Droits de l'homme : l'action de Macron «manque de cohérence», selon Human Rights Watch

Pour «Libération», Kenneth Roth, le directeur de l'ONG revient, à l'occasion de la publication de son rapport annuel, sur les combats de son organisation qui fête ses 40 ans.



Kenneth Roth est le secrétaire général de l’ONG de défense des droits de l’homme Human Rights Watch. Il revient pour Libération sur l’évolution de la lutte pour les droits humains pour laquelle son association, lancée il y a 40 ans, milite sans relâche. Entretien, à l’occasion du rapport annuel de l’organisation lancé le 18 janvier, pour la première fois à Paris.

«La montée en puissance de populistes autoritaires paraît moins inéluctable qu’elle ne l’était il y a un an», écrivez-vous d’emblée en introduction de votre rapport. Mais simultanément, de grands pays démocratiques ont abaissé leur ambition et laissent prospérer un champ anti-droits humains…
Les forces derrière les populistes sont toujours là. Il y a toujours des gens laissés derrière par les bouleversements économiques et les inégalités causées par la mondialisation. Des citoyens effrayés par les migrations dues aux guerres, à la répression, à la pauvreté et au changement climatique. Des hommes et des femmes victimes de la répétition traumatisante d’attaques terroristes. Ces symptômes sont exploités par les démagogues pour alimenter la xénophobie et l’islamophobie. Pour diaboliser les minorités et attaquer les droits humains. Mais la résistance aux populismes augmente et permet de freiner leurs agendas. (Photo Rémy Artiges)

Un des exemples les plus édifiants ?
La France, justement. Dans d’autres pays européens – Autriche et Pays-Bas, notamment – les candidats aux élections générales du centre et du centre droit ont concurrencé les populistes en adoptant bon nombre de leurs positions. Ils espéraient peut-être barrer l’attrait des populistes, mais au final, ils n’ont fait que renforcer et légitimer leur message. Macron a choisi une approche différente pendant sa campagne présidentielle. Il a défendu les principes démocratiques et repoussé les efforts du Front national pour fomenter la haine contre les musulmans et les immigrés.

N’y a-t-il pas un discours à géométrie variable de la France, qui peut parler droits de l’homme avec la Russie ou la Turquie, mais taire ces questions avec la Chine ou l’Arabie Saoudite ? Et en interne, institutionnaliser l’Etat d’urgence ou promouvoir une politique très sévère vis-à-vis des migrants.
Le bilan est pour le moins contrasté. Et manque de cohérence, en dépit des promesses formulées lors de la campagne. Macron a eu des positions très fortes sur les politiques autoritaires de la Pologne, de la Hongrie ou du Venezuela ; très faibles avec Pékin lors de sa visite d’Etat, sur les responsabilités de Riyad sur le massacre en cours au Yémen, ou la grande régression démocratique en Egypte. La défense des droits de l’homme ne peut être basée sur des doubles standards. Et elle ne peut expliquer l’institutionnalisation dans la loi de l’Etat d’urgence, même au nom de la lutte contre le terrorisme. Elle ne peut pas non plus tolérer un discours qui revient à décourager les demandeurs d’asile à chercher refuge en France, ou qui défend une police pourtant à l’origine de violences inacceptables à Calais.

Quel danger réel représente Trump et quel impact peut-il avoir sur la marche du monde et le clivage de la société américaine ?
C’est un désastre total. Donald Trump a remporté l’élection présidentielle avec cette même campagne de haine contre les immigrants mexicains, les réfugiés musulmans et d’autres minorités raciales et ethniques, et avec un mépris évident pour les femmes. Mais une réponse forte est venue de groupes civiques, de journalistes, d’avocats, de juges, de nombreux citoyens et même d’élus du parti républicain. A l’arrivée, la résistance a limité les dégâts : il n’a pas imposé son «Muslim Ban» [un décret anti-migration qui vise à interdire l'entrée sur le territoire de ressortissants de six pays dont la population est majoritairement musulmane ndlr], n’a toujours pas pu remettre en cause l’Obamacare, n’a pas pu renvoyer les personnes transgenres de l’armée et même, dans certains cas, expulser des immigrés résidents de longue date.

Source: http://www.liberation.fr

Vendredi 19 Janvier 2018
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