50 ANS D'EXPERIMENTATION " Gouvernement de l'élite "



50 ANS D'EXPERIMENTATION " Gouvernement de l'élite "
La crise Mauritanienne est-elle d'abord une crise des élites ? Après chaque élection présidentielle, les Mauritaniens s'attendent à être gouvernés par " les forts en thème ". Ils se soucient très peu des capacités intrinsèques de celui qu'ils ont élu, mais pas du cursus des membres de l'équipe gouvernementale.


La problématique de la crise des élites est fortement ressentie en Mauritanie en raison du poids que l'histoire et le modèle politique ont donné à ces élites dans la vie du pays.

C'est un peu une manière de dire : " on prend les mêmes et on recommence ". La seule variation consiste à choisir entre un gouvernement politique ou une équipe à texture " technocratique ". L'ancien président Taya, champion dans ce genre de " cuisine politique ", a toujours suscité l'admiration dans le mélange tribalo-régionaliste qui lui assurait la dévotion totale de ceux qui ne désespèrent jamais d'être un jour appelés à servir le régime mais surtout à se servir de lui. Longtemps, le poids politique des gouvernements a primé sur leur technicité.

Pourtant, depuis le changement du 3 août 2005, le refus du gouvernement de l'élite peut sembler anachronique. Le Conseil Militaire pour la Justice et la Démocratie (CMJD) qui, en dehors de son président, était constitué d'officiers pour la plupart apolitiques et parce qu'il voulait répondre à l'une des exigences de la transition démocratique, avait fait appel à une équipe de technocrates. C'est ce label à la mode en Afrique qui justifiait suffisamment le retour à la Primature de Sidi Mohamed Ould Boubacar, ancien Premier ministre de Ould Taya et non son parcours politique. C'est la même alchimie qui a présidé à la formation du premier gouvernement de Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi, avec la désignation de Zéine Ould Zeidane, qu'on peut qualifier de " technopolitique ", et son remplacement avorté - puisqu'il a fini par et dans la crise - quand Yahya Ould Ahmed Waghef a été désigné au nom d'une Majorité-Opposition répondant aux seules injonctions des militaires.


Gouvernants
Néanmoins, les crises économique, sociale et culturelle répétitives ont alimenté un certain ressentiment à l'égard des gouvernants, des technocrates, des spécialistes, des patrons, en un mot de l'élite. Ce vocable est un fourre-tout qui dénature la réflexion sur l'organisation sociale. Peu avant la formation de son premier gouvernement, le président Ould Abdel Aziz, avait d'emblée mis en garde les leaders politiques du pays en leur annonçant qu'il comptait rompre avec l'alchimie traditionnelle en privilégiant les dispositions intellectuelles et techniques des Mauritaniens contre les réalités tribales et ethniques. C'est en tout cas, cette idée qui aura prévalu quand son Premier ministre dressait la liste des ses collaborateurs, manifestement circonscrite à l'élite du pays.

Il convient d'entendre élite dans son acception étroite, comme " la classe minoritaire composée de gens qui, du fait de leurs mérites, de leur culture et de leurs capacités sont reconnus (ou se reconnaissent) comme les plus aptes à occuper les premières places de la société. " Et c'est encore le champ politique qui accorde ce privilège en consacrant, au sein même des tribus et des régions, la tradition. Concernant les postes de ministres, la règle de " tel père, tel fils " a souvent prévalu. Sans citer de nom, on peut au moins rappeler une dizaine de cas, tous gouvernements confondus ! Une tradition que l'on a même retrouvé à une échelle plus basse, quand " l'héritage " a concerné les frères, les sœurs, les gendres à des postes de directeurs, conseillers ou chargés de mission. Là encore, la compétence (la technicité) est souvent assujettie à l'aura politique de la tribu, de la région ou de la famille.


Pas de changement en vue

Si le gouvernement des meilleurs souffre peu de discussion en théorie, la vraie question réside dans la définition de l'élite et dans le mode de production sociale des dirigeants. C'est en somme une réflexion sur l'organisation de la société et sur le devenir de la Mauritanie qu'il faut initier. En effet, le rejet actuel des élites est peut-être dû à la mort de ce que devrait être l'élite. S'il n'est pas souhaitable de refuser le gouvernement de l'élite, il est en revanche nécessaire de s'interroger sur la crise actuelle des élites, marquée par la rupture du lien entre elles et la société civile.

Il n'est pas souhaitable de refuser le gouvernement de l'élite. C'est historiquement le meilleur mode de gestion du bien public.

L'inexistence de modèles politiques satisfaisants, depuis l'indépendance de la Mauritanie à nos jours, pousse à défendre le modèle républicain de formation et de désignation de l'élite. En effet, il n'est pas à exclure qu'une forme nouvelle d'organisation sociale - excluant les élites - ne soit élaborée. Le gouvernement de l'élite doit être fondé de façon positive, et non pas uniquement par référence à l'inexistence actuelle de solutions différentes.

Confier la gestion de la chose publique aux plus capables est légitime et rationnel. Le gouvernement de l'élite est souhaitable si les critères de sélection de celle-ci sont reconnus par les citoyens.

Dans tout modèle républicain, les meilleurs sont désignés par le système scolaire ou s'illustrent dans leur activité. La complexité de la société moderne justifie ce mode de formation de l'élite : les gouvernants (élus et hauts fonctionnaires) doivent être compétents en économie, en droit...Ils doivent réagir en temps réel à un problème donné, ce qui justifie la délégation de prise de décision.

L'investissement en temps serait trop important si chacun devait prendre part aux décisions (sans considérer l'impossibilité pratique de la démocratie directe).

Les temps historiques déterminent la conception de l'élite dans le monde. L'élite était militaire quand la guerre rythmait la vie sociale, ecclésiastique quand le Salut était la préoccupation première de tous. L'élite, ce fut ensuite les médecins et les avocats, quand la naissance de la République consacrait l'importance du discours politique et du lien entre les notables et les citoyens-électeurs. Il est logique aujourd'hui que l'élite soit constituée des individus les plus à mêmes de diriger l'Etat dans le " village planétaire ". Ainsi, l'élite d'aujourd'hui est cette classe politique qui doit pouvoir sortir le pays de l'ornière du diable. Elle doit être constituée de technocrates capables de soutenir la course à la puissance économique, assurer la croissance et l'emploi. Le président Ould Abdel Aziz, est-il parvenu à placer une élite, aux postes de responsabilité ? Rien n'est moins sûr quand on sait que les gouvernants actuels continuent de patauger incapables qu'ils sont, de réaliser l'une des premières promesses de leur candidat et président : l'éradication, - même partielle- de la pauvreté.


Source:
L'authentique

Mardi 19 Janvier 2010
Boolumbal Boolumbal
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