
A quelle date vous êtes-vous réellement engagé en politique ?
Je me suis véritablement engagé à l’âge de 15 ans quand je suis rentré en 1983 au Collège du Ksar.
Et le fait d’avoir eu comme professeur de français Fara BA, l’actuel Secrétaire à l’éducation de l’AJD/MR et ancien bagnard de Walata, n’a fait qu’aggraver ma révolte face au racisme d’Etat que j’avais cerné dans toutes ses logiques de négation de mon identité. Fara débordait les manuels pédagogiques de l’IPN pour nous enseigner des choses qui n’avaient rien à voir avec l’apprentissage du français. Ces choses utiles pour mieux comprendre l’histoire de son pays avant de maitrîser l’histoire de la France ou l’économie de l’URSS. Depuis je n’ai jamais quitté la lutte.
Pensée affectueuse aussi pour Yahya Ould Kebd, mon brillant professeur d’Histoire que j’énervai franchement par mon insolence. Pour se venger, il m’appelait « le noireau ». Cela me faisait rire, Yahya est…noir ! Ma première année au collège a coîncidé avec l’âge rebelle et j’étais franchement insupportable. Il m’arrivait de venir en classe la chemise complètement déboutonnée, le ventre à l’air libre, juste pour provoquer un de mes professeurs. J’avais une attitude complètement irrationnelle, qui a été encouragée par le laxisme du Directeur des Etudes. Il ne traitait pas avec sérieux les plaintes de mes professeurs. Et ces derniers, comme je travaillais bien – j’avais toujours les meilleures notes- n’insistaient pas trop pour que je sois puni. Ce sont les plus belles années de ma vie militante. En cas de grève, je m’arrangeais toujours pour être le premier à jeter une pierre à un flic. J’expliquais aux collègues pourquoi il fallait absolument que cette grève dure, qu’il fallait une révolution en Mauritanie.
Voilà ce qu’était le collège du Ksar en 1983/85, un établissement prestigieux, avec de très bons professeurs. Pendant les trois années passée dans ce Collège, je finissais toujours 1er de la classe. Le mérite en revient aux Professeurs de l’époque. Je suis heureux de ne pas être né maintenant. A l’école publique que nous avons aujourd’hui, j’aurai terminé toujours dernier, et dans toutes les matières. Notre école publique se meurt.
Fara BA a été envoyé en prison en 1986. A l’époque, je ne connaissais rien des FLAM, je n’avais pas eu copie du manifeste pour vraiment savoir exactement pourquoi le Pr Saidou KANE et tous ces gens étaient arrêtés. Et c’est bien plus tard, un an ou deux ans après que j’ai su que mon cher professeur Fara était dans le lot.
Mais je savais de science sûre que cela avait un rapport avec la question de la cohabitation entre nos différentes communautés. C’est pourquoi je suis parti du Lycée vers 9h du matin pour aller camper devant le Palais de Justice le jour du jugement des présumés auteurs du manifeste du négro-mauritanien opprimé. Une chose me frappa, je m’attendais à voir une grande foule de noirs mais on était à peine 50, avec une bonne proportion de femmes.
Je me rappelle de l’impressionnant dispositif de sécurité. Il y avait au moins 1000 CRS dans les sous sols du Palais. Une bande de CRS vint nous charger au moment ou on faisait au revoir de la main à nos héros nationaux, une brutalité vraiment inutile, la foule peu nombreuse était très pacifique. 1000 CRS ! Ils s’attendaient vraiment à un soulèvement populaire qui n’a pas eu lieu. Peu de gens connaissaient les FLAM. D’ailleurs vous le savez peut-être, c’est pour se faire connaître par l’opinion que les FLAM décidèrent de faire une action d’éclat : republier le manifeste de 1966 en l’actualisant.
Ibrahima était chargé de rédiger la partie sur les media. C’est lui qui a rédigé cette partie critique sur la Radio et la Télévision Nationale. Il faut dire que c’était la personne la mieux désignée pour le faire, il était Chef de Service des programmes en français et en langues nationales et avait toutes les données concernant les plages de toutes les émissions, leurs durée…
Fara BA envoyé en prison et Yahya Ould Kebd, qui n’était pas noir foncé, s’en est sorti. Il fut l’un de nos plus grands ministres de la Décentralisation et de l’aménagement du Territoire, toujours reconduit par le Président Sidi Ould Cheikh Abdallahi.
C’est çà la Mauritanie que Taya nous a légué. Quand j’entends dire qu’une partie de l’opposition a assisté à une manifestation où des portraits de cet homme ont été brandis, je n’y crois pas. Disons j’attends d’en rencontrer un qui a vraiment été à cette manifestation pour lui demander si c’est vrai.
Au lycée National, je suis resté sur la lancée du collège, avec moins d’insolence. J’étais enfin sorti de l’âge rebelle où j’étais je l’avoue un peu fou, mais incontrôlable je restais.
Je me rappelle quand mr Tierno Fall, notre proviseur, hochait de la tête quand il nous surprenait en train de manigancer quelques petites perturbations du bon déroulement des cours dans son établissement. J’étais souvent gêné par la relation de parenté qu’il y avait entre nous. Oui, cette relation de parenté a souvent modéré les plans que je concoctais le plus souvent tout seul de peur d’être trahi et de finir en prison. J’étais fou mais j’avais une peur bleue d’aller en taule. C’est pourquoi Il faut que vous raconte cette petite expédition qui a mal tourné.
Je fus parmi les leaders de la grève de 1987 provoquée par une révision des coefficients et les notes éliminatoires.
Un jour, parti vers 10h du matin bien enturbanné avec trois grévistes pour vider le lycée des Jeunes Filles, je me retrouve seul à effectuer la sale besogne. Je fus vite maîtrisé par les policiers, passé à tabac, avant d’être amené sous bonne escorte devant le portail de l’établissement pour être jeté dans leur Toyota. C’est là que le miracle se réalise. Les habitants de Ilot A ayant suivi mon lâchage par mes amis me manifestent solidarité et compassion en entourant le garde kowri ma foi fort costaud. Il me tenait bien et ne voulait pas me lâcher. Le pauvre se fait copieusement insulter.
Un inspecteur de police maure, voyant le désordre créé par le gros attroupement devant le lycée, ordonne au garde de me laisser partir. La foule crie victoire et traite le kowri de sale nègre zélé. Quand à moi, je prends la poudre d’escampette direction ilot C avant qu’ils ne changent d’avis.
Après les événements d’avril 1989, je suis désigné Responsable Lycée National de l’opération Solidarité avec les moussafrins. C’est à ce titre que je remets à feu Colonel Ndiayane la somme de cinq cent soixante mille ouguiyas que nous avons réussi à collecter au niveau du Lycée National.
Des milliards et des milliards avaient été collectés pour les moussafrins.L’argent a été en grande partie détournée par les militaires. Regardez les belles villas qui sont sortis de terre à Tevragh Zeina après les événements. C’est en partie l’argent volé aux moussafrin qui a permis de les construire.
1989, année des terribles événements, année de mon bac. Ce diplôme tombait bien, il fallait absolument que je sorte de ce pays où des mauritaniens venaient de tuer d’autres mauritaniens. Ce qui s’était passé, bien que cela avait était prévu par les intellectuels négro-mauritaniens tant que la question nationale n’est pas réglée, était incroyable. A partir de cette triste année, la fracture communautaire ira en s’amplifiant.
1989, année qui clôt mes plus belles années de militantisme actif et révolutionnaire au collège du Ksar et au Lycée National.
1989, année du départ en Tunisie pour effectuer des études en Informatique, je reviens de Tunis en aout 1991.
BS : la loi de juillet 1991 instaurant le multipartisme venait d’être votée…
Oui, mais j’ai toujours estimé que ce n’est pas le multipartisme qui fera partir.
Fort de cette analyse, je refuse d’adhérer à un quelconque parti ou mouvement. Pour moi, seules les armes pouvaient faire partir Taya. A l’époque j’étais un inconditionnel de Messoud, mes amis m’appelaient Messoud Junior pour se moquer de moi.
Depuis le vote en juillet 1991 de la nouvelle constitution autorisant le multipartisme comme vous dites, je suis la trajectoire des leaders charismatiques du Front Démocratique Uni pour le Changement (FDUC) .
Et je déclare d’avance la guerre à quiconque touchera à Messoud ou Ibrahima. Ce sont les plus grands opposants que la Mauritanie ait jamais connue. Des négro-mauritaniens qui ont refusé de courber l’échine quand c’était vraiment risqué de le faire. Ces deux hommes méritent le respect du peuple mauritanien à vie. Ils ont même le droit de s’égarer en fin de carrière politique, on mettra ça sur le compte de l’essoufflement du marathonien. J’avoue que jusque là, ils ont parfaitement bien manœuvré au plus près de leurs intérêts. Ces intérêts qui ont motivé la dissolution de AC : l’éradication de l’esclavage et le règlement définitif du passif humanitaire, entre autres. Yo allaahu juutno balDe Be jambareeBe.
Dès mon retour de Tunis en août 1991, je fonde avant de repartir poursuivre mes études en France, la Coordination des Jeunes pour le Changement (CJC), présidée par Mamadou Sylla. Un certain Gueladio en était le Secrétaire Général. Le Pr Saïdou KANE venait à toutes nos réunions de préparation de notre assemblée générale clandestine pour écouter et prodiguer ses conseils.
On devait travailler en étroite collaboration avec le FDUC. Nous rencontrons aussi à la BMD des membres de la Jeunesse El Hor pour une coordination optimale de nos actions. Malheureusement après mon départ pour poursuivre mes études supérieures en France, le mouvement se disloque.
Après le coup d’Etat du 3 août 2005 qui emporte Taya, j’adhère les yeux fermés à l’APP. Certains me disaient « mais, tu ne vas pas aller avec les nassériens ». Bien sûr que je vais aller avec les nassériens s’ils défendent vraiment les idées de l’officier libre Gamal Abdel Nasser. Et puis de toutes les façons, il y a Messoud. Je serai là où il y a Messoud.
Je fus le Directeur de la Communication de la Coordination APP France et Chargé de la Communication en français du candidat Messoud durant la campagne présidentielle de mars 2007.
J’ai quitté l’APP le jour où ils ont annoncé le soutien de la candidature de Sidioca au second tour.
J’ai appelé Messoud le lendemain matin pour lui dire gentiment que je démissionnais du parti. Et le même jour j’appelle Ibrahima pour lui dire que je le rejoindrai après l’élection présidentielle. Il m’étais impossible de battre campagne pour Ahmed Ould Daddah, le bon teint bon genre qui a empêché Messoud d’être Président de la République en 1992.
Ma séparation avec Messoud après son ralliement de Sidioca était inéluctable. Il faut être conséquent dans la vie. C’est moi qui ai organisé la célèbre interview RFI avec Christophe Bouabouvier où Messoud traitait Sidioca d’homme de paille. C’était le 4 octobre 2006 dans les locaux du Centre d’Accueil de la Presse Etrangère à Paris.
Consultez ce lien : http://www.capefrance.com/fr/conferences/2006/10/photo_4378.html
Messoud ajoute même qu’un homme de paille on le jette et on le brûle quand on veut.
Eh bien, c’est ce qui est arrivé le 6 août 2008.
Je finis par un zoom sur cette étrange répétition de l’histoire.
Ce sont les militaires qui sont allés chercher en 2007 Sidioca, un parfait inconnu ancien ministre de Mokhtar Ould Daddah, pour l’imposer aux mauritaniens. Sidioca a lui-même reconnu que c’est grâce aux militaires qu’il avait gagné l’élection présidentielle de mars 2007. N’est-ce pas ?
Eh bien ce sont aussi ces même militaires qui sont allés chercher en 1992 Ahmed Ould Daddah, encore un ancien Ministre de Mokhtar Ould Daddah ! Quelle bégaiement de l’histoire !
Tout se passe comme si la grande muette avait un sentiment de culpabilité pour avoir renversé Mokhtar Ould Daddah le 10 juillet 1978. Sinon comment expliquer qu’ils nous aient ramené à deux reprises des anciens ministres de feu Mokhtar pour truquer leurs élections ?
Oui, je le répète haut et fort ici – d’autres l’ont déjà dit - l’élection présidentielle de 2007 était truquée, comme celle de 1992.
Ces deux élections étaient gagnées d’avance par le candidat des militaires :
- Taya en 1992
- Sidioca en 2007
Alors qu’on n’arrête de nous tympaniser avec le bilan de Sidioca. Sidioca, ce respectable homme connu pour sa piété, était un homme de paille. Il ne peut pas avoir de bilan. Ou disons que le bilan de Sidioca est le bilan des miliaires.
Pour bien faire comprendre les subtilités du système que nous combattons, je vais rappeler le contexte de l’élection présidentielle de 1992. A l’époque, Messoud était le leader de l’opposition et la personne la plus indiquée pour être notre candidat unique contre Taya.
Mais il était hors de question pour Taya de compétir contre un hartani, un esclave !
Les militaires envoient Moussa FALL et compagnie du MND trouver un mauritanien bon teint bon genre pour affronter Taya à la 1ère Présidentielle après l’instauration du multipartisme.
Les baronnies de l’opposition, à savoir les maures blancs et l’aristocratie négro-mauritanienne, pensaient comme Taya mais n’osaient pas dire crûment à Messoud « écoutes tu es un esclave, tu ne peux pas prétendre au fauteuil présidentiel ». Non, ils appellent au boycott de l’élection présidentielle.
Et quand Ahmed Daddah débarque à Nouakchott – c’est l’excédent de bagages de Moussa Fall, ancien Directeur de l’ANAIR – ils changent complètement de discours. Il faut absolument aller à ces élections. Le système que nous combattons nous prend vraiment pour des cons.
Voilà ce dont je suis absolument convaincu :
Si Messoud avait été notre candidat unique à l’élection présidentielle de 1992, on aurait eu un président haratine installé dans le fauteuil. Le peuple aurait marché sur le palais pour faire accepter par la force et son sang le résultat des urnes. Et les militaires n’auraient jamais eu le temps de diviser notre classe politique pour se pérenniser au pouvoir.
C’est pourquoi je dis à Messoud « Bravo d’avoir planté Ahmed Daddah en 2007. Par ce geste, tu as prouvé au monde entier que le haratine, l’esclave, à défaut d’être roi sera faiseur de rois à sa guise ».
En réalité, j’étais pour le boycott par l’APP du second Tour de la Présidentielle de 2007. Comment voulez-vous que deux anciens ministres de feu Mokhtar Ould Daddah, que les militaires ont ramené au pays, insufflent le moindre changement au pays ?
Voilà la suite vous la connaissez. Depuis le 19 août 2007, date de notre congrès constitutif, je suis le Directeur de Communication de l’AJD/MR sur proposition d’Ibrahima.
Et je ne m’en cache pas, je suis à l’AJD/MR à cause de lui, comme j’étais à l’APP à cause de Messoud.
En Politique, les déclarations de politique Générale des partis ne suffisent pas, il faut voir la crédibilité de l’homme responsable de son exécution.
Parlez-nous un peu de votre formation
Ciré : Là aussi, accrochez-vous. Je suis titulaire d’un DEA en Matériaux Polymères et Composites, obtenu en 1996 au laboratoire de Rhéologie de l’Université de St Etienne . Beaucoup de personnes pensent que je suis un littéraire. Non, je suis avant tout un scientifique.
J’ai obtenu mon bac C en 1989, l’année des terribles événements Ce diplôme tombait bien, il fallait absolument que je sorte de ce pays où des mauritaniens venaient de tuer d’autres mauritaniens. Ce qui s’était passé, bien que cela avait était prévu par les intellectuels négro-mauritaniens tant que la question nationale n’est pas réglée, était incroyable. A partir de cette triste année, la fracture communautaire ira en s’amplifiant.
Je suis revenu en 1991 avec un diplôme d’analyste programmeur obtenu au Centre National d’Informatique de Tunis. Mais les entreprises mauritaniennes n’avaient pas de besoin en Informatique de gestion, la bureautique word/excel suffisait leur bonheur. La plupart ne savaient même pas ce qu’est un programme informatique. C’est pourquoi, j’ai décidé d’aller poursuivre mes études en France.
En Guadeloupe d’abord où j’ai obtenu avec mention un DEUG en Maths/Physique, puis à l’Université Paul Sabatier de Toulouse où je décroche en 1995 ma maîtrise en Sciences des Matériaux.
Après mon DEA à St Etienne, je décide de rentrer tout de suite dans la vie active. Je connaissais le triste sort des doctorants ou des docteurs : chômage presque garanti. J’avais un atout de taille : ma maîtrise du langage COBOL acquise pendant ma formation professionnelle en Tunisie. Ce langage, très demandé par les entreprises françaises pour assurer leur passage du fameux bug de l’an 2000 fait qu’en moins de deux semaines de recherche d’emploi, je suis embauché par une Société de Services et d’Ingénierie en Informatique(SSII).
A partir de 2001, je deviens consultant spécialisé dans les secteurs Assurances et Banques.
Et comme je l’ai dit en retraçant mon parcours politique, c’est après le renversement de Taya le 3 août 2005 que je décide de quitter la France et de revenir m’installer définitivement en Mauritanie. Retour effectif en février 2007 pour mener la campagne présidentielle de Messoud.
Et le 5 juin 2007, je crée une société de Communication.
Source: Blog de Cire Kane
Je me suis véritablement engagé à l’âge de 15 ans quand je suis rentré en 1983 au Collège du Ksar.
Et le fait d’avoir eu comme professeur de français Fara BA, l’actuel Secrétaire à l’éducation de l’AJD/MR et ancien bagnard de Walata, n’a fait qu’aggraver ma révolte face au racisme d’Etat que j’avais cerné dans toutes ses logiques de négation de mon identité. Fara débordait les manuels pédagogiques de l’IPN pour nous enseigner des choses qui n’avaient rien à voir avec l’apprentissage du français. Ces choses utiles pour mieux comprendre l’histoire de son pays avant de maitrîser l’histoire de la France ou l’économie de l’URSS. Depuis je n’ai jamais quitté la lutte.
Pensée affectueuse aussi pour Yahya Ould Kebd, mon brillant professeur d’Histoire que j’énervai franchement par mon insolence. Pour se venger, il m’appelait « le noireau ». Cela me faisait rire, Yahya est…noir ! Ma première année au collège a coîncidé avec l’âge rebelle et j’étais franchement insupportable. Il m’arrivait de venir en classe la chemise complètement déboutonnée, le ventre à l’air libre, juste pour provoquer un de mes professeurs. J’avais une attitude complètement irrationnelle, qui a été encouragée par le laxisme du Directeur des Etudes. Il ne traitait pas avec sérieux les plaintes de mes professeurs. Et ces derniers, comme je travaillais bien – j’avais toujours les meilleures notes- n’insistaient pas trop pour que je sois puni. Ce sont les plus belles années de ma vie militante. En cas de grève, je m’arrangeais toujours pour être le premier à jeter une pierre à un flic. J’expliquais aux collègues pourquoi il fallait absolument que cette grève dure, qu’il fallait une révolution en Mauritanie.
Voilà ce qu’était le collège du Ksar en 1983/85, un établissement prestigieux, avec de très bons professeurs. Pendant les trois années passée dans ce Collège, je finissais toujours 1er de la classe. Le mérite en revient aux Professeurs de l’époque. Je suis heureux de ne pas être né maintenant. A l’école publique que nous avons aujourd’hui, j’aurai terminé toujours dernier, et dans toutes les matières. Notre école publique se meurt.
Fara BA a été envoyé en prison en 1986. A l’époque, je ne connaissais rien des FLAM, je n’avais pas eu copie du manifeste pour vraiment savoir exactement pourquoi le Pr Saidou KANE et tous ces gens étaient arrêtés. Et c’est bien plus tard, un an ou deux ans après que j’ai su que mon cher professeur Fara était dans le lot.
Mais je savais de science sûre que cela avait un rapport avec la question de la cohabitation entre nos différentes communautés. C’est pourquoi je suis parti du Lycée vers 9h du matin pour aller camper devant le Palais de Justice le jour du jugement des présumés auteurs du manifeste du négro-mauritanien opprimé. Une chose me frappa, je m’attendais à voir une grande foule de noirs mais on était à peine 50, avec une bonne proportion de femmes.
Je me rappelle de l’impressionnant dispositif de sécurité. Il y avait au moins 1000 CRS dans les sous sols du Palais. Une bande de CRS vint nous charger au moment ou on faisait au revoir de la main à nos héros nationaux, une brutalité vraiment inutile, la foule peu nombreuse était très pacifique. 1000 CRS ! Ils s’attendaient vraiment à un soulèvement populaire qui n’a pas eu lieu. Peu de gens connaissaient les FLAM. D’ailleurs vous le savez peut-être, c’est pour se faire connaître par l’opinion que les FLAM décidèrent de faire une action d’éclat : republier le manifeste de 1966 en l’actualisant.
Ibrahima était chargé de rédiger la partie sur les media. C’est lui qui a rédigé cette partie critique sur la Radio et la Télévision Nationale. Il faut dire que c’était la personne la mieux désignée pour le faire, il était Chef de Service des programmes en français et en langues nationales et avait toutes les données concernant les plages de toutes les émissions, leurs durée…
Fara BA envoyé en prison et Yahya Ould Kebd, qui n’était pas noir foncé, s’en est sorti. Il fut l’un de nos plus grands ministres de la Décentralisation et de l’aménagement du Territoire, toujours reconduit par le Président Sidi Ould Cheikh Abdallahi.
C’est çà la Mauritanie que Taya nous a légué. Quand j’entends dire qu’une partie de l’opposition a assisté à une manifestation où des portraits de cet homme ont été brandis, je n’y crois pas. Disons j’attends d’en rencontrer un qui a vraiment été à cette manifestation pour lui demander si c’est vrai.
Au lycée National, je suis resté sur la lancée du collège, avec moins d’insolence. J’étais enfin sorti de l’âge rebelle où j’étais je l’avoue un peu fou, mais incontrôlable je restais.
Je me rappelle quand mr Tierno Fall, notre proviseur, hochait de la tête quand il nous surprenait en train de manigancer quelques petites perturbations du bon déroulement des cours dans son établissement. J’étais souvent gêné par la relation de parenté qu’il y avait entre nous. Oui, cette relation de parenté a souvent modéré les plans que je concoctais le plus souvent tout seul de peur d’être trahi et de finir en prison. J’étais fou mais j’avais une peur bleue d’aller en taule. C’est pourquoi Il faut que vous raconte cette petite expédition qui a mal tourné.
Je fus parmi les leaders de la grève de 1987 provoquée par une révision des coefficients et les notes éliminatoires.
Un jour, parti vers 10h du matin bien enturbanné avec trois grévistes pour vider le lycée des Jeunes Filles, je me retrouve seul à effectuer la sale besogne. Je fus vite maîtrisé par les policiers, passé à tabac, avant d’être amené sous bonne escorte devant le portail de l’établissement pour être jeté dans leur Toyota. C’est là que le miracle se réalise. Les habitants de Ilot A ayant suivi mon lâchage par mes amis me manifestent solidarité et compassion en entourant le garde kowri ma foi fort costaud. Il me tenait bien et ne voulait pas me lâcher. Le pauvre se fait copieusement insulter.
Un inspecteur de police maure, voyant le désordre créé par le gros attroupement devant le lycée, ordonne au garde de me laisser partir. La foule crie victoire et traite le kowri de sale nègre zélé. Quand à moi, je prends la poudre d’escampette direction ilot C avant qu’ils ne changent d’avis.
Après les événements d’avril 1989, je suis désigné Responsable Lycée National de l’opération Solidarité avec les moussafrins. C’est à ce titre que je remets à feu Colonel Ndiayane la somme de cinq cent soixante mille ouguiyas que nous avons réussi à collecter au niveau du Lycée National.
Des milliards et des milliards avaient été collectés pour les moussafrins.L’argent a été en grande partie détournée par les militaires. Regardez les belles villas qui sont sortis de terre à Tevragh Zeina après les événements. C’est en partie l’argent volé aux moussafrin qui a permis de les construire.
1989, année des terribles événements, année de mon bac. Ce diplôme tombait bien, il fallait absolument que je sorte de ce pays où des mauritaniens venaient de tuer d’autres mauritaniens. Ce qui s’était passé, bien que cela avait était prévu par les intellectuels négro-mauritaniens tant que la question nationale n’est pas réglée, était incroyable. A partir de cette triste année, la fracture communautaire ira en s’amplifiant.
1989, année qui clôt mes plus belles années de militantisme actif et révolutionnaire au collège du Ksar et au Lycée National.
1989, année du départ en Tunisie pour effectuer des études en Informatique, je reviens de Tunis en aout 1991.
BS : la loi de juillet 1991 instaurant le multipartisme venait d’être votée…
Oui, mais j’ai toujours estimé que ce n’est pas le multipartisme qui fera partir.
Fort de cette analyse, je refuse d’adhérer à un quelconque parti ou mouvement. Pour moi, seules les armes pouvaient faire partir Taya. A l’époque j’étais un inconditionnel de Messoud, mes amis m’appelaient Messoud Junior pour se moquer de moi.
Depuis le vote en juillet 1991 de la nouvelle constitution autorisant le multipartisme comme vous dites, je suis la trajectoire des leaders charismatiques du Front Démocratique Uni pour le Changement (FDUC) .
Et je déclare d’avance la guerre à quiconque touchera à Messoud ou Ibrahima. Ce sont les plus grands opposants que la Mauritanie ait jamais connue. Des négro-mauritaniens qui ont refusé de courber l’échine quand c’était vraiment risqué de le faire. Ces deux hommes méritent le respect du peuple mauritanien à vie. Ils ont même le droit de s’égarer en fin de carrière politique, on mettra ça sur le compte de l’essoufflement du marathonien. J’avoue que jusque là, ils ont parfaitement bien manœuvré au plus près de leurs intérêts. Ces intérêts qui ont motivé la dissolution de AC : l’éradication de l’esclavage et le règlement définitif du passif humanitaire, entre autres. Yo allaahu juutno balDe Be jambareeBe.
Dès mon retour de Tunis en août 1991, je fonde avant de repartir poursuivre mes études en France, la Coordination des Jeunes pour le Changement (CJC), présidée par Mamadou Sylla. Un certain Gueladio en était le Secrétaire Général. Le Pr Saïdou KANE venait à toutes nos réunions de préparation de notre assemblée générale clandestine pour écouter et prodiguer ses conseils.
On devait travailler en étroite collaboration avec le FDUC. Nous rencontrons aussi à la BMD des membres de la Jeunesse El Hor pour une coordination optimale de nos actions. Malheureusement après mon départ pour poursuivre mes études supérieures en France, le mouvement se disloque.
Après le coup d’Etat du 3 août 2005 qui emporte Taya, j’adhère les yeux fermés à l’APP. Certains me disaient « mais, tu ne vas pas aller avec les nassériens ». Bien sûr que je vais aller avec les nassériens s’ils défendent vraiment les idées de l’officier libre Gamal Abdel Nasser. Et puis de toutes les façons, il y a Messoud. Je serai là où il y a Messoud.
Je fus le Directeur de la Communication de la Coordination APP France et Chargé de la Communication en français du candidat Messoud durant la campagne présidentielle de mars 2007.
J’ai quitté l’APP le jour où ils ont annoncé le soutien de la candidature de Sidioca au second tour.
J’ai appelé Messoud le lendemain matin pour lui dire gentiment que je démissionnais du parti. Et le même jour j’appelle Ibrahima pour lui dire que je le rejoindrai après l’élection présidentielle. Il m’étais impossible de battre campagne pour Ahmed Ould Daddah, le bon teint bon genre qui a empêché Messoud d’être Président de la République en 1992.
Ma séparation avec Messoud après son ralliement de Sidioca était inéluctable. Il faut être conséquent dans la vie. C’est moi qui ai organisé la célèbre interview RFI avec Christophe Bouabouvier où Messoud traitait Sidioca d’homme de paille. C’était le 4 octobre 2006 dans les locaux du Centre d’Accueil de la Presse Etrangère à Paris.
Consultez ce lien : http://www.capefrance.com/fr/conferences/2006/10/photo_4378.html
Messoud ajoute même qu’un homme de paille on le jette et on le brûle quand on veut.
Eh bien, c’est ce qui est arrivé le 6 août 2008.
Je finis par un zoom sur cette étrange répétition de l’histoire.
Ce sont les militaires qui sont allés chercher en 2007 Sidioca, un parfait inconnu ancien ministre de Mokhtar Ould Daddah, pour l’imposer aux mauritaniens. Sidioca a lui-même reconnu que c’est grâce aux militaires qu’il avait gagné l’élection présidentielle de mars 2007. N’est-ce pas ?
Eh bien ce sont aussi ces même militaires qui sont allés chercher en 1992 Ahmed Ould Daddah, encore un ancien Ministre de Mokhtar Ould Daddah ! Quelle bégaiement de l’histoire !
Tout se passe comme si la grande muette avait un sentiment de culpabilité pour avoir renversé Mokhtar Ould Daddah le 10 juillet 1978. Sinon comment expliquer qu’ils nous aient ramené à deux reprises des anciens ministres de feu Mokhtar pour truquer leurs élections ?
Oui, je le répète haut et fort ici – d’autres l’ont déjà dit - l’élection présidentielle de 2007 était truquée, comme celle de 1992.
Ces deux élections étaient gagnées d’avance par le candidat des militaires :
- Taya en 1992
- Sidioca en 2007
Alors qu’on n’arrête de nous tympaniser avec le bilan de Sidioca. Sidioca, ce respectable homme connu pour sa piété, était un homme de paille. Il ne peut pas avoir de bilan. Ou disons que le bilan de Sidioca est le bilan des miliaires.
Pour bien faire comprendre les subtilités du système que nous combattons, je vais rappeler le contexte de l’élection présidentielle de 1992. A l’époque, Messoud était le leader de l’opposition et la personne la plus indiquée pour être notre candidat unique contre Taya.
Mais il était hors de question pour Taya de compétir contre un hartani, un esclave !
Les militaires envoient Moussa FALL et compagnie du MND trouver un mauritanien bon teint bon genre pour affronter Taya à la 1ère Présidentielle après l’instauration du multipartisme.
Les baronnies de l’opposition, à savoir les maures blancs et l’aristocratie négro-mauritanienne, pensaient comme Taya mais n’osaient pas dire crûment à Messoud « écoutes tu es un esclave, tu ne peux pas prétendre au fauteuil présidentiel ». Non, ils appellent au boycott de l’élection présidentielle.
Et quand Ahmed Daddah débarque à Nouakchott – c’est l’excédent de bagages de Moussa Fall, ancien Directeur de l’ANAIR – ils changent complètement de discours. Il faut absolument aller à ces élections. Le système que nous combattons nous prend vraiment pour des cons.
Voilà ce dont je suis absolument convaincu :
Si Messoud avait été notre candidat unique à l’élection présidentielle de 1992, on aurait eu un président haratine installé dans le fauteuil. Le peuple aurait marché sur le palais pour faire accepter par la force et son sang le résultat des urnes. Et les militaires n’auraient jamais eu le temps de diviser notre classe politique pour se pérenniser au pouvoir.
C’est pourquoi je dis à Messoud « Bravo d’avoir planté Ahmed Daddah en 2007. Par ce geste, tu as prouvé au monde entier que le haratine, l’esclave, à défaut d’être roi sera faiseur de rois à sa guise ».
En réalité, j’étais pour le boycott par l’APP du second Tour de la Présidentielle de 2007. Comment voulez-vous que deux anciens ministres de feu Mokhtar Ould Daddah, que les militaires ont ramené au pays, insufflent le moindre changement au pays ?
Voilà la suite vous la connaissez. Depuis le 19 août 2007, date de notre congrès constitutif, je suis le Directeur de Communication de l’AJD/MR sur proposition d’Ibrahima.
Et je ne m’en cache pas, je suis à l’AJD/MR à cause de lui, comme j’étais à l’APP à cause de Messoud.
En Politique, les déclarations de politique Générale des partis ne suffisent pas, il faut voir la crédibilité de l’homme responsable de son exécution.
Parlez-nous un peu de votre formation
Ciré : Là aussi, accrochez-vous. Je suis titulaire d’un DEA en Matériaux Polymères et Composites, obtenu en 1996 au laboratoire de Rhéologie de l’Université de St Etienne . Beaucoup de personnes pensent que je suis un littéraire. Non, je suis avant tout un scientifique.
J’ai obtenu mon bac C en 1989, l’année des terribles événements Ce diplôme tombait bien, il fallait absolument que je sorte de ce pays où des mauritaniens venaient de tuer d’autres mauritaniens. Ce qui s’était passé, bien que cela avait était prévu par les intellectuels négro-mauritaniens tant que la question nationale n’est pas réglée, était incroyable. A partir de cette triste année, la fracture communautaire ira en s’amplifiant.
Je suis revenu en 1991 avec un diplôme d’analyste programmeur obtenu au Centre National d’Informatique de Tunis. Mais les entreprises mauritaniennes n’avaient pas de besoin en Informatique de gestion, la bureautique word/excel suffisait leur bonheur. La plupart ne savaient même pas ce qu’est un programme informatique. C’est pourquoi, j’ai décidé d’aller poursuivre mes études en France.
En Guadeloupe d’abord où j’ai obtenu avec mention un DEUG en Maths/Physique, puis à l’Université Paul Sabatier de Toulouse où je décroche en 1995 ma maîtrise en Sciences des Matériaux.
Après mon DEA à St Etienne, je décide de rentrer tout de suite dans la vie active. Je connaissais le triste sort des doctorants ou des docteurs : chômage presque garanti. J’avais un atout de taille : ma maîtrise du langage COBOL acquise pendant ma formation professionnelle en Tunisie. Ce langage, très demandé par les entreprises françaises pour assurer leur passage du fameux bug de l’an 2000 fait qu’en moins de deux semaines de recherche d’emploi, je suis embauché par une Société de Services et d’Ingénierie en Informatique(SSII).
A partir de 2001, je deviens consultant spécialisé dans les secteurs Assurances et Banques.
Et comme je l’ai dit en retraçant mon parcours politique, c’est après le renversement de Taya le 3 août 2005 que je décide de quitter la France et de revenir m’installer définitivement en Mauritanie. Retour effectif en février 2007 pour mener la campagne présidentielle de Messoud.
Et le 5 juin 2007, je crée une société de Communication.
Source: Blog de Cire Kane