
M.Birame Ould Dah, membre de la Commission Nationale des Droits de l’Homme et président de l’Initiative de Résurgence du mouvement Abolitionniste en Mauritanie (IRA), s’exprime sur l’esclavage et les brûlantes questions de l’heure. Entretien.
Le Divan : La lutte contre l’esclavage constitue votre cheval de bataille. Les autorités mauritaniennes ont cependant toujours nié l’existence de ce phénomène et parlent plutôt de séquelles de l’esclavage. Comment jugez-vous cette attitude ?
Birame Ould Dah : Je pense que la question de l’esclavage reste une problématique fondamentale dont dépend non seulement la démocratie dans le pays, mais aussi l’existence des règles de l’état de droit. De cette question dépend aussi la paix civile future dans le pays.
L’esclavage en tant que pratique reste un mode de vie de la communauté arabo-berbère .Il reste aussi relégué dans une zone de non droit par les corps d’état chargés de dire et d’appliquer la loi :officiers de police judiciaire, magistrats, administrateurs de commandement à cause de leur unicité de destin avec ceux qui le pratiquent.
La communauté haratine, nombreuse et laborieuse mais pauvre tout de même est systématiquement marginalisée se doit un jour de relever la tête pour remettre en cause la violence systématique qui l’humilie. En effet, nous constatons qu’il ne se profile à l’horizon aucune prise de conscience de la part du pouvoir ou des lignages arabo-berbères dominants qui ont bâti un régime de privilèges sur l’esclavage et les dominations.
Le Divan : Donc vous trouvez que c’est par la violence qu’on peut changer cet état de choses ?
B.O.D : Oui, le choc par la violence indicible ; car ceux qui portent la bonne parole, qui tirent la sonnette d’alarme et qui appellent à la solution par le droit sont comme nous diabolisés, diffamés et mis en quarantaine, ce qui anéanti leurs efforts. De ce fait, cela ouvre la porte aux jeunes qui sont dans nos dos qui trouvent que la lutte pacifique ne donne pas de résultat, ce qui renforce le camp de l’action violente.
Le cas des Aghzazirs est très flagrant avec l’implication des pouvoirs politique, parental et partant népotiste et des tribunaux instrumentalisés par les groupes dominants esclavagistes dans des décisions administratives et judiciaires qui corroborent l’esclavage et ses pratiques. En effet, les féodaux kounta qui exploitent les Aghzazirs utilisent de nos jours l’influence qu’ils ont à travers les liens de parenté avec l’actuel président pour faire passer la légitimation de leurs redevances sur les Aghzazirs qu’ils considèrent comme des serfs. Et à travers ce népotisme, ils obtiennent le concours des autorités dans cette affaire. Donc l’Etat nie l’existence de l’esclavage parce que ce sont ceux qui sont aux affaires qui le pratiquent et en profitent.
Le Divan : Donc pour vous, il n’ y a eu en Mauritanie aucune avancée dans la lutte contre l’esclavage ?
B.O.D : Aucune avancée n’est à signaler. La loi qui a été adoptée récemment, c’est tout juste pour faire le change devant la communauté internationale. Dans l’entendement des autorités, cette loi n’est pas faite pour être appliquée. En effet, depuis sa promulgation, des cas d’esclavage avérés ont été amenés devant les autorités compétentes mais n’ont jamais été reconnus ni sanctionnés. Donc une impunité totale est assurée. Aucun juge ne peut appliquer la loi sur l’esclavage car s’il le faisait, il sera indexé par les parents du condamné et cela va se retourner contre lui.
S’agissant de la campagne dont vous avez parlé, il n’ y a jamais eu de campagne de sensibilisation sur l’esclavage. Celle à laquelle vous faites allusion et qui a eu lieu à l’époque du président Sidi avait été orchestré contre nous, les militants anti-esclavagistes. Quand à Aziz et ses amis, ils n’ont jamais reconnu l’existence de l’esclavage pour le combattre.
Le Divan : Dans son discours de politique générale, le premier ministre avait prôné une discrimination positive en faveur des couches marginalisés. Qu’en pensez-vous ?
B.O.D : C’est pour tromper l’opinion internationale. Avant de prôner la discrimination positive, il faut d’abord instaurer la justice.
Le Divan : Et à propos du dernier conclave du parti au pouvoir sur les 50 ans d’indépendance ?
B.O.D : C’est une rencontre vide de sens. Nous ne sommes pas d’accord avec eux sur les thèmes. Les vrais problèmes de la Mauritanie n’ont pas été évoqués à savoir la question de la cohabitation, la discrimination raciale, le racisme d’état contre les noirs…Ces questions ne sont pas encore soldés et ne peuvent pas être évacués. Il y a aussi le régime social, culturel et économique imposé aux haratines qui consacre leur marginalisation et leur assimilation forcée. Autre question d’envergure nationale : c’est la propriété foncière. Les populations noires et haratines sont expropriées. Leurs terres deviennent des colonies et les arabo-berbères se conduisent comme des colons. Qu’ils soient administrateurs, officiers ou hommes d’affaires ; que ça soit à Nouakchott ou à l’intérieur du pays, eux seuls ont droit de porter des armes. Ils organisent au grand jour des tournois de tir à la cible alors qu’un noir ou un haratine pris avec une arme, c’est la prison. De ce fait, les arabo-berbères préparent la guerre civile. L’Etat les arme au détriment des autres comme le régime soudanais qui arme les Janjawides.
Autant Sadam Hussein a été un appui décisif pour les Maures sous Moawiya pour exterminer les noirs, autant Omar El Béchir et Ahmédi Nejad vont appuyer l’élite arabo-berbère pour casser le réveil des haratines et les écraser.
Le Divan : Que pensez-vous du dialogue engagé par les autorités mauritaniennes avec les Salafistes ?
B.O.D : C’est une manière pour la communauté arabo-berbère dirigée depuis toujours par le clergé (chefs religieux) d’assurer l’impunité à ses enfants impliqués dans des crimes de sang. C’est là un complot contre la vérité, contre le droit et contre le droit international. C’est un complot ethnique. C’est un procédé pour tromper l’opinion publique internationale, pour tromper nos partenaires. C’est une manière de blanchir des crimes de terrorisme. Et je ne peux que dire ici que la société arabo-berbère est structurée par le fanatisme religieux et la xénophobie confessionnelle dû à une forte religiosité. Je dis bien religiosité et non piété, c’est très différent. Il n’existe pas de différence de principe entre Hamden Ould Tah, Mohamed El Hacen Ould Dedew et Ahmedou Ould Lemrabott avec les jihadistes comme Semane et ses amis. La seule différence c’est une différence dans la tactique. La franchise dans ce dialogue est plutôt à rechercher du coté des Salafistes pas de celui des Oulémas. Dedew avait invoqué une obligation de soutenir El Béchir dans sa guerre contre les populations du Sud Soudan ;Ould Tah avait quant à lui loué les vertus de l’esclavage et cautionnée l’utilisation de la violence pour accéder au pouvoir. De son coté, Ould Lemrabott avait qualifié tous ceux qui étaient contre le putsch de 2008 d’alliés des mécréants ce qui revenait à dire qu’ils sont tous des mécréants.
Le Divan : Un mot sur la lutte contre la gabegie menée par le président Aziz ?
B.O.D : Cette lutte ne nous concerne pas. Ce n’en est pas une. La gabegie, c’est le système raciste et esclavagiste qui exploite la population mauritanienne, les communautés laborieuses. Ce système raciste instaure l’injustice partout. La gabegie, elle est interne à la communauté arabo-berbère. C’est entre eux, donc c’est loin d’être notre priorité. Notre priorité à nous, c’est la déconstruction de l’Etat ethnique et esclavagiste qui a porté au pouvoir Moktar Ould Dadah,Haidalla, Moawiya, Ely, Sidi, Aziz…Eux tous l’ont servi avec les mêmes ailes même si c’est de manière différente.
Propos recueillis par Bakari Guèye
Source : ledivan.
Le Divan : La lutte contre l’esclavage constitue votre cheval de bataille. Les autorités mauritaniennes ont cependant toujours nié l’existence de ce phénomène et parlent plutôt de séquelles de l’esclavage. Comment jugez-vous cette attitude ?
Birame Ould Dah : Je pense que la question de l’esclavage reste une problématique fondamentale dont dépend non seulement la démocratie dans le pays, mais aussi l’existence des règles de l’état de droit. De cette question dépend aussi la paix civile future dans le pays.
L’esclavage en tant que pratique reste un mode de vie de la communauté arabo-berbère .Il reste aussi relégué dans une zone de non droit par les corps d’état chargés de dire et d’appliquer la loi :officiers de police judiciaire, magistrats, administrateurs de commandement à cause de leur unicité de destin avec ceux qui le pratiquent.
La communauté haratine, nombreuse et laborieuse mais pauvre tout de même est systématiquement marginalisée se doit un jour de relever la tête pour remettre en cause la violence systématique qui l’humilie. En effet, nous constatons qu’il ne se profile à l’horizon aucune prise de conscience de la part du pouvoir ou des lignages arabo-berbères dominants qui ont bâti un régime de privilèges sur l’esclavage et les dominations.
Le Divan : Donc vous trouvez que c’est par la violence qu’on peut changer cet état de choses ?
B.O.D : Oui, le choc par la violence indicible ; car ceux qui portent la bonne parole, qui tirent la sonnette d’alarme et qui appellent à la solution par le droit sont comme nous diabolisés, diffamés et mis en quarantaine, ce qui anéanti leurs efforts. De ce fait, cela ouvre la porte aux jeunes qui sont dans nos dos qui trouvent que la lutte pacifique ne donne pas de résultat, ce qui renforce le camp de l’action violente.
Le cas des Aghzazirs est très flagrant avec l’implication des pouvoirs politique, parental et partant népotiste et des tribunaux instrumentalisés par les groupes dominants esclavagistes dans des décisions administratives et judiciaires qui corroborent l’esclavage et ses pratiques. En effet, les féodaux kounta qui exploitent les Aghzazirs utilisent de nos jours l’influence qu’ils ont à travers les liens de parenté avec l’actuel président pour faire passer la légitimation de leurs redevances sur les Aghzazirs qu’ils considèrent comme des serfs. Et à travers ce népotisme, ils obtiennent le concours des autorités dans cette affaire. Donc l’Etat nie l’existence de l’esclavage parce que ce sont ceux qui sont aux affaires qui le pratiquent et en profitent.
Le Divan : Donc pour vous, il n’ y a eu en Mauritanie aucune avancée dans la lutte contre l’esclavage ?
B.O.D : Aucune avancée n’est à signaler. La loi qui a été adoptée récemment, c’est tout juste pour faire le change devant la communauté internationale. Dans l’entendement des autorités, cette loi n’est pas faite pour être appliquée. En effet, depuis sa promulgation, des cas d’esclavage avérés ont été amenés devant les autorités compétentes mais n’ont jamais été reconnus ni sanctionnés. Donc une impunité totale est assurée. Aucun juge ne peut appliquer la loi sur l’esclavage car s’il le faisait, il sera indexé par les parents du condamné et cela va se retourner contre lui.
S’agissant de la campagne dont vous avez parlé, il n’ y a jamais eu de campagne de sensibilisation sur l’esclavage. Celle à laquelle vous faites allusion et qui a eu lieu à l’époque du président Sidi avait été orchestré contre nous, les militants anti-esclavagistes. Quand à Aziz et ses amis, ils n’ont jamais reconnu l’existence de l’esclavage pour le combattre.
Le Divan : Dans son discours de politique générale, le premier ministre avait prôné une discrimination positive en faveur des couches marginalisés. Qu’en pensez-vous ?
B.O.D : C’est pour tromper l’opinion internationale. Avant de prôner la discrimination positive, il faut d’abord instaurer la justice.
Le Divan : Et à propos du dernier conclave du parti au pouvoir sur les 50 ans d’indépendance ?
B.O.D : C’est une rencontre vide de sens. Nous ne sommes pas d’accord avec eux sur les thèmes. Les vrais problèmes de la Mauritanie n’ont pas été évoqués à savoir la question de la cohabitation, la discrimination raciale, le racisme d’état contre les noirs…Ces questions ne sont pas encore soldés et ne peuvent pas être évacués. Il y a aussi le régime social, culturel et économique imposé aux haratines qui consacre leur marginalisation et leur assimilation forcée. Autre question d’envergure nationale : c’est la propriété foncière. Les populations noires et haratines sont expropriées. Leurs terres deviennent des colonies et les arabo-berbères se conduisent comme des colons. Qu’ils soient administrateurs, officiers ou hommes d’affaires ; que ça soit à Nouakchott ou à l’intérieur du pays, eux seuls ont droit de porter des armes. Ils organisent au grand jour des tournois de tir à la cible alors qu’un noir ou un haratine pris avec une arme, c’est la prison. De ce fait, les arabo-berbères préparent la guerre civile. L’Etat les arme au détriment des autres comme le régime soudanais qui arme les Janjawides.
Autant Sadam Hussein a été un appui décisif pour les Maures sous Moawiya pour exterminer les noirs, autant Omar El Béchir et Ahmédi Nejad vont appuyer l’élite arabo-berbère pour casser le réveil des haratines et les écraser.
Le Divan : Que pensez-vous du dialogue engagé par les autorités mauritaniennes avec les Salafistes ?
B.O.D : C’est une manière pour la communauté arabo-berbère dirigée depuis toujours par le clergé (chefs religieux) d’assurer l’impunité à ses enfants impliqués dans des crimes de sang. C’est là un complot contre la vérité, contre le droit et contre le droit international. C’est un complot ethnique. C’est un procédé pour tromper l’opinion publique internationale, pour tromper nos partenaires. C’est une manière de blanchir des crimes de terrorisme. Et je ne peux que dire ici que la société arabo-berbère est structurée par le fanatisme religieux et la xénophobie confessionnelle dû à une forte religiosité. Je dis bien religiosité et non piété, c’est très différent. Il n’existe pas de différence de principe entre Hamden Ould Tah, Mohamed El Hacen Ould Dedew et Ahmedou Ould Lemrabott avec les jihadistes comme Semane et ses amis. La seule différence c’est une différence dans la tactique. La franchise dans ce dialogue est plutôt à rechercher du coté des Salafistes pas de celui des Oulémas. Dedew avait invoqué une obligation de soutenir El Béchir dans sa guerre contre les populations du Sud Soudan ;Ould Tah avait quant à lui loué les vertus de l’esclavage et cautionnée l’utilisation de la violence pour accéder au pouvoir. De son coté, Ould Lemrabott avait qualifié tous ceux qui étaient contre le putsch de 2008 d’alliés des mécréants ce qui revenait à dire qu’ils sont tous des mécréants.
Le Divan : Un mot sur la lutte contre la gabegie menée par le président Aziz ?
B.O.D : Cette lutte ne nous concerne pas. Ce n’en est pas une. La gabegie, c’est le système raciste et esclavagiste qui exploite la population mauritanienne, les communautés laborieuses. Ce système raciste instaure l’injustice partout. La gabegie, elle est interne à la communauté arabo-berbère. C’est entre eux, donc c’est loin d’être notre priorité. Notre priorité à nous, c’est la déconstruction de l’Etat ethnique et esclavagiste qui a porté au pouvoir Moktar Ould Dadah,Haidalla, Moawiya, Ely, Sidi, Aziz…Eux tous l’ont servi avec les mêmes ailes même si c’est de manière différente.
Propos recueillis par Bakari Guèye
Source : ledivan.