De quoi je me mêle.



De l’autre côté de chez nous, depuis quelque jours, c’est bruyant, ça se chamaille, ca se querelle, ça crie, parfois fort, il y a «  programme », donc il y a «  ambiance ». Ce n’est pas de la curiosité malsaine de bien tendre l’oreille, surtout s’il s’agit d’un proche voisin. Je dirais plutôt que ça relève du bon sens, au cas où notre secours serait sollicité.
Le Sénégal a renoué avec sa discipline favorite dont il est leader incontesté et incontestable, chez eux, ça appelle Wakh wakhete en wolof : des paroles et encore des paroles. Une langue bien de chez nous en Mauritanie.
Pendant sa campagne électorale, le Candidat Maky Sall, a promis une fois élu de réduire le mandat du président de 7 ans à 5 ans. Vous conviendriez avec moi que ce n’est pas une découverte scientifique (les vaccins contre le paludisme et Ebola peuvent attendre), ni une révolution culturelle (pas une loi pour criminaliser la mutilation génitale de nos petites sœurs et nos filles, un peu moins utopique : pas de programme de limitation des naissances), et surtout pas une révolution institutionnelle.Dans la première constitution écrite, made in USA (encore eux) qui date 17 septembre 1787, le CDD du président est de 4 ans renouvelable une fois, si son employeur le peuple Yankee es t d’accord. Dans la constitution de la V République dont s’inspirent tous le autoproclamés rois de notre continent, le contrat de bail a été réduit à cinq ans depuis le 24 septembre 2000 par les électeurs, sous la présidence de M. Chirac. De l’ordinaire dans le déroulement de la gestion des cités démocratiques.
Le président M. Sall a sollicité l’avis du conseil constitutionnel de son pays pour réduire son mandat comme il l’avait promis à son peuple. La réponse est sans équivoque : NOT possible pour le mandat en cours, par contre, Yes pour la prochaine joute électorale, si bien sur les électeurs du pays de mille confréries religieuses l’acceptent.
Un chef d’état africain qui demande à limiter sa magistrature, ce n’est pas un événement banal. Ca relève de la sorcellerie, de la magie noire, du vaudou originel, en un mot c’est un événement extraordinaire à défaut d’être de la science fiction ! Il faut croire que les barrières du continent de la maman de l’Humanité, Lucy, sont bien en train de bouger. Il faut bien s’en réjouir, s’en délecter et s’en féliciter. Le Peuple du Sénégal, comme les peuples du Ghana, du Benin, du Mali, de la Tunisie et du dernier venu le Burkina, a de la chance : son bulletin de vote a une valeur et peut permettre l’alternance Pacifique.
Pour nous et tous les autres malchanceux on peut les repartir en deux groupes :
- Pour les mieux lotis d’entre nous, les élections sont synonymes de violence, de meurtres et d’arrestations. Et au final, les résultats sont truqués et sont toujours, dès le premier tour, en faveur du candidat déjà en place que la communauté internationale se presse de condamner mollement et de légitimer ensuite. Quand à l’opposition politique, elle va hurler à un hold-up et se taire en attendant les prochaines élections. Et ce sera bis repetita.

- Pour les moins bien lotis, la démocratie est un conte de fée. Leur souci majeur est d’éviter de croiser les sbires du roi en place. Dieu merci, leur nombre a sensiblement diminué. L’élite de ces présidents «  buveurs de sang des innocents » avait pour noms Mengistu (Ethiopia), Idi Amin Dada (Ouganda), Habré (Tchad), Bokassa (Centre Afrique), Ould Taya (Mauritanie). Deux sont toujours en activité Isasias Afeworki (Erythree) et Yaya le fou de Banjul (Gambia). Les rescapés me pardonneront de réveiller leurs tristes souvenirs.

Des exemples des faits d’armes de cette caste du génie du mal : le despote Mengistu avait exigé des parents des étudiants que son armée venait juste de massacrer, de rembourser les munitions avant d’embarquer les dépouilles de leurs enfants. Quant au génocidaire Ould Taya, il n’a pas trouvé mieux, pour célébrer la trentième fête de l’indépendance de son pays, le 28 novembre 1990, que de pendre 28 soldats noirs de son armée à cause de leur origine ethnique.
En Mauritanie, nous vivons sous les bottes d’une junte militaire depuis 1978. Ils nous ont fait gouter à la démocratie pendant 2 petites années avant de nous la confisquer à nouveau. Nous avions juste commencé à y prendre gout. C’était délicieux ! Nous regrettons cette période apaisée et pleine d’espoir. Alors, ne me demandez pas pourquoi je me mêle du différend de notre voisin qui ressemble plutôt à un souci de riches.
Il y a sans doute dans ma curiosité une jalousie saine, mais pas que.
Quand un président est élu au suffrage universel direct, il incarne la souveraineté suprême. C’est bien que le président du Sénégal ait demandeé l’avis d’un organe constitutionnel dont tous les membres sont nommés. Evidement, cette consultation formelle est souhaitable et est à encourager pour l’encrage de la légalité et la démocratie sur notre continent d’une manière générale. Mais une norme juridique, quelle que soit son rang dans la hiérarchie des normes, n’a pas prévaloir sur l’expression de la souveraineté populaire. Le Président Sall n’était pas obligé de se soumettre à l’avis du conseil constitutionnel. Ce que le peuple a autorisé et accepté, le peuple peut le contredire et le changer.
Comme vous l’avez bien deviné, ce cas pratique soulève sur le plan juridique la légitimité du gendarme de la constitution. Et sur le plan politique, une interrogation de la pratique de la démocratie dont la définition qui me semble la plus juste est : le règne du nombre avec le respect de la minorité.
En somme, la démocratie ne se limite pas seulement au respect des textes et au mandat du président. Elle est avant tout une pratique, une compétition contradictoire dont les acteurs sont des hommes politiques et le seul juge suprême doit être l’électeur, et la seule norme la vérité du vote. Il est dommage que le peuple africain, qui est soumis depuis toujours à la volonté d’un seul chef, accepte de voir sa souveraineté difficilement conquise, tronquée par des « «fonctionnaires du droit ».
Basta les organes de contrôle de la constitution, encore des dépenses inutiles.

« Liberez les bienfaiteurs des esclaves : Brahim et Birama »

Salam.

Oumar Débé

Vendredi 26 Février 2016
Boolumbal Boolumbal
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