Le devoir de révolte du négro-mauritanien par MOHAMED YAHYA Ould CIRE: Ancien diplomate mauritanien

MOHAMED YAHYA Ould CIRE: Ancien diplomate mauritanien, diplômé de l’ENA de Mauritanie en 1976 (section diplomatie).

De 1976 à 1979 fonctionnaire au Ministère des Affaires Etrangères



de 1979 à 1980, conseiller à l’Ambassade de Mauritanie à Kinshasa (Zaïre),
de 1980 à 1986, conseiller à l’Ambassade de Mauritanie à Paris,
de 1986 à 1992, consul première classe au Consulat général de Mauritanie à Paris,
de 1992 à 1998, consul général de Mauritanie en Guinée Bissau.
Membre fondateur d’El HOR (Organisation pour la libération et l’émancipation des Haratine), et président de AHME (Association des Haratine de Mauritanie en Europe).
En 2006, soutenance d’une thèse en science politique à Paris II intitulée : L’abolition de l’esclavage en Mauritanie et les difficultés de son application. Vous avez été admis au grade de docteur en science politique avec mention très honorable.



Le devoir de révolte du négro-mauritanien par MOHAMED YAHYA Ould CIRE: Ancien diplomate mauritanien
1. OCVIDH. Comment définissez-vous la communauté Haratine, si on considère la diaspora sénégalaise qui a rejoint la Mauritanie dont beaucoup ne parlent ni la langue arabe et ne possède pas la culture arabo-berbère.


Ould Ciré : La communauté haratine se définit ainsi qu’il suit : elle est d’origine négro-africaine, de culture arabo-berbère, même si une partie de sa diaspora ne parle pas le hassania (langue dérivée de l’arabe que parlent les maures). Ce qui unit les membres de la communauté haratine, c’est le fait d’avoir vécu l’esclavage maure, soit directement, soit par ascendance.

Les sévices qui accompagnent l’esclavage ont conduit beaucoup d’esclaves à fuir leurs maîtres et se sont réfugiés soit au Sud de la Mauritanie, au Sénégal, au Mali, etc. Ces groupes ont adopté la culture des ethnies négro-africaines dans lesquelles ils vivaient ou vivent encore. La rupture avec sa communauté d’origine, à savoir négro-africaine, où la personne ne sait plus à quelle ethnie elle appartient constitue un élément aussi important.
Le groupe haratine se compose d’Affranchis (Haratine) et d’Abid (esclaves). Ce qui caractérise cette communauté dans son ensemble est le fait d’être sous la domination de la communauté maure. Pour accéder à la liberté et à l’égalité, le combat contre l’esclavage et le racisme devient un élément dans la conduite des Haratine L’issue de ce combat sera déterminante dans le futur de cette communauté et de la Mauritanie.


2. OCVIDH. Qu’est-ce que le mouvement EL HOR ?, Pourquoi aviez-vous besoin de fonder AHME, cela ne cacherait-il pas un peu la vocation du mouvement fondateur de libération, ou y aurait-il des contradictions entre les prises de positions personnelles des fondateurs du mouvement EL HOR ?

Ould Ciré :
EL HOR est une organisation de libération et d’Emancipation des Haratine, je suis un membre fondateur en 1974 du premier noyau de cette organisation. Dans ce noyau, il y avait Bilal ould Werzeg, Abdarahmane ould Mahmoud, Ahmed Salem Ould Demba, Amar Ould Deina etc.

La restructuration de 1978 a été faite à partir de ce premier noyau. Toute autre version de la naissance d’El Hor est fausse.

L’objectif principal était et reste la libération de la communauté haratine.

Malheureusement, cette organisation n’a pas pu remplir cette tache car elle a été infiltrée par l’Etat mauritanien qui l’a scindée en plusieurs fractions en 1986, 1991, etc. Depuis 1980, cette organisation ne fonctionne plus. Il y a beaucoup de militants qui travaillent, qui font vivre l’esprit d’El Hor, mais la direction n’existe plus, et les activités politiques sont suspendues. Par conséquent l’idée survit, mais il n’y aucune structure qui prenne en charge la problématique posée à l’origine.

Cet échec a suscité la création de SOS-Esclaves en 1995 qui est basée en Mauritanie, et qui lutte sur le front interne.

Au front extérieur, j’ai créé avec d’autres, l’Association des Haratine de Mauritanie en Europe (AHME) qui possède un journal dénommé « Le Cri du Hartani », un site www.haratine.com et un forum (haratine.yahoogroupes). AHME contribue comme d’autres organisations à faire connaître la question de l’esclavage et à exercer des pressions en vue de l’abolition de ce phénomène social.

Dès l’instant où l’Etat mauritanien a pu récupérer certains dirigeants d’El Hor, de première heure ou de seconde heure, on est placé devant un choix, soit renoncer à la libération des Haratine, soit contourner les obstacles et créer d’autres structures qui vont continuer le combat.


3. OCVIDH. A vous entendre, les conditions que vous dénoncez et qui ont motivé votre départ de la Mauritanie sont terriblement d’actualité, et diversement prises en charge par les différents partis et associations. La dispersion des organisations ne faiblit-il pas l’ensemble du mouvement de revendication et de lutte des Négro-mauritaniens ?



Ould Ciré :
J’ai réglé trois questions liées à l’esclavage en Guinée-Bissau, en vertu de l’ordonnance du 9 novembre 1981, et ce, en faveur des victimes. Suite au règlement de la première affaire en 1994, le secrétaire général Khattry ould Jiddou m’avait demandé, de renoncer à cette libération. J’ai continué à régler les problèmes suivant leur arrivée. Ce sont là les premiers problèmes que j’ai eus avec le ministère des Affaires étrangères et de la coopération de Mauritanie.

Voyant que je ne renonçais pas à mes convictions et à l’application de l’ordonnance abolissant l’esclavage, le Ministère a cherché à me discréditer en m’impliquant dans une affaire de détournement de deniers publics. La question de Sidi Fall avait déjà débuté et m’a alerté sur la volonté de l’Etat maure et de la féodalité de frapper sur tout hartani qui ne respecterait pas l’ordre établi.

L’abolition de l’esclavage est notre objectif principal. Tant que cet objectif n’a pas été atteint, la lutte doit continuer afin d’y parvenir.

La multiplicité des organisations prenant en charge la question de l’esclavage et du racisme ne me choque pas, elle est même positive si toutes les forces convergent vers le même but, à savoir l’abolition effective et de l’esclavage et du racisme. On peut prendre en exemple l’Inde où plusieurs partis politiques dirigés par les victimes de l’esclavage, ont pris en charge la question des « intouchables » (esclaves), et qui ont abouti à une discrimination positive à leur faveur et à une participation importante sur le plan politique.

Par contre le problème se pose lorsque certaines organisations s’inscrivent dans une autre optique qui est celle de retarder ou d’empêcher l’aboutissement de la lutte. Dans ce cas, il nous revient de les débusquer et de les dénoncer.





4. OCVIDH. En réalité, en parlant de dispersion, nous pensions que d’une certaine manière que l’esclavage des Haratine converge avec la discrimination de l’ensemble des Noirs. Si on observe le paysage politique et associatif où les Haratine occupent des postes dans les différents échelons politiques et sociaux, et n’ont plus rien à envier aux autres composantes noires de la Mauritanie.



Ould Ciré : Toutes les composantes négro-africaines de Mauritanie sont victimes du racisme. Cependant, je ne partage l’idée qu’elles soient toutes logées à la même enseigne par rapport à l’esclavage. D’abord, les esclaves (Abid) sont réduits à la servitude et n’ont aucun droit, ni politique, ni juridique, ni social, etc. Ensuite, les Haratine sont aussi une autre forme de gestion de l’esclavage par les Maures qui leur coûte moins cher et qui leur rapporte beaucoup. En effet, les Haratine bénéficient d’une relative « liberté » par rapport à leurs anciens maîtres, mais ils continuent à être exploités à distance, et privés de leurs droits politiques et juridiques. Ils peuvent être déshérités, votent selon les instructions de leurs anciens maîtres, et vivent donc une soumission qui n’est en rien différente de celle des Esclaves.

Enfin, les esclaves et les Haratine forment une communauté importante en Mauritanie (45% de la population) qui est à la fois victime et de l’esclavage et du racisme. Abraham Lincoln dit : « Si l’esclavage n’est pas mauvais, rien au monde n’est mauvais ». Christian Delacampagne définit le racisme comme « la haine de l’Autre ». Aucune communauté en Mauritanie n’est, à la fois, victime dans sa totalité et de l’esclavage et du racisme.

Les postes octroyés aux Haratine aujourd’hui, s’inscrivent dans une stratégie de continuité de l’esclavage.

Une grande partie des négro-mauritaniens n’est pas victime de l’esclavage. Ceci les différencie avec l’ensemble de la communauté haratine qui est effectivement victime de l’esclavage.

Prenons l’instruction comme second exemple. Les Haratine sont dans leur grande majorité ignorants, alors que l’instruction est plus répandue dans la communauté négro-mauritanienne. Les premières écoles françaises ouvertes en Mauritanie étaient celle de Kaédi en 1905 et celle de Boghé en 1912. Or, sauf exception, l’école était interdite aux esclaves et Haratine jusqu’en 1946.

5. OCVIDH. Sur la question précise de l’esclavage, le discours officiel parle de séquelles de l’esclavage et n’hésite pas à faire le parallèle avec le système de castes chez les communautés noires, puisque vous êtes parfaitement averti de la réaction d’une franche de la communauté Soninké contre la nomination de M. Timéra Boubou par Maawiyya, et M. Diarra Idriss par le général ould Abdel Aziz, pour le fait vraisemblable que ces deux personnages étaient des esclaves selon le système de caste historique chez les soninkés.



Ould Ciré : La thèse des séquelles de l’esclavage est une forme de camouflage politique. Elle est une négation de l’esclavage. Elle permet de l’évoquer, tout en s’abstenant de lutter contre les conséquences qui en découlent.

Dans la communauté négro-mauritanienne, il y a à la fois l’esclavage et le système des castes. Les castés ne sont pas des esclaves, mais privés d’un certain nombre de droits. Or, les esclaves sont réellement asservis même si l’esclavage dans la communauté négro-mauritanienne diffère sur plusieurs points de l’esclavage maure (par l’ampleur, l’exploitation et les sévices). Ce qui rapproche l’esclave négro-mauritanien de l’esclave maure, c’est la question du statut. Il s’agit de l’inégalité de fait entre les maîtres et les esclaves qui repose sur des statuts différents. Le maître n’est pas l’égal de l’esclave, il est supérieur à celui-ci. L’esclave appartient au maître (Aristote).

Pour une question de cohérence, on ne peut pas lutter contre l’esclavage maure sans lutter contre l’esclavage négro-mauritanien. L’efficacité de la lutte contre l’esclavage nous incite à prendre en compte les deux formes d’esclavage, maure et négro-mauritanien. Les deux féodalités, maures et négro-mauritanienne, sont des alliées politiques. Elles votent pour le même camp politique, et défendent des intérêts politiques, économiques communs.

Le cas de Timéra Boubou est un cas éloquent. La féodalité soninké s’est opposée à sa nomination auprès de ould Taya qui a accédé à sa requête. Par conséquent-, si on arrive à abolir l’esclavage maure sans s’attaquer à l’esclavage négro-mauritanien, le problème reste entier.

Les castés ressemblent beaucoup aux haratine. Ils ne sont plus esclaves, mais restent exclus de la propriété terrienne, de postes politiques traditionnels (chefferies), et des postes politiques au niveau de l’Etat.



6. OCVIDH. Ce qui nous semble la pire affaire est le reproche fait par certains négro-mauritaniens de la participation des Haratines aux massacres et déportations des autres noirs lors des évènements de 1989. Qu’en pensez-vous ?



Ould Ciré :
Les événements de 1989 sont regrettables. Ils ont causé beaucoup de tort à la communauté négro-africaine de Mauritanie (négro-mauritaniens et Haratine).

Depuis 1983, création des FLAM, l’Etat mauritanien avait comme ennemi principal la communauté négro-mauritanienne. Les nationalistes arabes et berbères voulaient par le biais de l’Etat régler leur compte à cette communauté. Comme 1966, 1979, une partie des haratine a été utilisée par les Maures dans leur combat politique contre la communauté négro-mauritanienne. Pour mobiliser la communauté haratine, plusieurs arguments ont été mis en relief. D’abord, on leur a fait croire que les haratine au Sénégal ont été attaqués et massacrés par des sénégalais et des négro-mauritaniens. Ce discours a pu convaincre une partie des haratine. Ensuite, la domination par l’esclavage a joué un rôle important. Les esclaves sont soumis à leurs maîtres et exécutent leurs ordres. Aucune communauté en Mauritanie n’est aussi vulnérable que la communauté haratine. Ceci s’explique par l’esclavage et ses conséquences qui sont la pauvreté, l’aliénation mentale, la dépendance psychologique, etc.

Le climat était tel qu’on obligeait n’importe quel individu, qu’il s’agisse des haratine ou des négro-mauritaniens à participer au lynchage et aux massacres en vue de prouver sa « mauritanité ».

Croire que les haratine sont allés massacrer les autres noirs de leur propre chef, c’est méconnaître la réalité de leur conditionnement, leur asservissement, et les différentes manipulations dont ils sont l’objet.

L’Etat a affrété des camions en vue d’aller ramasser les haratine, y compris à l’intérieur du pays, dans le but d’exécuter cette sale besogne. Les nationalistes arabes, (baathistes et nasséristes) encadraient des groupes de haratine pour les lancer sur leurs frères négro-mauritaniens, et même leur indiquaient les maisons à attaquer et à piller.

La participation des Haratine aux massacres est un fait. Des militaires haratine ont participé aux tortures. Nous connaissons le Colonel Mohamed Ould Boilil, le capitaine Ely Ould Dah. Les Flam, l’Ocvidh ... possèdent une documentation en la matière.

Des fonctionnaires civils ont eu leur part de responsabilité. Il s’agit de Oumar Ould Awbeck (dit Oumar Fall) ancien secrétaire général du Ministère de l’Intérieur, Alioune Ould Awbeck, ancien maire de Tekane. Ces deux personnes ont terrorisé les négro-mauritaniens de la commune de Tékane en 1989-90. Ils ont déporté, expulsé beaucoup de Hal pular en pillant leurs biens et en confisquant leur bétail. Ces exactions étaient commises contre des gens connus par les auteurs des faits et souvent choisis parce que détenteurs de biens. Ces faits sont connus à Tékane et dans la communauté Oulad Aïd.


Malgré cette situation, les haratine structurés au plan politique ne sont pas restés inactifs. Les nuits de massacre en avril, des éléments d’El Hor ont formé des comités qui allaient devant les groupes de haratine, encadrés par les forces de l’ordre et par les nationalistes maures, pour les arrêter, et les convaincre de cesser les massacres. Certains membres d’El Hor ont été blessés au cours de ces opérations parce que les nationalistes arabes et berbères ont pu facilement retourner les haratine contre eux, en leur disant que leurs interlocuteurs étaient des négro-mauritaniens qui maîtrisaient le hassania.

En 1989, certains de ces blessés ont été soignés à Paris. J’en étais témoin oculaire car je me trouvais au consulat de Mauritanie à Paris. Un des parents de Boïdiel ould Houmeid, ancien ministre et membre d’El Hor, en faisait partie.

Des peulhs expulsés au Sénégal de Keur Macéne (région du Trarza), ont été ramenés en Mauritanie sur intervention de Boïdiel ould Houmeid. Aussi, certains dirigeants d’El Hor ont dénoncé publiquement ces massacres.
Les actions individuelles des Haratine sont nombreuses. On peut citer le cas du lieutenant de gendarmerie, Abdallahi ould Youssouf, membre de la tribu Oulad Aïd du Trarza : « Ensuite, le Commandant de la Compagnie de Gendarmerie, M. Ahmed Ould Youssouf de la Commune de Tekane qui devait être décoré par les ONG des droits de l’homme m’a aidé à envoyer ces gens en pleine nuit à Cheikh Oulb Beid pour les mettre sous mandat de dépôt afin de les surveiller et c’était tout un plan pour éviter à ces gens innocents, la mort. » Témoignage n°119 (www.haratine.com) de Isselmou ould Abdel Khader, ancien gouverneur et ancien ministre.

L’écrasante majorité des Haratine n’a pas participé aux massacres, soit par acquis de conscience ou pour d’autres raisons.
L’histoire des événements de 1989 est à écrire du côté de la Mauritanie, du Sénégal et du Mali



Les Haratine ont été quintuplement victimes du conflit de 1989.

Premièrement, ils ont été utilisés en Mauritanie par les Maures, dans l’unique intérêt des Maures (dénégrification de la Mauritanie). Ensuite, les biens récupérés (maisons, bétail, terres… ) reviennent aux Maures.

Deuxièmement, certains haratine ont été déporté avec les négro-mauritaniens.Il fallait pour les forces de l’ordre, justifier leurs appartenances tribales maures ou maitriser le Hassania. Sinon les victimes étaient expulsées.

Troisièmement, le retour du balancier au Sénégal contre les Haratine a été redoutable. En effet, une partie des sénégalais et des négro-mauritaniens s’est bien vengée au Sénégal. Beaucoup de Haratine ont été tués. Un sénégalais m’a affirmé que l’avenue Bourguiba à Dakar (Sénégal ) était rouge du sang des Haratine et jonchée de cadavres. Un autre sénégalais m’a dit qu’il a appartenu à des groupes formés au bord du fleuve Sénégal (côté sénégalais) où on attendait les Maures et les Haratine en fuite vers la Mauritanie. Ils étaient ainsi dépouillés de leurs biens et tués. Il a utilisé l’expression suivante « Nous étions fatigués de tuer et beaucoup d’entre nous se sont enrichis ».

Quatrièmement, les Négro-mauritaniens qui ont perdu leurs biens en Mauritanie ne sont pas restés les bras croisés. Pendant plusieurs mois de l’année 1989 voire plus, ils ont attaqué des villages, des campements en vue de récupérer leurs biens et de se venger.



Qui étaient l’objet des attaques ? Ce sont des Haratine parce que ce sont eux, qui traditionnellement, cultivent les champs maures dans la vallée du fleuve. Ce sont également eux qui ont été mis par l’Etat et les Maures dans les villages appartenant aux Négro-mauritaniens et desquels ils ont été chassés. Je signale la mort en 1989 de Hmeïd Ould Babacar (tribu Oulad Aïd) tué par trois peulhs qui ont pris les 50 bovins qu’il surveillait.

Cinquièmement, les haratine qui ont fui l’esclavage au XIXème et XXème siècle pour se réfugier au Sénégal, devenus sénégalais, ont été dépossédés de leurs biens, parfois tués et reconduits en Mauritanie. Ils ont ainsi retrouvé leur anciens maîtres qu’ils avaient quittés. De nouveau, ils sont réduits à l’esclavage.

D’où l’expression de Fall Moctar : « Départ du fait de l’esclavage et retour du fait de l’esclavage ». Fall Moctar est né au Sénégal ainsi que sa famille qui avait la nationalité sénégalaise.

Sa famille a été contrainte à revenir en Mauritanie (Article n°11 in site www.haratine.com ).

7. OCVIDH. Nous ne pouvons pas faire table rase de tant d’horreurs commises par les Maures à l’endroit des Noirs mauritaniens, toutefois la junte militaire putschiste au pouvoir voudrait clore trop de dossiers avec la fin déclarée du rapatriement des réfugiés fin décembre 2009, alors que des expulsés à l’intérieur des villes du Sénégal et du Mali, des réfugiés à travers le monde revendiquent leur retour en Mauritanie.



Ould Ciré :
Tant que le système esclavagiste et d’apartheid persiste, les négro-africains de Mauritanie sont tous des réfugiés, qu’il s’agisse des déportés de 1989 et suites, ou des réfugiés politiques qui sont à l’extérieur, ou des haratine réduits à l’esclavage à l’intérieur du pays.

La question des déportés n’est pas seulement le retour au pays, elle est plutôt comment avoir ses droits une fois de retour ? Ont-ils eu leurs terres de cultures, leurs villages, leurs maisons, leurs biens et animaux spoliés ? Cela suppose une concession importante de la part de l’Etat et de la féodalité maure, ce qui est loin d’être une réalité.

Par rapport aux réfugiés politiques, leur combat est l’abolition effective de l’esclavage et du racisme. Or, cet objectif ne peut être atteint qu’avec la défaite de l’Etat et la féodalité maures. La recherche de cet objectif nous conduit à rester des réfugiés.

Concernant les Haratine, tant que l’esclavage n’a pas été aboli d’une manière effective et réelle, ils sont pires que les réfugiés parce qu’ils sont exclus de tout.

S’agissant des négro-mauritaniens qui sont à l’intérieur, ils sont victimes du racisme, et le demeureront tant que le système en vigueur perdurera.

L’intérêt politique de la junte est de clore le dossier du passif humanitaire pour sa crédibilité extérieure et pour s’attirer la sympathie d’une partie de la communauté négro-mauritanienne. Mais les dossiers de fond ne seront jamais abordés : le jugement des criminels, les nombreux charniers attestés y compris par des maures, le partage du pouvoir entre les différentes communautés…



8. OCVIDH. Reconnaissez-vous la légitimité de l’actuel pouvoir en Mauritanie ?




Ould Ciré : Je ne reconnais pas la légitimité de l’actuel pouvoir, non pas tant par rapport aux élections décriées et qui sont contestables, mais par le système qu’il représente, à savoir la domination maure sur la communauté négro-africaine de Mauritanie. Cette domination à elle seule délégitime tout pouvoir basé sur le racisme et l’esclavage. Il y a une continuité entre tous les régimes depuis 1960 qui repose sur l’asservissement et l’exclusion des Haratine, et sur la marginalisation de la communauté négro-mauritanienne.



9. OCVIDH. S’il vous le demandait, dialogueriez-vous avec lui pour la résolution des problèmes liés à l’esclavage et au passif humanitaire ?




Ould Ciré : Le système politique en Mauritanie n’est ni républicain, ni démocratique. Les valeurs républicaines supposent l’égalité en droit entre les citoyens. Or, les Haratine ne sont pas des citoyens. L’esclave n’est pas l’égal du maître, le Hartani aussi.

La démocratie est un système où tous les citoyens participent à la gestion du pays et au choix de leurs représentants. Les Abid et les Haratine sont exclus de la participation aux élections et de la gestion du pays. Leur participation aux élections est acceptée uniquement lorsqu’elle est au bénéfice des Maures.

Le système mauritanien est une théocratie, à caractère esclavagiste, tribaliste et raciste.
Aujourd’hui, les Maures ne sont pas acculés au point de faire des concessions politiques en vue d’un partage du pouvoir.

Par conséquent, l’idée même du dialogue avec le système en place, compte tenu de nos objectifs, abolition de l’esclavage et du racisme, me paraît absurde.

Enfants allaités, femmes gavées, tentes dressées, puits, maisons et palmeraies entretenus, champs cultivés, bétail gardé, la traite et la cuisine assurées, caravanes conduites, thé servi, mendiants, fous et marabouts nourris, marchandises chargées et déchargées, commerces florissants, élus reconduits dans leur circonscription, cimetières surveillés et morts enterrés, tout ceci est fait aujourd’hui par les Abid et les Haratine au bénéfice des Maures. Pourquoi voulez-vous que les Maures fassent des concessions majeures ?

Une personne, un groupe, une société… ne renonce à un acquis que lorsque les pertes subies sont plus importantes que le gain. Tel n’est pas le cas.

Je rappelle que l’ANC en Afrique du Sud a été créé en 1912 et a lutté pendant 82 ans (1994). El Hor a été crée en 1974 soit depuis 36 ans. La lutte doit continuer.



10. OCVIDH. Votre dernier mot aux internautes du site : www.ocvidh.org



Ould Ciré.
Mon dernier mot s’adresse d’abord aux internautes de votre site et ensuite à ceux du nôtre ainsi qu’à toutes les victimes du système politique en Mauritanie.

Je veux leur affirmer que je fonde beaucoup d’espoir dans l’unité des négro-africains de Mauritanie (Négro-mauritaniens et Haratine). L’issue de notre combat contre le racisme et l’esclavage en dépend. Dans ce domaine, ils peuvent constituer une avant-garde de ce combat.

L’affaire Biram Ould Dah Ould Abeid m’a révélé la direction de l’OCVIDH. Leur réaction a été rapide et efficace. Je remercie l’ensemble de la direction et à travers elle, tous les membres et sympathisants de l’OCVIDH.



Entretien réalisé par FALL Moctar

Porte parole OCVIDH.


LEXIQUE :
Haratine : terme générique qui désigne les esclaves et les affranchis du système esclavagiste maure.



Négro-mauritaniens : Les ethnies peulh, soninké et wolof en Mauritanie.



Négro-africains : Les noirs du monde (en Afrique et dans la diaspora).




Source: OCVIDH.ORG

Samedi 27 Février 2010
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