectare. C’est dérisoire» affirme Ndiaye.

Khalilou Diagana

Source : Rédaction cridem

Rapatriés marcheurs : «Nous n’acceptons plus d’être étrangers dans notre propre pays»

Lundi 5 Mai 2014
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