La Mauritanie : pays de paradoxes



La Mauritanie : pays de paradoxes
La Mauritanie est l’un des rares pays au monde sinon l’unique pays ; qui après avoir vécu une période sombre de son histoire a cru possible de se passer d’une étape importante pour une réconciliation franche et profitable pour toutes les composantes.

En effet de nombreux états sont passés par des conférences nationales, des commissions de vérité renonciation ou même par la mise en place d’une justice transitionnelle pour reconstruire une paix durable. Reconnaitre sa faute devant ses victimes est un exercice difficile ; mais plein de pédagogie dans la thérapie des folies humaines.

La Mauritanie a voulu se réfugier derrière le déni et la fuite en avant. Et elle a oublié que la démocratisation intervenue en 1991 ne peut s’illustrer que par la métaphore d’un médecin qui referme son opération en y laissant le matériel qui a servi à opérer.

Ce pays traine de lourds fardeaux dans le sillage de son histoire dramatique. De l’esclavage aux pogroms en passant par les déportations et l’injustice actuelle qui se caractérise par un déficit d’intégration de la population négro-africaine. Après l’abolition de l’esclavage en 1981, il s’en est suivi une politique de redistribution des terres pour permettre aux couches démunies qui sont affranchies d’accéder à la terre mais cette politique a été celle de corriger une injustice par une autre injustice. Le système dans son souci d’instrumentalisation de la question foncière s’est attelé à des pratiques visant à rendre divergents les intérêts des maures noirs et les populations négros Africaines.

Et on constate une impunité totale face aux situations graves de violations de Droit de l’homme : du passif humanitaire au problème de l’esclavage et à la problématique foncière, on fait dans le déni et la parodie de justice. Il était donc opportun comme l’avait dit quelqu’un d’aller vers la « Judiciarisation » des revendications et de se départir des revendications politiques qui ne servent pas la justice.

Quand on sait que plusieurs situations ont fait objet d’une enquête par la CPI (RDC, Ouganda, République Centrafricaine, le Darfour, le Kenya, la Libye, la Cote d’Ivoire, le Mali, la Géorgie). Et mieux certaines situations ont fait objet de renvoi devant la CPI suite, à une déclaration volontaire, de ces états parties : c’est le cas notamment du Mali, de la Côte-d’Ivoire et de la République Centrafricaine.

Étant entendu que dans le cas de la Mauritanie en ce qui concerne le passif humanitaire, on retiendra à juste titre l’incompétence temporelle de la CPI. Et mieux, on est encore loin d’un tribunal international ad hoc, pour se pencher sur ce dossier. La magie des définitions fait que dans l’optique des incriminations pour les situations de la Mauritanie on ne peut retenir que la notion de crimes contre l’humanité. Du coup, les crimes de génocide encore moins les crimes de guerres ne peuvent être évoqués.

La Mauritanie s’est empressée pour créer un tribunal spécial pour connaitre les cas relatifs à l’esclavage histoire d’échapper à la justice internationale. On peut se réjouir que les accaparements des terres soient assimilés à des crimes contre l’humanité. Mais force est de constater qu’on nous opposera à tout bout de champ le principe de complémentarité. Alors que l’absence de voies de recours internes est une réalité manifeste.

Car jusqu’aujourd’hui dans la législation mauritanienne, il est clairement dit que les plaintes collectives ne sont pas recevables devant les tribunaux : Art7 de l’ordonnance 83-127 du 05 Juin 1983 « les actions foncières collectives sont irrecevables en justice. Les affaires de même nature actuellement pendantes devant les cours et tribunaux seront radiées des rôles sur décision spéciale de la juridiction saisie .Les arrêts ou jugement de radiation sont inattaquables ». Des lors que cela est établi, les voies de recours internes sont quasiment inexistantes hormis la commission nationale de droits de l’homme et le médiateur de la république. Or ces deux institutions n’ont pas suffisamment d’indépendance pour jouer leurs rôles.

La Mauritanie traine une attitude pitoyable qui consiste à chercher une parade pour échapper aux foudres de la justice internationale .Le peuple se rappelle de cette fameuse loi d’amnistie promulguée en 1993 et tendant à soustraire de la justice les auteurs des crimes abominables. Les défenseurs des droits de l’homme avaient jugé cette loi comme amnésique et contraire aux normes impératives de droit international. On se souviendra pour toujours, de l’exercice malheureux de ce défenseur des causes perdues, qui s’évertuait à remettre en cause l’arrêt de la cour européenne de Droit de l’homme contre un capitaine tortionnaire.

A cela s’ajoute l’absence de comportement éthique dans la gestion de la chose publique, y compris ce que feu Mourtoudo, appelait la question nationale. Cette situation est imputable aussi bien au pouvoir qu’à l’opposition. L’éthique si chère à feu kéba Mbaye qui disait que : « l’éthique doit être constituée comme la mesure obligatoire de l’exercice de tout droit, de toute liberté et de tout pouvoir ».

En outre, le refus de réintégrer la CEDEAO, rentre dans cette logique de contournement des juridictions internationales ou régionales. Tel un clandestin qu’on cherche à reconduire à la frontière ou dans son pays d’origine la Mauritanie fait de la résistance devant les portes de l’institution communautaire. Et l’on négocie les APE par procuration. Toutefois on use des subterfuges en parlant à chaque fois des 15 plus la Mauritanie et cela concernant beaucoup de questions au niveau régional. Curieusement dans le même temps le pont de Rosso est en train de voir le jour ; au moment où le voisin Marocain est en passe d’intégrer cet important marché.

Ce pont ne serait-il pas un raccourci pour le Maroc qui a fini de conquérir notre marché, pour accéder à cet espace prometteur qu’est la CEDEOA ? Et nous, alliés naturelles, nous choisissons de rester en dehors. La Mauritanie mène une aventure solitaire avec une monnaie esseulée et très faible. Le Maroc séduit par sa diplomatie et son leadership : Le Maroc a pu nous envoyer un nouvel ambassadeur tout en maintenant notre Bouhamatou national sur son sol.

Le Maroc a observé une attitude de retenue vis-à-vis de Doha : au moment où les pays de Karim et Taya sont allés vite en besogne. Ainsi dans notre chère Mauritanie on se perd en conjectures et le pays avance dans son histoire tumultueuse tout en fuyant son passé.

Oumar Lamine DIALLO
Militant des droits de l'Homme

Source:Oumar Lamine Diallo

Lundi 30 Octobre 2017
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