Expropriations foncières : La guerre de la terre



Expropriations foncières : La guerre de la terre
Il y a d’un côté des imams auxquels on aurait attribué des terrains comme « cadeau de campagne ». De l’autre, des populations qui se sentent expropriées et qui crient à la spoliation. Entre les deux, un hakem qui n’en démord pas et qui a fait marcher les pelleteuses. Cet incident survenu ces derniers jours à Arafat résume le problème du foncier dans un pays immense, peu peuplé ou chacun devrait avoir son bout de terrain. Pourtant !

Gazras, expropriations, déguerpissements, plans d’urbanisation foireux, tout est bon pour éloigner une catégorie de la population de certaines zones à fort potentiel économique ou agricole. La guerre de la terre n’en est que plus dense quand certains s’accrochent à une parcelle acquise après un dur labeur.

Pays immense et une population totale qui tiendrait dans quelques quartiers de certaines villes du continent, la Mauritanie présente la particularité d’être un permanent champ de bataille pour l’acquisition d’un lot de terrain. La guerre de la terre rythme le quotidien, la recherche d’un lot terrain, appelé ici, « Numéro » frisent l’indécence de par l’engouement qu’elle suscite.

Un calcul rapide et naïf mène à la conclusion que trois millions d’individus ne devraient pas avoir de problème à se loger dans un espace de plus d’un millions de km². Ceci, en faisant fi des terres héritées, ayant appartenu ou appartenant à des tribus, des clans ou des familles. Bien entendu, il n’est pas question de planter sa guitoune, mais l’acquisition d’un terrain ne devrait pas être un enjeu vital, ni même justifier la cupidité de certains collectionneurs de mètres carrés.

Les cas d’expropriations fantaisistes et tordues ressemblent à des fables tout droit sorties de l’imagination populaire, ou à des histoires fausses, mais auxquelles tout le monde croit. Mais, l’extraordinaire taquine souvent l’ordinaire dans ce pays. Occuper la propriété de quelqu’un d’autre ou la vendre est un sport national. La technique bien huilée, reposant sur « le faux et l’usage de faux » fait le reste et l’expropriation se passe sans le moindre accroc.

Illustration en est faite, la semaine dernière avec des imams qui auraient jeté leur dévolu sur des maisons à Arafat, avec la complicité de la préfecture. L’histoire : Des lots de terrains et des maisons appartenant à quelques 80 familles ont été attribués à des imams de Nouakchott.

Certains imams, sans doute, rattrapés par le remord ou un « sentiment de doute » ont promis de réfléchir. D’autres ont fait marcher les pelleteuses, détruisant en toute hâte les habitations des pauvres occupants de cette zone d’Arafat. Malgré les protestations de ces derniers et la signature d’une pétition dénonçant ce « cadeau de campagne » le hakem n’en démord pas et tient installer les « valeureux érudits ».

Le ministère de l’habitat ne s’est pas prononcé dans cette crise qui commence à prendre de l’ampleur. Cette indifférence est inappropriée dans cette confrontation révélatrice de du problème foncier en Mauritanie. Que ce soit en milieu urbain que dans le monde rural, le manque de discernement semble de mise dans la gestion du foncier.

Véritable patate chaude, la crise finit par atterrir sur le bureu d’agents d’autorités par toujours motivés par le souci d’une médiation juste et judicieuse.

Les représentants de l’administration, hakem, walis ou de simples agents d’autorité usent et abusent souvent de leur statut, pour non pas servir, mais desservir ceux qui sont censés être leurs administrés. Bulldozers et pelleteuses entrent alors dans une danse macabre et détruisent des années de vie.

Cependant, la raison d’état évoquée se cache un riche commerçant ou un entrepreneur qui a jeté son dévolu sur des terres pour lui rapporter gros.
Ceci explique du reste, le zèle de certains administrateurs qui font des d’une expulsion une affaire personnelle. C’est le cas dans plusieurs villes du pays, ou marchés, nouveaux quartier, espaces publics n’échappent plus à la boulimie des collectionneurs de m². Le plan directeur de Nouakchott en a pâti, tout comme des programmes ambitieux et moderne d’urbanisme.

L’inverse est aussi vrai, avec l’occupation illégale de terres par des populations venues d’ailleurs. Des hommes et femmes, poussés par la sécheresse sont arrivés en ville et se sont installés provisoirement dans des gazras, la ou ils le pouvaient. Mais le provisoire dure. Les autorités, débordées par une urbanisation incontrôlée soufflent alors la fin de la récréation et lancent des opérations de démolition.

L’idée qui permet de rétablir l’ordre et de lutter contre l’insécurité, l’insalubrité et l’occupation illégale, est judicieuse, mais elle est parfois sous tendue par des expropriations en bonne et due forme.

La capitale, est à ce propos, un exemple édifiant. Les cas de démolition souvent accompagnés de débordements sont récurrents. La procédure souvent malmenée par un hakem qui débarque avec bulldozers et forces de l’ordre pour déloger des populations convaincues de leur bon droit.

Aucune information ou campagne de sensibilisation n’est faite au préalable, pour donner un fondement juridique à l’opération. La suspicion et la réputation douteuse et bien assise des valeureux hakem fait le reste.

Parallèlement à ces déguerpissements ayant une base légale ou non, la convoitise des terres agricoles du sud se pose. Avec des agriculteurs qui se sentent spoliés et un Etat avec ses lois modernes, ses réformes et ses intérêts.

Dans ce fatras de projets et lois souvent pas très honnêtes, de revendications d’héritages, d’intermédiaires douteux, viennent s’ajouter des investisseurs étrangers -à la région ou au pays-, l’état mauritanien patauge. Mais ceci est une autre histoire…

Amadou Gaye


Source:http://www.tempsforts.net

Lundi 14 Juillet 2014
Boolumbal Boolumbal
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