Lettre ouverte

Paris le 09/01/2019



À Mr António GUTERRES, Secrétaire Général de l’ONU,Mr Ibrahim Boubacar KEITA, Président du Mali,Emmanuel MACRON, Président de la France,Excellences,Depuis 2011-2012, les Peuls du Mali sont victimes d’exactions. Cette situation quia trop duré ne suscite pourtant guère une émotion significative au niveauinternational. Cette tragédie se déroule dans un contexte où ce pays subit lapression de djihadistes. Le Nord du Mali a connu une invasion significative degroupes terroristes à partir de mars 2012. Si certains Peuls, essentiellement, sous lahoulette d’Amadou Koufa sont devenus des terroristes, tous les Peuls du Mali ne lesont pas. Comment alors expliquer cette indifférence quasi-générale face auxmassacres de ce peuple ? Y a t-il derrière tout cela des intérêts politiques supérieursen jeu ?Il faudrait remarquer que de nombreux groupes peuls, appelés djihadistes, ne sontque des milices d’auto-défense. Sans légitimer aucune forme de violence, il estimportant de le souligner, dans un contexte où le chaos règne en maître, descomportements insensés émergent fatalement.La situation du Mali est complexe. Á côté de l’invasion terroriste se glisse, peu àpeu, des conflits de nature « ethnique ». Mais à y regarder de près, nous pouvonsvoir, derrière tout cela, des conflits économique ou politique.Le continent africain est souvent présenté comme celui où les conflits ethniquessont intrinsèques. Mais cette manière de voir est sans fondement.

Une connaissanceminimale, en matière de recherches, permet de restituer le cadre d’émergence deces affrontements.En Afrique de manière générale et de l’Ouest en particulier, ceux qui s’intéressentun peu au passé savent que l’empire du Ghana était un empire où cohabitaient despeuples différents sans que cela ne soit à l’origine de conflits, il en était de mêmepour l’empire du Mali. Sans renter dans des détails, nous savons que c’est le modèledécentralisé de cet empire et la gestion politique de celui-ci qui ont permis une cohabitation paisible entre différentes entités. En effet, différents ensemblesvivaient pacifiquement au sein du Ghana: Soninkés, Bambaras, Peuls, Wolofs,Berbères, etc. Même si nous n’ignorons pas que les affrontements font partie del’histoire humaine. Ce qui nous permet de l’éviter est la gestion des tensions.La notion d’ethnie est une notion très ambigüe. Ce sont essentiellement les théoriesde classification raciale au XIXème siècle qui, pour distinguer les peuples civiliséseuropéens qui seraient des nations et les peuples non civilisés des autres continentsqui seraient des ethnies, ont usé de ce terme.Dans la pratique, la notion d’ethnie est très peu opérationnelle en Afrique car lebrassage des populations y est fréquent. Il est difficile de définir cette notion. LesPeuls, eux-mêmes, ont connu de nombreux métissages tout au long de leurhistoire.Les problèmes dits ethniques en Afrique sont des questions relevant du politiqueou de l’économique. Le pouvoir colonial, puis les pouvoirs postcoloniaux ontmanipulés des populations, connaissant une dynamique, pour asseoir leurdomination. Ainsi, la situation des Peuls du Mali relève de questions politique etéconomique. Sans trop prendre de risque, nous ne pouvons que nous étonner de lapassivité du pouvoir malien à résoudre ce problème. D’autre part, et sur un planéconomique, les attaques des chasseurs dogons visent certainement à profiter de lasituation de chaos actuel du pays pour chasser les Peuls de leur terre et d’en jouirpar la suite.Les massacres de civils ont déjà fait trop de ravages en Afrique : le génociderwandais, les guerres de rébellion et les différents conflits tantôt ethniques tantôtreligieux, au Tchad, au Congo, en Erythrée, au Soudan, en Côte-d’Ivoire, en SierraLeone, au Libéria, au Burkina Faso…, sans oublier les exactions extrajudiciairescommises par les autorités mauritaniennes à l’encontre des Noirs. Ailleurs, partoutdans le monde, des scénarios similaires se produisent çà et là et personne ne trouvede solution à ce phénomène : Kurdes, Tamouls, Rohingas, Yezidis, Touaregs,Palestiniens, Juifs, Chrétiens d’Orient, Chiites, Sunnites, Bouddhistes…Devant cette situation, acteurs humanitaires et décideurs politiques se regardent enchiens de faïence, les premiers impuissants tentent timidement d’alerter lacommunauté internationale et les seconds presque insouciants restent plongés dansl’immobilisme absolu, comme si ce drame humain n’était pas là pour nous rappelerla fragilité de la PAIX qu’il faut pourtant préserver vaille que vaille. Qu’avons-nousretenu des leçons du passé et des guerres qui ont décimé une bonne partie del’humanité ?
Nous tenions à témoigner notre indignation face à ces massacres inadmissibles,sentiment largement partagé par plus de treize mille défenseurs de la dignitéhumaine et du droit inaliénable à la vie qui doit être garanti pour tout être humain, àtravers la pétition intitulée « Arrêter le massacre des Peuls par des milices Dogonsau Mali », pétition en cours sur « change.org ». Elle est consécutive au massacre dela nuit du premier janvier 2019 dans le village de Koulogon situé au centre du Mali,avec le lourd bilan de 37 Peuls assassinés nuitamment par des chasseurs dogons.Alors que faut-il faire dans l’urgence ?Premièrement, il faudrait pousser le gouvernement malien, avec l’aideinternationale, à désarmer toutes les milices et à renforcer le pourvoir central, sousle règne de règles démocratique et égalitaire, aider le Mali à élever son niveaud’éducation et à se développer.Deuxièmement, sous l’égide de l’ONU, ouvrir une enquête indépendante en vuede retrouver les coupables des massacres de Peuls et les traduire devant la justice.Troisièmement, participer à un retour organisé des Peuls chassés de chez eux etfaire indemniser les victimes par le gouvernement.Sincères salutations.

Source : Oumar DIAGNE, Écrivain Ousmane DIA, Écrivain

Dimanche 13 Janvier 2019
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