Affaire Sarkozy-Kadhafi: tableaux d’art, vente de villa et montage financier



Interpellé la semaine dernière à Londres, Alexandre Djouhri, est désormais dans l’attente de son extradition en France. Le nom de cet intermédiaire des transactions politico-financières entre Paris et Tripoli, revient constamment dans les 370 pages du livre intitulé “Avec les compliments du guide”, des journalistes Fabrice Arfi et Kar Laske, tous deux membres de la rédaction de Médiapart.

Dans ce livre-polar sur l’affaire du financement libyen présumé de la campagne 2007 de Nicolas Sarkozy, une transaction à plusieurs tiroirs met en évidence la complexité des montages financiers sensés masqués le paiement des commissions et diverses rémunérations. Tout part de l’année 1998 quand Alexandre Djouhri acquiert dans la petite commune française de Mougins (Alpes-Maritimes), pour 700 000 euros, une villa auprès de la famille du milliardaire et marchand d’armes saoudien Adnan Khashoggi.

Dix ans plus tard, «M. Alexandre», comme écrit le livre, réalise une plus-value inespérée en revendant le bien plus de 10 millions d’euros au fonds souverain libyen LAIP, dirigé par son ami Bachir Saleh (aujourd’hui résident en Afrique du Sud) , soit cinq fois le prix de la villa n’est estimée à l’époque à 2 millions d’euros.

L’opération est réalisée via une société panaméenne, Bedux, dont Alexandre Djouhri apparaît comme l’utilisateur principal, selon l’enquête judiciaire. Et, en mars 2010, avec
cet argent en provenance directe de Tripoli, Bedux opère un étrange virement de
600 000 euros sur un compte de Khaled Bugshan à la National Commercial
Bank de Djeddah, en Arabie Saoudite.

De ce compte partiront 500 000 euros vers le secrétaire général de l’Élysée, Claude Guéant, qui l’utilisera pour l’achat d’un appartement cossu de 89 mètres carrés,
rue Weber, à quelques pas de l’Arc de triomphe, dans le XVI arrondissement de
Paris. Le bien est payé comptant trois mois plus tard, en mars, par le numéro 2
de la présidence de la République. Prix de l’acquisition : 717 500 euros.

Claude Guéant règle la note sans avoir à contracter le moindre emprunt bancaire, lit-on dans le livre. “Le « Cardinal » a toutes les liquidités en poche. L’essentiel de la somme –
500 000 euros – provient de la vente des marines flamandes de Van Eertvelt”, comme le déclarera-t-il.
Une thèse démenti par l’enquête qui met en évidence l’envoi de 500 000 euros à Guéant pour l’achat de son appartement. . Pour les enquêteurs, ce versement de 600 000 euros peut désormais être vu comme la compensation (avec intérêts) sur fonds libyens des 500 000 euros qui avaient enrichi Guéant par le double intermédiaire de la Malaisie et de l’Arabie Saoudite.

Des relevés de comptes de la BNP laissent apparaître la trace d’un virement de 500 000 euros provenant de Malaisie en mars 2008, au bénéfice de Claude Guéant. Une enquête du service de renseignements financiers de l’État français, Tracfin, permet d’abord de découvrir que, deux jours avant de virer en 2008 les 500 000 euros vers Claude Guéant, l’avocat malaisien Rajendram, acheteur des deux tableaux hollandais, a perçu exactement la même somme en provenance d’Arabie Saoudite, depuis le compte ouvert à la National Commercial Bank (NCB) d’un riche homme d’affaires saoudien, Khaled Bugshan. Cet élément capital assoit une nouvelle hypothèse : et si Rajendram n’était qu’un agent de passage dans le but d’opacifier la transaction au profit de Guéant ?

“Le soupçon se renforce vite. Car l’homme qui a réellement opéré le virement
depuis Djeddah, en Arabie Saoudite, n’est pas Bugshan lui-même, mais un
banquier de la famille, un certain Wahib Nacer. Et c’est là que l’affaire se corse
pour Guéant. Dirigeant du Crédit Agricole suisse, Wahib Nacer est à la fois un
associé de l’intermédiaire Alexandre Djouhri – les deux hommes sont voisins en
Suisse –, un proche de l’avocat malaisien Siva Rajendram, comme en
témoignent des écoutes judiciaires , et, surtout, le gestionnaire des comptes de
Bachir Saleh, le directeur de cabinet de Kadhafi et patron du Libyan African
Investment Portfolio (LAIP), le puissant fonds souverain libyen au cœur de
nombreux soupçons de corruption politique”, lit-on dans “Avec les compliments du Guide.

Une autre personnalité politique française est concernée par cette affaire. En septembre 2009, quelques mois seulement après le versement des 500 000 euros à Claude Guéant, Dominique de Villepin perçoit une somme peu ou prou identique – 489 143 euros –, qui a, précision utile, emprunté exactement les mêmes circuits tortueux que celle qui a servi la fable des tableaux flamands.
L’argent provient des 10 millions engrangés par la société panaméenne Bedux –
de Djouhri, donc –, lors de la vente de la villa de Mougins au fonds libyen de
Bachir Saleh, et a atterri sur le compte bancaire de Villepin International. Et, une
fois encore, on retrouve le milliardaire saoudien Khaled Bugshan dans la boucle.
Il figure parmi les clients du cabinet Villepin. C’est clair, l’interpellation d’Alexandre Djouhri à Londres et sa mise en liberté sous caution risque de connaître de nouveaux développements dans les semaines à venir.


Source: https://www.financialafrik.com

Mardi 16 Janvier 2018
Boolumbal Boolumbal
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