Cheikh Sidiya Diop, expert en Sûreté du transport aérien : «Aéroport de Nouakchott, un des plus vulnérables du Maghreb…»



Cheikh Sidiya Diop, expert en Sûreté du transport aérien : «Aéroport de Nouakchott, un des plus vulnérables du Maghreb…»
L’ancien Directeur de la Sûreté de l’ANAC (agence nationale de l’aviation civile) en 2006, Cheikh Sidiya Diop, qui monnaye actuellement son expertise au TCHAD et en RCA pour l’élaboration des programmes nationaux de sûreté et de formation n’est pas allé par quatre chemins pour dénoncer les failles du système de sécurité de l’Aéroport Internationale de Nouakchott. Dans un Entretien exclusif accordé à la rédaction, l’ancien Directeur d’Exploitation adjoint de la défunte compagnie Air Mauritanie, expert en Sûreté du transport aérien a fustigé les manquements de sécurité au niveau de l’Aéroport de Nouakchott, mais aussi la carence d’équipements adéquats pour répondre à la menace terroriste.


QDN : L’aéroport de Nouakchott est-il vulnérable face aux attaques terroristes ?

Cheikh Sidiya Diop : L’aéroport de Nouakchott est situé à 04 H 55 de l’un des plus grands HUB d’Europe. Une simple menace à Nouakchott peut perturber tout le trafic mondial.
Malgré les dispositions prises, il reste encore l’un des plus vulnérables aéroports du Maghreb. La lutte contre le terrorisme ne se limite pas seulement aux secteurs terrestres et maritimes.
La Mauritanie a ratifié la convention de Chicago et accepté de se conformer aux normes de l’annexe 17 de l’OACI. Le gouvernement s'est engagé à lutter contre le terrorisme. Toute action de lutte contre le terrorisme contribue à sauver des milliers de vies humaines.
Pour combattre le terrorisme et protéger nos frontières aériennes, il y a lieu d'observer la vigilance, battre des campagnes vigi-pirates, écarter et déloger tous les espions étrangers au cœur de notre capitale, récupérer tous les logiciels archives de notre frontière et l'identité adresse de nos policiers.

L’Aéroport est-il équipé pour parer à cette menace ?

Tout d’abord, il faut souligner le problème d’équipements, c’est à dire l’absence de la valise de calibrage qui consiste à remettre les réglages à zéro et qui permet aussi de tester leur fiabilité au rayons X et portiques. Son manquement occasionne de fausse information quant à la qualité du traitement des images radioscopiques. Il y a aussi, l’insuffisante couverture de la vidéo Surveillance. La présente est inadaptée pour archiver les donnés destiner à l'exploitation pendant les heures d'exploitation et en dehors. Les opérateurs imagerie radioscopie pour les bagages à main et bagages de soute ne produisent qu’un rendement à 30% à cause du sous-effectif à ce poste. Les techniciens de maintenances ne sont pas formés pour ces types de machines nouvelle génération LG HTDS. Pire, la formation des opérateurs et leur certification sur les équipements restent un sujet enterré.

Et concernant les failles sur la sécurité aéroportuaire ?

La règle exige que l'opérateur visualise 20 minutes de vacation, alors qu’ici, un seul opérateur met 02 heures d’horloge pour visualiser une séance. Sa recherche n’est plus efficace et certaines compagnies, comme Air France, qui n’ont pas confiance au système de fouille, sont obligées de refaire une seconde fouille au pied de l’avion .Quelle crédibilité pour nos agents assermentés de l’Etat ?Le circuit passager et personnel est identique. La norme exige que les circuits soient séparés, pourtant, il y a les équipements et les circuits nécessaires au niveau de l’Aéroport, mais malheureusement, aucune application de la règle.
Les issues de l'aéroport sont perméables en heures calme et aussi en heures d'exploitation. On peut aller du siège de l' ASECNA au Centre industriel Hangar Maintenance Air Mauritanie, sans peur d’être interpellé par les services de sécurité. L’accès aux aires réservés(parking) est donné aux privés et diplomates qui ne justifient pas leur présence en ces lieux. Les passagers n’empruntent pas de navette entre l’avion et l’aérogare dans les sens arrivée et départ ; alors que c’est une exigence.
On peut signaler aussi la confusion des rôles entre la douane et la police sur le traitement des expéditions fret (imagerie radioscopie).
Il faudrait bannir aussi l’accès aux exportateurs et leur véhicule aux zones réservées au contrôle des marchandises d’embarquement, mais aussi, il faut signaler, les opérations discrètes de chargements et déchargements à des heures creuses avec ou sans l’administration de la douane.
L'absence de l’équipement VAPOR au niveau de l’aéroport, permet la circulation des stupéfiants sans détection. Car un terroriste qui dissimule son EEI par voie rectale ne peut être repéré.
Les manquements avérés de l' Audit OACI restent des balises ouvertes et leur clôture contribue à la crédibilité de notre aéroport et renforce notre coopération avec les autres Etats.
IL y a beaucoup de points qui ne sont pas cités mais qui sont dans le rapport d’audit OACI. L’insécurité est une forme de gabegie qui ne dit pas son nom. Il est urgent que le gouvernement mesure la portée des dispositions à prendre avant que notre pays ne soit la cible de AL Qaida et d’être positionné sur la liste noire des aéroports à hauts risques.


Quelles sont les mesures urgentes que doivent prendre les autorités?


Tout d’abord, il faut rattacher directement la Haute Autorité des Aéroports sous la coupole du PM. Ensuite, réunir les 7 ministres concernés (Intérieur, Justice, Santé, Défense, MAEC/Transports /Finances) pour qu’ils débattent du problème de la sûreté sur l’étendue du territoire afin qu’ils puissent donner des instructions fermes à tous les acteurs concernés. A partir de là, les ministres pourront se réunir au moins une fois par an pour revoir la question sûreté. Ainsi, en période de crise ou de trouble, ces réunions doivent être en fonction de la menace. IL n'est pas nécessaire de dévoiler le visage de notre pays par l'organisation d'un exercice de crise.
Ce programme de Sûreté doit être approuvé par L’Etat qui apportera par la suite, des mesures correctrices sur les manquements avérés constatés à 2 reprises par l’audit OACI. Entretenir nos équipements de Sûreté, former les opérateurs et les techniciens de maintenance. Utiliser les budgets sûreté uniquement à des fins de sûreté. Certifier notre aéroport à hauteur de notre voisin (Sénégal) qui est apte au contrôle FAA pour les vols à destination des USA.
Le respect de toutes ces normes, permettra d’éviter une intervention des services américaines ou une obligation de passer par un aéroport certifié, lors d’une mission du chef d'Etat au USA. La Mauritanie peut et dispose des ressources pour arriver à ce niveau. Il faut aussi faire appel à nos propres compétences, car les ressources existent à l’intérieur et à l’extérieur du pays.

Propos recueillis par Dialtabé



Source: Quotidien Nouakchott

Lundi 18 Janvier 2010
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