Faiblesse humaine…



Faiblesse humaine…
LE CALAME: Après trois semaines d’incertitudes, sur fond de folles rumeurs, les Mauritaniens ont, enfin, pu voir une image de leur président. Une photo sur laquelle il figure aux côtés du général François Pons, professeur agrégé de chirurgie appliquée aux armées, en service à l’hôpital militaire de Percy Clamart (banlieue parisienne). Le cliché est passé en boucle sur tous les organes nationaux d’informations en ligne, au cours de l’après-midi du mercredi 6 novembre, avant d’être repris par la presse papier du lendemain.

Peu importe le début de controverse soulevée par la nouvelle « stratégie » de communication d’un entourage présidentiel enfin décidé, apparemment, à informer l’opinion publique nationale. Il était temps, compte tenu de la vivacité des critiques soulevées par le black-out observé depuis le 18 octobre dernier, date de la rencontre entre le chef de l’Etat et le ministre français de la Défense.

L’épisode de la semaine dernière semble avoir un objectif clair : retrouver quelque place dans un paysage médiatique d’où fusait une nuée d’interrogations sur l’état de santé du premier des Mauritaniens. Une option à nouveau manifestée, le vendredi 9 novembre, avec un communiqué de la Coalition des Partis de la Majorité (CPM), évoquant une conversation téléphonique entre son président en exercice, Ethmane Ould Cheikh Ahmed Eby Emaali, et le président Mohamed Ould Abdel Aziz. Le chef de l’Etat l’aurait rassuré sur son état de santé et évoqué son « retour attendu », sans toutefois en préciser la date.

Mais, au-delà d’une image « rassurante » et d’une conversation téléphonique apaisante, il reste encore une question à évacuer : une photo peut-elle avoir valeur de bulletin de santé ? La question n’est pas mince, dans un contexte politique marqué par la reprise des activités de la Coordination de l’Opposition Démocratique (COD), qui campe sur son exigence d’un bilan de santé fiable, perçu comme une voie « royale » vers l’invalidation, au plan juridique, du pouvoir d’un homme qui serait, désormais, dans l’incapacité d’exercer la plénitude des tâches affectées à la qualité de président de la République.

La réponse à cette interrogation devra, semble-t-il, attendre encore quelques jours, quand le président de la République sera rentré en son Palais gris. Confronté aux tâches quotidiennes, persévèrera-t-il dans son style, bien connu et assumé, de contrôle, étroit, de toutes les affaires de l’Etat ? Une méthode qui ne laisse aucune place à la pratique démocratique, ailleurs courante, de la délégation de pouvoir et dont on vient, soudain, d’appréhender certaines inquiétantes limites.

Disposition bancale

Certes, la Constitution de juillet 1991, modifiée, par voie référendaire, le 19 juin 2006, pose bien le principe d’un intérim de trois mois, au cas où le président de la République se retrouverait, pour une raison ou une autre, dans l’impossibilité de continuer à assumer les responsabilités confiées par les Mauritaniens. Ainsi « en cas de vacance ou d’empêchement déclaré définitif par le Conseil constitutionnel, le président du Sénat assure l’intérim du président de la République, pour l’expédition des affaires courantes ». Un président intérimaire avec des pouvoirs fortement réduits et, même, aux mains totalement liées. Ce qui, du reste, est tout à fait concevable.

Par ailleurs, l’article 41 indique que le constat de la vacance du pouvoir est une prérogative du Conseil constitutionnel et précise les autorités – le président de la République, le président de l’Assemblée nationale et le Premier ministre – à qui revient l’initiative de saisir la haute juridiction. Cependant, dans la perspective d’une application de la législation aux faits politiques, le grave incident du samedi 13 octobre révèle le caractère bancal et impraticable de certaines dispositions de notre loi fondamentale. Car, en se livrant à un vulgaire exercice « de copier-coller » de l’article 7 de la Constitution française, le législateur mauritanien a oublié de définir les conditions de « la vacance »et « de l’empêchement définitif ».

La fin du mythe de l’homme fort

L’épisode malheureux de la blessure par balles du président de la République offre, ainsi, l’occasion de réfléchir sur nos lois les plus importantes et leurs conditions de mise en œuvre, dans le contexte sociopolitique du pays. Une urgence d’autant plus vive que les Mauritaniens doivent rompre avec la culture des putschs militaires qui a fabriqué, depuis une quarantaine d’années, l’image populaire de l’homme fort. De fait, c’est bien plus celle-ci qu’aura descendue la sanglante rafale de balles. Le pays prend maintenant conscience de l’impérieuse nécessité d’avancer dans le dur apprentissage de la démocratie. En cette voie, il a surtout besoin d’institutions fortes et de lois applicables. Les hommes sont mortels, alors que les peuples et les Etats traversent le temps.

Seck Amadou

Mercredi 14 Novembre 2012
Boolumbal Boolumbal
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