
Le ministre de la Santé, Cheikh Ould Horma, avait lancé il y a quelques jours un appel aux médecins mauritaniens exerçant à l’étranger, les invitant à revenir au pays pour faire profiter à leurs concitoyens leur expertise et expérience. Une tentative de renverser la tendance dans la fuite des «cerveaux» jugée de bonne augure.
Seulement, quelle stratégie d’accompagnement le gouvernement a-t-il prévu de mettre en place pour non seulement inciter ses cerveaux à rentrer au bercail mais empêcher les rares qui sont encore au pays à succomber à l’appel des sirènes, à l’autre bout de l’Atlantique ?
L’appel lancé par le ministre de la santé et adressé aux médecins mauritaniens exerçant à l’étranger a été considéré comme une démarche innovante et encourageante, par plusieurs observateurs. Il faut dire que la Mauritanie fait partie des pays de l’Afrique sub-saharienne qui paye le plus lourd tribut au phénomène de la « fuite des «cerveaux ».
Seulement, dans ce pays dont le déficit en personnel de santé de bonne qualité est évident, il est paradoxal de constater que le critère de l’excellence a toujours été sacrifié sur l’autel de la complaisance et l’omnipotence de la médiocrité. On ne compte plus le nombre d’universitaires et de diplômés mauritaniens formés dans les plus prestigieux instituts et université du monde et qui ont été obligés de plier bagage et de migrer ailleurs après avoir essuyé les pompes des recruteurs et l’indifférence des administrateurs une fois rentrée au pays.
Aussi, est-il légitime de croise qu’en lançant un appel aux compétences mauritaniennes à l’étranger, les autorités mauritaniennes ont déjà mis en place une stratégie incitative de nature à encourager ces compétences à revenir au pays avec toutes les garanties requises.
Or, ce que l’on voit, ce sont plusieurs médecins, pharmaciens et dentistes qui font le pied de grue depuis belle lurette devant le département de la santé pour leur recrutement, ce sont des conditions matérielles précaires dans lesquelles se débattent les membres de la corporation qui perçoivent un traitement inférieur à celui d’un balayeur en Europe, des hôpitaux de niveau 2 ou 3, des centres de santé dépourvus du minimum nécessaire, des politiques de recherche balbutiantes…Le tout sous-tendu par une stratégie de recrutement où prédomine encore le trafic d’influence et le manque de tout critère de transparence.
S’inspirer des autres
Pour que l’initiative du ministère de la Santé puisse avoir un impact réel sur les chercheurs mauritaniens à l’étranger, la Mauritanie doit s’inspirer de l’exemple de certains pays comme le Cameroun, un pays qui a amorcé une politique de récupération de ses cerveaux. Cela à travers la création en 2009 d’un fonds d’environ 8 milliards d’UM financé sur l’effacement des dettes extérieures, pour améliorer les salaires des enseignants du supérieur et dont les résultats se sont traduits par un accroissement du nombre de scientifiques et une stabilisation de l’environnement de la recherche.
Ainsi, ce sont aujourd’hui quelques 2500 enseignants et chercheurs qui ont bénéficié de cette mesure incitative. Les professeurs camerounais qui touchaient environ 550 dollars U.S allaient vendre leur compétence ailleurs. Aujourd’hui, l’enseignant du supérieur dans ce pays touche un mensuel de 1.850 dollars U.S, alors que le maître de conférence perçoit 1.600 dollars et l’assistant 1.100 dollars.
Cette politique de récupération qui vise à renforcer la recherche universitaire au niveau local part d’une évidence que les résultats des ces recherches doivent contribuer au développement socioéconomique. D’où la publication de plusieurs centaines de publications scientifiques.
L’attrait de l’Occident
L’importance de la recherche dans le domaine médical et l’attrait d’un cursus européen expliquent l’attrait que les praticiens éprouvent vis-à-vis de l’Occidentaux. Comment un chercheur mauritanien acceptera-t-il de revenir au pays, si au bout, il ne trouvera que dévalorisation de ses compétences, absence d’équipements et de laboratoires de pointe, mauvaise volonté politique, conditions matérielles de vie et de travail exécrables ?
Sans une politique conséquente sur ce plan, il est fort probable que l’appel du ministre de la Santé restera sans écho, sauf si de preux chevaliers parmi la corporation n’acceptent le sacrifice. Certains ont fait ce choix à une époque, à l’image de ces rares pionniers que furent Dr.Dia Alhousssseinou, Dr.Lô Baïdy Boubou, Dr.Mogueya, Dr.Feu Ould Ahmed Aïcha, Dr.Bâ Mohamed Lemine et la liste est longue…
En retour, les pays riches du Nord conscients du profit énorme qu’ils tirent de ces «cerveaux » puisés du Sud sont allés jusqu’à lancer le concept de l’immigration choisie, qui leur permet de tirer la bonne graine de l’ivraie qui leur vient des boat people et des charters. Un pays comme la Grande Bretagne est allée jusqu’à économiser 86 millions d’Euros grâce au recrutement de médecins ghanéens entre 1998 et 2002 selon une information fournie par Ouestafnews.
Pourtant, tous les spécialistes s’accordent à reconnaître que «la fuite des cerveaux hypothèque l’avenir des systèmes de santé africains » et que le «recrutement intensif de personnels de santé africain déstabilise les systèmes de santé locaux et contribue aux crises sanitaires majeures que connaît le continent ».
Mais à qui la faute ? A l’Europe qui se voit offrir sur un plateau d’argent des compétences prêtes à être exploitées sans investissement initial dans leur formation, ou les pays d’origine incapables de produire des politiques conséquentes et à offrir à leurs chercheurs un environnement propice à l’éclosion de leurs compétences ? Rien d’étonnant si la Mauritanie compte moins d’un médecin pour 1.000 habitants et si son élite préfère se soigner à l’étranger.
Errance des diplômés
Il faut dire que la Mauritanie a beaucoup dépensé pour la formation de ces élites, parfois au-delà de ses capacités d’absorption. Beaucoup de ceux qui acceptent de revenir doivent malheureusement subir le parcours du combattant et finissent soit par retourner dans leur pays de formation, monnayer leur compétence ailleurs ou rester au pays et changer de métier. Mais la Mauritanie n’est pas le seul pays touché par la désillusion de ces diplômés.
En Algérie, ce sont des centaines d’universitaires qui quittent par an le pays. Les professeurs dans ce pays sont les moins payés du Maghreb et touchent 2 fois moins que leurs homologues mauritaniens.
Il faut dire en guise de conclusion qu’une partie du budget de l’enseignement supérieur en Mauritanie sert à former des cadres dont la plupart n’aura pas l’opportunité d’exercer dans son domaine de compétence, ni au profit du pays. Ceux qui n’ont d’autres horizons que la Mauritanie, fleurissent les couloirs surchargés de l’Agence nationale d’emploi des jeunes.
Parmi ces chômeurs de longue durée, les pionniers de la politique nationale de réinsertion, et dont les silhouettes se sont longtemps confondus avec le décor terne de l’ancien Commissariat à la lutte contre la pauvreté et à la réinsertion, avant sa disparition avec armes et bagages. Quant au personnel de santé, ils n’ont pas besoin de faire la queue pour l’emploi s’ils sont bien formés. Les pays nantis d’Europe et du Golfe leur ouvrent grands les bras.
C.Aïdara
Source : cridem.
Seulement, quelle stratégie d’accompagnement le gouvernement a-t-il prévu de mettre en place pour non seulement inciter ses cerveaux à rentrer au bercail mais empêcher les rares qui sont encore au pays à succomber à l’appel des sirènes, à l’autre bout de l’Atlantique ?
L’appel lancé par le ministre de la santé et adressé aux médecins mauritaniens exerçant à l’étranger a été considéré comme une démarche innovante et encourageante, par plusieurs observateurs. Il faut dire que la Mauritanie fait partie des pays de l’Afrique sub-saharienne qui paye le plus lourd tribut au phénomène de la « fuite des «cerveaux ».
Seulement, dans ce pays dont le déficit en personnel de santé de bonne qualité est évident, il est paradoxal de constater que le critère de l’excellence a toujours été sacrifié sur l’autel de la complaisance et l’omnipotence de la médiocrité. On ne compte plus le nombre d’universitaires et de diplômés mauritaniens formés dans les plus prestigieux instituts et université du monde et qui ont été obligés de plier bagage et de migrer ailleurs après avoir essuyé les pompes des recruteurs et l’indifférence des administrateurs une fois rentrée au pays.
Aussi, est-il légitime de croise qu’en lançant un appel aux compétences mauritaniennes à l’étranger, les autorités mauritaniennes ont déjà mis en place une stratégie incitative de nature à encourager ces compétences à revenir au pays avec toutes les garanties requises.
Or, ce que l’on voit, ce sont plusieurs médecins, pharmaciens et dentistes qui font le pied de grue depuis belle lurette devant le département de la santé pour leur recrutement, ce sont des conditions matérielles précaires dans lesquelles se débattent les membres de la corporation qui perçoivent un traitement inférieur à celui d’un balayeur en Europe, des hôpitaux de niveau 2 ou 3, des centres de santé dépourvus du minimum nécessaire, des politiques de recherche balbutiantes…Le tout sous-tendu par une stratégie de recrutement où prédomine encore le trafic d’influence et le manque de tout critère de transparence.
S’inspirer des autres
Pour que l’initiative du ministère de la Santé puisse avoir un impact réel sur les chercheurs mauritaniens à l’étranger, la Mauritanie doit s’inspirer de l’exemple de certains pays comme le Cameroun, un pays qui a amorcé une politique de récupération de ses cerveaux. Cela à travers la création en 2009 d’un fonds d’environ 8 milliards d’UM financé sur l’effacement des dettes extérieures, pour améliorer les salaires des enseignants du supérieur et dont les résultats se sont traduits par un accroissement du nombre de scientifiques et une stabilisation de l’environnement de la recherche.
Ainsi, ce sont aujourd’hui quelques 2500 enseignants et chercheurs qui ont bénéficié de cette mesure incitative. Les professeurs camerounais qui touchaient environ 550 dollars U.S allaient vendre leur compétence ailleurs. Aujourd’hui, l’enseignant du supérieur dans ce pays touche un mensuel de 1.850 dollars U.S, alors que le maître de conférence perçoit 1.600 dollars et l’assistant 1.100 dollars.
Cette politique de récupération qui vise à renforcer la recherche universitaire au niveau local part d’une évidence que les résultats des ces recherches doivent contribuer au développement socioéconomique. D’où la publication de plusieurs centaines de publications scientifiques.
L’attrait de l’Occident
L’importance de la recherche dans le domaine médical et l’attrait d’un cursus européen expliquent l’attrait que les praticiens éprouvent vis-à-vis de l’Occidentaux. Comment un chercheur mauritanien acceptera-t-il de revenir au pays, si au bout, il ne trouvera que dévalorisation de ses compétences, absence d’équipements et de laboratoires de pointe, mauvaise volonté politique, conditions matérielles de vie et de travail exécrables ?
Sans une politique conséquente sur ce plan, il est fort probable que l’appel du ministre de la Santé restera sans écho, sauf si de preux chevaliers parmi la corporation n’acceptent le sacrifice. Certains ont fait ce choix à une époque, à l’image de ces rares pionniers que furent Dr.Dia Alhousssseinou, Dr.Lô Baïdy Boubou, Dr.Mogueya, Dr.Feu Ould Ahmed Aïcha, Dr.Bâ Mohamed Lemine et la liste est longue…
En retour, les pays riches du Nord conscients du profit énorme qu’ils tirent de ces «cerveaux » puisés du Sud sont allés jusqu’à lancer le concept de l’immigration choisie, qui leur permet de tirer la bonne graine de l’ivraie qui leur vient des boat people et des charters. Un pays comme la Grande Bretagne est allée jusqu’à économiser 86 millions d’Euros grâce au recrutement de médecins ghanéens entre 1998 et 2002 selon une information fournie par Ouestafnews.
Pourtant, tous les spécialistes s’accordent à reconnaître que «la fuite des cerveaux hypothèque l’avenir des systèmes de santé africains » et que le «recrutement intensif de personnels de santé africain déstabilise les systèmes de santé locaux et contribue aux crises sanitaires majeures que connaît le continent ».
Mais à qui la faute ? A l’Europe qui se voit offrir sur un plateau d’argent des compétences prêtes à être exploitées sans investissement initial dans leur formation, ou les pays d’origine incapables de produire des politiques conséquentes et à offrir à leurs chercheurs un environnement propice à l’éclosion de leurs compétences ? Rien d’étonnant si la Mauritanie compte moins d’un médecin pour 1.000 habitants et si son élite préfère se soigner à l’étranger.
Errance des diplômés
Il faut dire que la Mauritanie a beaucoup dépensé pour la formation de ces élites, parfois au-delà de ses capacités d’absorption. Beaucoup de ceux qui acceptent de revenir doivent malheureusement subir le parcours du combattant et finissent soit par retourner dans leur pays de formation, monnayer leur compétence ailleurs ou rester au pays et changer de métier. Mais la Mauritanie n’est pas le seul pays touché par la désillusion de ces diplômés.
En Algérie, ce sont des centaines d’universitaires qui quittent par an le pays. Les professeurs dans ce pays sont les moins payés du Maghreb et touchent 2 fois moins que leurs homologues mauritaniens.
Il faut dire en guise de conclusion qu’une partie du budget de l’enseignement supérieur en Mauritanie sert à former des cadres dont la plupart n’aura pas l’opportunité d’exercer dans son domaine de compétence, ni au profit du pays. Ceux qui n’ont d’autres horizons que la Mauritanie, fleurissent les couloirs surchargés de l’Agence nationale d’emploi des jeunes.
Parmi ces chômeurs de longue durée, les pionniers de la politique nationale de réinsertion, et dont les silhouettes se sont longtemps confondus avec le décor terne de l’ancien Commissariat à la lutte contre la pauvreté et à la réinsertion, avant sa disparition avec armes et bagages. Quant au personnel de santé, ils n’ont pas besoin de faire la queue pour l’emploi s’ils sont bien formés. Les pays nantis d’Europe et du Golfe leur ouvrent grands les bras.
C.Aïdara
Source : cridem.