undi 28 Mars 2016, peu avant le crépuscule, Wocci-Walalde, le Laaw, le Fuuta Tooro, « Socogim-ksar », Nouakchott et la Mauritanie perdaient l’un des plus illustres de leur fils en la personne Bocar Thiam.
Il est parti comme il a vécu, dans la plus grande simplicité et s’est éteint entouré par les siens qui n’ont jamais cessé de lui manifester leur immense amour. Né à Boghé le 17 février 1939, Bocar Thiam connaissait ce penchant pour le sacrifice méritoire qui spécifie la majorité des natifs du Laaw, la réceptivité, la grandeur d’âme, le souci du devoir, marques des ancêtres, mais autant de piliers de ce pays dont il fait intiment partie.
Il appartient au brillant escadron des premiers grands noms d’instituteurs dont la constance et la vaillance ont permis l’instruction de générations de jeunes dirigeants et cadres dont la Mauritanie peut se s’honorer et s’enorgueillir . Il appartient à ce panthéon d’éducateurs qui ont prodigué le meilleur d’eux-mêmes pour que perdure la méritocratie dans un pays alors à ses balbutiements, et où il était vital de barrer le chemin à l’incurie et à la négligence.
L’enseignement inestimable qu’il a prodigué et sa présence agissante à toutes les rencontres éducatives montraient l’excellence de ses dons d’« académicien » et de pédagogue, tant il est vrai que la majorité des hauts cadres de Kaédi, pour ne citer qu’eux, ont été instruits sur les bancs de son magister et tant il est vrai aussi que la majorité de ses cadres, peuvent se vanter d’avoir compté parmi ses élèves, y compris les rescapés de son « sixième bonux », une image éternelle de ce qu’on dira bien plus tard pudiquement « le décrochage scolaire ».
Il était la lumière qui a guidé ces instituteurs et laissé un modèle qui continue d’inspirer. L’homme était si charismatique, un modèle d’inspiration majeure pour une génération d’enseignants engagés aussi bien dans leur vie que dans l’exercice de leur métier. Il leur inculquait plus que le savoir, les valeurs de la vie, le courage et le dévouement.
Il avait encore ce don exceptionnel à motiver ses collègues, les envoûter et leur transmettre son énergie communicative. Bocar Thiam était plus qu'un grand instituteur, un penseur et un enseignant de haut vol et un maître à penser pour beaucoup de ceux qui l’avaient approché.
Sa pensée brillante, son sacerdoce au service de l’enseignement, de la science et de sa famille et son esprit d’innovation captivaient ses élèves et ses collaborateurs et, nécessairement, chaque personne qui l’a côtoyé.
À ses qualités de brillant orateur et d’excellent « diplomate » qui ont agi au-delà des frontières régionales s’ajoutait la grande ouverture de son esprit. De Kaedi à Port Etienne (l’actuel Nouadhibou) en passant par Rosso, Atar Tijikja, il avait sillonné le pays en suivant les pérégrinations d’un père fonctionnaire de l’administration coloniale ou en tant qu’instituteur, Directeur de L’Office National du Tapis ou sociologue.
Ceux qui l’ont connu ou approché tout au long de son parcours singulier ont pu apprécier ses qualités à la fois humaines et professionnelles comme lors des événements de Rosso en 1966.
Mais son talent et sa vision ne sauraient constituer le seul sésame d’un parcours singulier. Homme noble et racé, il était d’une humilité, d’une abnégation, d’une modestie et d’une discrétion remarquables.
Cette grande figure de l’enseignement en Mauritanie a mérité la distinction et la bienveillante sollicitude de nombreuses autorités mauritaniennes et étrangères, notamment françaises et africaines. Pétri de l’esprit de la solidarité, il l’était aussi un inconditionnel du bénévolat.
Le Rotary Club de Mauritanie perd un de ses membres les plus valeureux, de ceux qui avaient le jugement infaillible, le style concis, la gaieté exubérante et insouciante. Flegmatique, attentif, d’un abord affable et d’une apparence impassible, il avait démontré dans son milieu un leadership fort et une détermination à toute épreuve.
De son lumineux cheminement n’avaient en aucun cas été exclus ni le goût, ni la passion du management, ni l’audace. À sa capacité de communication, à son intérêt pour l’Université Mauritanienne et à la fermeté managériale de son style, s’ajoutaient la constance des valeurs et des principes et le sens du devoir très aigu, même pour des missions ou l’on avait la difficulté à distinguer entre l’entrepreneur et le bénévole.
Il a mené toute sa carrière inspiré par une double exigence, celle du labeur sculptural et acharné et celle de la responsabilité rigoureusement assumée.
Il avait le don de vous conter, de (ra) conter l’histoire des chefferies traditionnelles du Booseya, des tableaux pittoresques du Royaume du Waalo et des faits d’armes des Emirs du Tagant, du Brakna et du Trarza.
Avec sa frêle silhouette de fuutanke, son beau teint noir ébène de waalo-waalo et son accent du dialecte hasaniyya typique des bédouins racés du Tagant, l’homme à la calotte et au boubou blanc ou bleu indigo de kaedi était la somme et la synthèse du Mauritanien.
Ce laawanke qui affectionnait tant le Booseya à une époque -comme il se plaisait à me le dire- ou le « communautarisme régional » était de rigueur fut aussi une figure de proue de la quête et de l’enquête ethnographique voire anthropologique.
Thiam était très apprécié de son entourage et par des générations de chercheurs- dont je fais partie- pour son érudition, ses grands talents d’orateur détaché de ses notes, de pédagogue au sens hellénique du terme mais surtout pour sa bonne compagnie et pour son sens ou plutôt son art de l’humour et du « cousinage à plaisanterie », n’est pas pape Thiolly Anne, Pape Amadou Ly, vieux Doro Sow!!!
Il excellait avec finesse et imagination et ne ratait aucune occasion pour glisser une note d’esprit. C’est sans doute l’influence de Henri Desroche, Directeur de son diplôme de fins d’études, soutenu au mois de juillet 1974 à l’Ecole Pratique des Hautes Etudes sur « Le paysan Toucouleur et sa terre- Eude de cas : la région de kaedi en Mauritanie », qui a fait de lui cet expert en « sociologie agraire », comme il aimait si bien dire.
A l’Office National du Tapis, il a laissé l’image d’un homme intègre, de principe et d’action même dans les épisodes tumultueux.
Il a été convoqué à la rescousse de nombreux politiciens et plusieurs conseils nationaux et internationaux. Son élégance et son verbe franc accompagnés d'une grande culture et d'une belle formation syndicale ont tôt fait de séduire ses confrères et de l'installer dans un leadership reconnu par tous.
Il apporte au quotidien la maturité et l'excellence de ses gestes conciliateurs, comme il le faisait jusqu’à son rappel à son Créateur, au sein de l’Agence Nationale du Registre des Populations et des Titres Sécurisés. Son caractère entier dissimulait une bonté et un sens de l’amitié qui ne tardaient pas à apparaître aux yeux de tous.
Son indépendance d’esprit et son intransigeance ont pu provoquer l’humeur de certains et, sans doute, l’empêcher d’accéder à de plus hauts postes qu’il aurait amplement mérités. Mais cela ne l’affectait guère ni ne modifiait ses relations avec ses « amis », lesquels s’accordaient à rendre hommage à sa franchise, sa retenue et sa droiture. Nous saluons la mémoire de cette figure exemplaire de la haute fonction publique et de la société civile mauritaniennes.
Ce fuutanke pur sang qui avait instauré la démocratie dans sa famille avant l’heure, laisse le souvenir d’un homme d’honneur, élégant, compétent et intègre. Doté d’une solide culture politique et littéraire, il sut représenter la Mauritanie avec beaucoup de classe dans le cadre de ses missions auprès des Etats et des Organisations Régionales.
Avec lui, je perds aujourd’hui un père, un beau-père, un maître un complice avec qui j’aimais discourir et qui me disait chaque fois « A toi qui affectionne Victor Hugo et son ultima verba, que « s’il n’en reste qu’un, tu seras celui-là ». Je sais qu’il le disait à d’autres aussi.
Tout au long de sa carrière, ce grand humaniste est toujours resté attaché à son pays natal, une terre et des hommes qu’il aimait profondément et dont il a pu transmettre la passion à force de patience à ses enfants par ses incursions répétées en délégation au « pays natal».
Si l’on voulait dire de façon brève qu’un homme est la somme de ses origines et ses errances, on ne s’y prendrait pas mieux avec lui. Tel le Yuca dont il suffit que la tige rencontre la terre pour que toute la plante revive, « Pape » comme l’appelait affectueusement ses enfants, a su s’enraciner là ou il est passé.
J’entends encore sa voix suave et rectiligne comme un sillon de scarification diffusant l’idylle de son enfance et de son adolescence fuutanke, les églogues mélodieuses, les chants nocturnes et liturgiques des pêcheurs de la vallée du fleuve Sénégal et les rires matinaux des paysans du Laaw.
J’espère que ce témoignage confirmera ce qu’il a toujours pensé être juste. A ses enfants, petits enfants, fils adoptifs, cousins neveux oncles tantes, amis et à tous ceux qui ont grandi dans son foyer, mes sincères condoléances. Eh l’artiste, nous saluons la mémoire du grand homme que tu fus.
Tunis-Tunisie
Source : Daouda Sow
Il est parti comme il a vécu, dans la plus grande simplicité et s’est éteint entouré par les siens qui n’ont jamais cessé de lui manifester leur immense amour. Né à Boghé le 17 février 1939, Bocar Thiam connaissait ce penchant pour le sacrifice méritoire qui spécifie la majorité des natifs du Laaw, la réceptivité, la grandeur d’âme, le souci du devoir, marques des ancêtres, mais autant de piliers de ce pays dont il fait intiment partie.
Il appartient au brillant escadron des premiers grands noms d’instituteurs dont la constance et la vaillance ont permis l’instruction de générations de jeunes dirigeants et cadres dont la Mauritanie peut se s’honorer et s’enorgueillir . Il appartient à ce panthéon d’éducateurs qui ont prodigué le meilleur d’eux-mêmes pour que perdure la méritocratie dans un pays alors à ses balbutiements, et où il était vital de barrer le chemin à l’incurie et à la négligence.
L’enseignement inestimable qu’il a prodigué et sa présence agissante à toutes les rencontres éducatives montraient l’excellence de ses dons d’« académicien » et de pédagogue, tant il est vrai que la majorité des hauts cadres de Kaédi, pour ne citer qu’eux, ont été instruits sur les bancs de son magister et tant il est vrai aussi que la majorité de ses cadres, peuvent se vanter d’avoir compté parmi ses élèves, y compris les rescapés de son « sixième bonux », une image éternelle de ce qu’on dira bien plus tard pudiquement « le décrochage scolaire ».
Il était la lumière qui a guidé ces instituteurs et laissé un modèle qui continue d’inspirer. L’homme était si charismatique, un modèle d’inspiration majeure pour une génération d’enseignants engagés aussi bien dans leur vie que dans l’exercice de leur métier. Il leur inculquait plus que le savoir, les valeurs de la vie, le courage et le dévouement.
Il avait encore ce don exceptionnel à motiver ses collègues, les envoûter et leur transmettre son énergie communicative. Bocar Thiam était plus qu'un grand instituteur, un penseur et un enseignant de haut vol et un maître à penser pour beaucoup de ceux qui l’avaient approché.
Sa pensée brillante, son sacerdoce au service de l’enseignement, de la science et de sa famille et son esprit d’innovation captivaient ses élèves et ses collaborateurs et, nécessairement, chaque personne qui l’a côtoyé.
À ses qualités de brillant orateur et d’excellent « diplomate » qui ont agi au-delà des frontières régionales s’ajoutait la grande ouverture de son esprit. De Kaedi à Port Etienne (l’actuel Nouadhibou) en passant par Rosso, Atar Tijikja, il avait sillonné le pays en suivant les pérégrinations d’un père fonctionnaire de l’administration coloniale ou en tant qu’instituteur, Directeur de L’Office National du Tapis ou sociologue.
Ceux qui l’ont connu ou approché tout au long de son parcours singulier ont pu apprécier ses qualités à la fois humaines et professionnelles comme lors des événements de Rosso en 1966.
Mais son talent et sa vision ne sauraient constituer le seul sésame d’un parcours singulier. Homme noble et racé, il était d’une humilité, d’une abnégation, d’une modestie et d’une discrétion remarquables.
Cette grande figure de l’enseignement en Mauritanie a mérité la distinction et la bienveillante sollicitude de nombreuses autorités mauritaniennes et étrangères, notamment françaises et africaines. Pétri de l’esprit de la solidarité, il l’était aussi un inconditionnel du bénévolat.
Le Rotary Club de Mauritanie perd un de ses membres les plus valeureux, de ceux qui avaient le jugement infaillible, le style concis, la gaieté exubérante et insouciante. Flegmatique, attentif, d’un abord affable et d’une apparence impassible, il avait démontré dans son milieu un leadership fort et une détermination à toute épreuve.
De son lumineux cheminement n’avaient en aucun cas été exclus ni le goût, ni la passion du management, ni l’audace. À sa capacité de communication, à son intérêt pour l’Université Mauritanienne et à la fermeté managériale de son style, s’ajoutaient la constance des valeurs et des principes et le sens du devoir très aigu, même pour des missions ou l’on avait la difficulté à distinguer entre l’entrepreneur et le bénévole.
Il a mené toute sa carrière inspiré par une double exigence, celle du labeur sculptural et acharné et celle de la responsabilité rigoureusement assumée.
Il avait le don de vous conter, de (ra) conter l’histoire des chefferies traditionnelles du Booseya, des tableaux pittoresques du Royaume du Waalo et des faits d’armes des Emirs du Tagant, du Brakna et du Trarza.
Avec sa frêle silhouette de fuutanke, son beau teint noir ébène de waalo-waalo et son accent du dialecte hasaniyya typique des bédouins racés du Tagant, l’homme à la calotte et au boubou blanc ou bleu indigo de kaedi était la somme et la synthèse du Mauritanien.
Ce laawanke qui affectionnait tant le Booseya à une époque -comme il se plaisait à me le dire- ou le « communautarisme régional » était de rigueur fut aussi une figure de proue de la quête et de l’enquête ethnographique voire anthropologique.
Thiam était très apprécié de son entourage et par des générations de chercheurs- dont je fais partie- pour son érudition, ses grands talents d’orateur détaché de ses notes, de pédagogue au sens hellénique du terme mais surtout pour sa bonne compagnie et pour son sens ou plutôt son art de l’humour et du « cousinage à plaisanterie », n’est pas pape Thiolly Anne, Pape Amadou Ly, vieux Doro Sow!!!
Il excellait avec finesse et imagination et ne ratait aucune occasion pour glisser une note d’esprit. C’est sans doute l’influence de Henri Desroche, Directeur de son diplôme de fins d’études, soutenu au mois de juillet 1974 à l’Ecole Pratique des Hautes Etudes sur « Le paysan Toucouleur et sa terre- Eude de cas : la région de kaedi en Mauritanie », qui a fait de lui cet expert en « sociologie agraire », comme il aimait si bien dire.
A l’Office National du Tapis, il a laissé l’image d’un homme intègre, de principe et d’action même dans les épisodes tumultueux.
Il a été convoqué à la rescousse de nombreux politiciens et plusieurs conseils nationaux et internationaux. Son élégance et son verbe franc accompagnés d'une grande culture et d'une belle formation syndicale ont tôt fait de séduire ses confrères et de l'installer dans un leadership reconnu par tous.
Il apporte au quotidien la maturité et l'excellence de ses gestes conciliateurs, comme il le faisait jusqu’à son rappel à son Créateur, au sein de l’Agence Nationale du Registre des Populations et des Titres Sécurisés. Son caractère entier dissimulait une bonté et un sens de l’amitié qui ne tardaient pas à apparaître aux yeux de tous.
Son indépendance d’esprit et son intransigeance ont pu provoquer l’humeur de certains et, sans doute, l’empêcher d’accéder à de plus hauts postes qu’il aurait amplement mérités. Mais cela ne l’affectait guère ni ne modifiait ses relations avec ses « amis », lesquels s’accordaient à rendre hommage à sa franchise, sa retenue et sa droiture. Nous saluons la mémoire de cette figure exemplaire de la haute fonction publique et de la société civile mauritaniennes.
Ce fuutanke pur sang qui avait instauré la démocratie dans sa famille avant l’heure, laisse le souvenir d’un homme d’honneur, élégant, compétent et intègre. Doté d’une solide culture politique et littéraire, il sut représenter la Mauritanie avec beaucoup de classe dans le cadre de ses missions auprès des Etats et des Organisations Régionales.
Avec lui, je perds aujourd’hui un père, un beau-père, un maître un complice avec qui j’aimais discourir et qui me disait chaque fois « A toi qui affectionne Victor Hugo et son ultima verba, que « s’il n’en reste qu’un, tu seras celui-là ». Je sais qu’il le disait à d’autres aussi.
Tout au long de sa carrière, ce grand humaniste est toujours resté attaché à son pays natal, une terre et des hommes qu’il aimait profondément et dont il a pu transmettre la passion à force de patience à ses enfants par ses incursions répétées en délégation au « pays natal».
Si l’on voulait dire de façon brève qu’un homme est la somme de ses origines et ses errances, on ne s’y prendrait pas mieux avec lui. Tel le Yuca dont il suffit que la tige rencontre la terre pour que toute la plante revive, « Pape » comme l’appelait affectueusement ses enfants, a su s’enraciner là ou il est passé.
J’entends encore sa voix suave et rectiligne comme un sillon de scarification diffusant l’idylle de son enfance et de son adolescence fuutanke, les églogues mélodieuses, les chants nocturnes et liturgiques des pêcheurs de la vallée du fleuve Sénégal et les rires matinaux des paysans du Laaw.
J’espère que ce témoignage confirmera ce qu’il a toujours pensé être juste. A ses enfants, petits enfants, fils adoptifs, cousins neveux oncles tantes, amis et à tous ceux qui ont grandi dans son foyer, mes sincères condoléances. Eh l’artiste, nous saluons la mémoire du grand homme que tu fus.
Tunis-Tunisie
Source : Daouda Sow