Dans un entretien exclusif accordé au Calame: Ely lève un coin du voile



Dans un entretien exclusif accordé au Calame: Ely lève un coin du voile
Ely Ould Mohamed Vall, 56 ans, ancien président du Conseil pour la Justice et la Démocratie (CMJD) et chef de l’Etat, du 3 août 2005 au 19 avril 2007, candidat, déclaré, à l’élection présidentielle du 18 juillet prochain, explique son long silence face au changement anticonstitutionnel du 6 août 2008, dans un entretien accordé au Calame.
Une réserve de circonstance, nous confie-t-il, marquée, certes, par une absence de déclaration «publique médiatisée», mais une réserve active, militant, auprès de nombreux partenaires, pour trouver une solution à la crise politique et institutionnelle née du putsch.

L’ancien Directeur Général de la Sûreté Nationale (DGSN), pendant une vingtaine d’années, sous le magistère de Maaouya Ould Sid’Ahmed Taya, parle, également, de son projet de société pour la Mauritanie, des rapports avec les partis politiques, des perspectives d’alliance pour un éventuel second tour, du passif humanitaire… Toutefois, interrogé sur les accusations de «prévarications», proférées, à son encontre, par le général Mohamed Ould Abdel Aziz, son cousin et ex-compagnon d’armes, mais désormais adversaire dans la course au fauteuil présidentiel, Ely Ould Mohamed Vall a préféré ne pas répondre, dans le contexte actuel, par souci de ne pas amplifier la polémique. Un véritable dégagement en touche.
Expliquant sa réserve publique, controversée, qui a suivi le coup de force du HCE, qui a déposé le président Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi, démocratiquement élu, l’ancien chef de l’Etat lève un coin du voile : «Je ne suis pas d’accord avec le terme «silence». Il n’y a pas eu de réaction publique médiatisée. Voilà tout et c’est une nuance dont il convient de bien apprécier le sens. J’ai évité de faire état, devant la presse nationale et internationale, de mes efforts et de mes démarches dans la recherche d’une solution pacifique à un problème crucial pour l’avenir de la démocratie et des institutions dans notre pays». Cela dit, souligne-t-il en substance, il faut considérer deux périodes, dans ses activités post-transition : l’avant et l’après coup d’Etat du 6 août 2008.
L’avant est dans la continuité de la transition 2005/2007, globalement couronnée de succès, à ses yeux. Ely voit, en celle-ci, l’avènement d’une «nouvelle société mauritanienne, d’un nouvel état d’esprit». Une véritable rupture avec le passé, attestée par l’élection d’un président de la République «dont la légitimité était incontestable». Pour donner plus de force à cette dynamique, il était nécessaire, estime l’ancien chef de l’Etat, que lui-même «prenne suffisamment de recul», vis-à-vis des affaires publiques, pour donner un temps d’ancrage à la nouvelle donne politique. C’était une démarche de simple bon sens, qui tendait à favoriser les conditions propices à l’avènement d’une véritable société démocratique, au-delà même du formel et de l’appareil d’Etat. «Il me fallait éviter de gêner» la marche des affaires publiques «en dépit des multiples sollicitations dont peut faire l’objet, au moindre problème, un ancien chef d’Etat».
L’homme dit avoir donné, au cours du dernier trimestre de cette première période et, toujours, en privé, le conseil de «régler la crise conformément aux institutions, qui comportent tous les mécanismes appropriés pour résoudre les problèmes politiques. Il fallait, absolument, éviter toute cassure susceptible de dégénérer en dol constitutionnel, sous la forme d’un coup d’Etat, par exemple». Hélas, note notre interlocuteur, aucun des acteurs rencontrés, au cours des deux derniers mois du règne du président Sidi, n’a tenu compte de cet avis.

La phase post-coup d’Etat

Tout d’abord, Ely Ould Mohamed Vall rappelle que «l’événement est intervenu tandis que je me trouvais à l’étranger, sous des engagements contraignants, qui m’ont obligé à rester, plus de deux semaines encore, hors de la Mauritanie avec qui j’entretins, cependant et évidemment, un contact permanent, pour suivre l’évolution de la situation». Le renversement du président élu fondait «une nouvelle situation, complexe. La communauté internationale a mis la barre, très haut, dans la recherche d’une solution à la crise. Elle a, totalement, ignoré la réalité du terrain, en exigeant un retour, pur et simple, à la case départ. Une partie de la classe politique s’est alignée sur cette position. Tout en restant sur une position de légalité et de constitutionnalité, parfaitement conforme à mes objectifs, j’ai, pour ma part, intégré la donne politique en phase avec la réalité du terrain. Il fallait, absolument, éviter la surenchère, dont le résultat serait une attitude de fuite en avant, de part et d’autre». Le constat initial relevait le décalage incommensurable entre la classe politique soutenue par la communauté internationale, d’une part ; les auteurs du putsch et leurs partisans, d’autre part. Comment réduire la fracture? C’est en cet esprit qu’Ely travaille, alors, avec tous les partenaires, notamment l’Union Africaine et les chancelleries présentes à Nouakchott, pour aider à une démarche inclusive en vue d’un consensus viable. Intense activités, ponctuées de fréquents voyages à l’étranger, afin d’aider la Mauritanie à sortir de la tourmente. Au bout du compte, «tous les protagonistes ont convenu d’une solution minimale» et raisonnablement admise par les uns et les autres.
Ely Ould Mohamed Vall joue, donc, au rassembleur. Il rappelle n’avoir jamais été un protagoniste de la crise «dans le sens où l’on pouvait me classer dans l’un ou l’autre des deux camps. J’étais un facilitateur».

Sur l’accord de Dakar

En dépit du blocage, persistant, sur la voie menant à la formation du gouvernement transitoire d’union nationale, l’ancien chef de l’Etat reste zen, «raisonnablement optimiste». Lucide, il reconnaît que «tout accord peut se heurter à des obstacles, dans sa mise en œuvre». Mais l’arbitre, dans la situation actuelle, c’est la volonté et la détermination des Mauritaniens de sortie de la crise. Un peuple qui déjà fourni de nombreux efforts dans ce sens et qui est capable de dépasser les derniers barrages. Le contretemps actuel, sur le chemin de la mise en œuvre de l’accord-cadre de Dakar, pour un retour inclusif à l’ordre constitutionnel, n’est pas un handicap majeur. Il porte sur des questions qui peuvent être parfaitement résolues, dans l’intérêt même de la Mauritanie.

La candidature

Répondant à une question relative à sa candidature, opposée à celle du général Mohamed Ould Abdel Aziz, Ely Ould Mohamed Vall précise: «ma candidature n’est, absolument, opposable à personne. Je me suis engagé politiquement, sur la base d’une solution nationale acceptable, pour aider à sortir le pays de la crise. Il ne s’agit pas d’une petite ambition personnelle visant à assouvir une quelconque soif de pouvoir. Le sens de ma candidature est d’offrir une alternative politique à la Mauritanie. Elle s’adresse à tous les citoyens, dans la richesse de leur diversité, pour aider à tourner, définitivement, la page douloureuse de la crise».
En fait, pour l’ancien chef de l’Etat, «le plus grand parti politique, c’est le peuple mauritanien.» Pour la frange de nos compatriotes organisés au sein des partis politiques, le candidat révèle qu’un «certain nombre de formations sont en phase et dans l’esprit de ma candidature». Il ajoute, alors: «nous continuerons à discuter, en fonction de l’évolution de la situation politique». Une manière de dire que les possibilités d’alliance, pour un éventuel second tour, sont parfaitement dans les calculs, tout en se gardant de donner plus de détails sur la stratégie de conquête. Lancé dans la politique, toutes voiles dehors, l’ancien chef de l’Etat n’écarte pas l’idée de fondation d’un parti, dans la perspective des prochaines batailles électorales : législatives, sénatoriales et municipales.

L’instabilité politique, un drame majeur pour la Mauritanie
Abordant la question de l’instabilité politique récurrente, l’ancien patron du CMJD qualifie cette réalité de «drame majeur et fléau pour le pays. Tant que nous n’aurons la capacité de stabiliser la Mauritanie, pour mettre tout le monde au travail, nous ne pourrons réaliser aucune œuvre de développement». Ely Ould Mohamed Vall identifie, à la source du mal, plusieurs raisons parmi lesquelles la faiblesse de la classe politique, vecteur d’intrusions, fréquentes, de l’armée, dans le jeu de distribution et de redistribution du pouvoir. En fait, il invite celle-là à plus de responsabilités, seule anti-dote contre les putschs de celle-ci. Le candidat rejette, cependant, l’idée selon laquelle l’armée serait un obstacle à la démocratie: «il appartient aux hommes politiques de ne pas créer de situation de crise qu’ils ne seraient pas capables de surmonter, risquant de précipiter le pays dans un gouffre sans fond. Une de leurs compétences, et non la moindre, est, justement, de trouver des solutions aux problèmes conjoncturels».
Abordant le volet relatif à son projet de société, son programme pour la bataille présidentielle du 18 juillet 2009, Ely Ould Mohamed Vall accorde une importance, capitale, «au renforcement de l’Etat de droit, par un meilleur ancrage de la démocratie, la réforme de la justice et la bonne gouvernance économique, qui est l’équité la plus générale et la plus généreuse. En sommes, mettre tous les citoyens à l’abri de l’inquisition, de l’arbitraire, de l’injustice, de la mise à l’écart économique et sociale». Au plan international, le candidat envisage de redonner à la Mauritanie un rôle diplomatique dynamique, pour mettre un terme à l’isolement actuel. La suite sera une remise sur les rails de l’économie nationale

Et le passif humanitaire…

Interpellé sur le passif humanitaire et la «solution» proposée par le général Mohamed Ould Abdel Aziz, le candidat Ely Ould Mohamed Vall rappelle les «tentatives de règlement», sous le règne de Maaouya Ould Sid’Ahmed Taya et de Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi. Suit, alors, une précision de la plus haute importance: «je suis favorable à toute action allant dans le sens du dépassement de certains problèmes et de la réconciliation nationale. Mais je considère que ces questions, générées par des évènements exceptionnels, ne doivent pas être traitées de n’importe quelle manière. En fait, il faut des réponses entreprises dans la sérénité, avec tout le recul que cela requiert. Elles ne doivent pas être abordées dans un esprit de confrontation, pendant un contexte d’exception. Car la finalité, c’est le consensus national. Ces événements ne concernent pas, en réalité, qu’une seule communauté nationale. Ils sonnent, comme un drame, pour toute la Nation. Il aurait fallu les régler, de manière globale, par des institutions élues et, donc, légitimes, dont les décisions sont opposables, à tous et à toutes, au niveau national et international. Je doute que la démarche entreprise récemment corresponde à ces critères. Mais, si ce qui a été fait peut contribuer au rapprochement des Mauritaniens, c’est tant mieux».
Ely Ould Mohamed Vall a, par ailleurs, parlé des relations entre la Mauritanie et la France, ancienne puissance coloniale. Il a, notamment, abordé le problème de la France-Afrique et des réseaux occultes, juste pour dire que «les rapports entre Etats doivent être basés sur la transparence».

Propos rassemblés par Ahmed Ould Cheikh et Amadou Seck

Mercredi 17 Juin 2009
Boolumbal Boolumbal
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