Mauritanie/Algérie : Fin de l’entente cordiale?



Le couple Nouakchott/Alger est-il en train de se fissurer ? Tout porte à le croire. Surtout après le renvoi réciproque de diplomates. Un précédent sans pareille dans l’histoire diplomatique des deux voisins. Réelle discorde ou simple malentendu? Tout est possible, même si beaucoup d’observateurs évoquent un rapprochement entre la Mauritanie et le Maroc, l’autre frère qui dispute à l’Algérie le leadership au sein de la région maghrébine. Et même au-delà…

Des sources journalistiques algériennes précisent que le ministre algérien de l’Intérieur a décidé de boycotter la réunion des ministres de l’Intérieur de l’UMA qui se tient ce mercredi à Nouakchott.

L’histoire commence par une banale information, publiée dans les colonnes d’un site mauritanien pas très bien connu et relative à une prétendue plainte des autorités mauritaniennes auprès des instances onusiennes contre l’inondation du nord de leur pays de drogue en provenance du Maroc.

Une information erronée comme tant d’autres informations publiées quotidiennement par les sites d’information en ligne dans notre pays et qui n’ont jamais attiré l’attention de personne. Surtout des autorités.
Mais, curieusement et à la grande surprise de tout le monde, cette fois-ci, cette information a suscité tous les intérêts au niveau officiel.

Un subit et étrange intérêt qui s’est traduit par l’interpellation du responsable du site en ligne qui, au bout d’une garde à vue prolongée à la police, aurait livré le nom de celui qui a inspiré le fameux article objet de la brouille entre Nouakchott et Alger. Il n’est autre que le premier conseiller de l’ambassade d’Algérie à Nouakchott.

Selon des informations publiées dans la presse locale, le pouvoir en Mauritanie reproche à l’article, à son auteur et, surtout, à son inspirateur, le diplomate algérien, la volonté de saper ses rapports avec le voisin marocain. Un voisin avec lequel les relations n’étaient pas, pourtant, au beau fixe depuis déjà quelques années.

Un changement en perspective pour le réchauffement des relations, froides, avec Rabat qui aurait dicté l’éloignement d’Alger et même le renvoi de l’un de ses diplomates ? Une manière, certes pas très élégante et surtout pas diplomatique, de gérer les relations avec un Etat voisin.

De surcroit l’Algérie. Un pays qui a la réputation de ne pas se laisser faire et d’être exigeant, contrairement au Maroc qui supporte tout pour les autorités mauritaniennes. Un pays, aux yeux de la Monarchie, qui ressemble à un enfant ‘’immature’’ qu’on a aimé et auquel on pardonne toutes les fautes…

D’ailleurs la réaction d’Alger ne s’est pas trop fait attendre. Un responsable de la sécurité au niveau de l’ambassade de Mauritanie en Algérie a été prié, dimanche dernier, de plier bagage. Une source diplomatique algérienne citée par le site Tout sur l’Algérie (TSA) estime que « c’est une décision incompréhensible et le motif avancé est surprenant ».

Plus loin, cette source précise « nos relations avec la Mauritanie seront également revues » sans donner davantage de détails.
Abdel Aziz Rahabi, un ancien diplomate algérien, cité par le même organe de presse en ligne, va plus loin que cela et estime qu’il s’agit ‘’d’un acte inamical et inacceptable qui peut avoir des conséquences sur l’avenir des relations entre les deux pays’’.

Il poursuit ‘’les explications données par les mauritaniens par rapport à leur décision sont insuffisantes et n’autorisent pas une mesure d’une telle gravité’’. Même si la partie mauritanienne observe un mutisme complet sur cette affaire, le ton est donné du côté algérien : œil pour œil, dent pour dent. Et même plus que cela… On ne pouvait pas attendre moins que cela de la part des algériens, note un observateur mauritanien.


Comment en est-on arrivé là ?

Difficile de comprendre ce qui arrive subitement, le cas échéant, aux relations mauritano-algériennes. Les deux pays donnaient l’impression d’entretenir de cordiales relations tout au long des dernières années. Le président Mohamed s’est déjà rendu en visite officielle chez le voisin algérien, alors qu’il ne s’est jamais déplacé chez l’autre voisin, le Maroc, où le niveau de la représentation diplomatique de la Mauritanie a été réduit à sa plus simple expression depuis plusieurs années.

Actuellement, il n’y a pas d’ambassadeur de la Mauritanie à Rabat, mais juste un simple diplomate, et cela dure depuis la promotion du chargé d’affaires au poste d’ambassadeur dans un autre pays. Cette situation est elle en train de s’inverser au détriment du frère algérien?

Il est peut-être prématuré de parler de cela, mais il faut quand même noter que la Mauritanie, qui partageait les mêmes points de vue de l’Algérie par rapport à la lutte contre le terrorisme dans la région, avait appelé, l’année dernière, au cours du sommet des cinq pays du Sahel, à une intervention militaire étrangère dans le conflit en Libye.

Une position qui sonne comme une trahison à l’Algérie qui, une journée auparavant, pendant les réunions du sommet du processus de Nouakchott, avait convaincu les participants à s’opposer à toute intervention militaire dans l’imbroglio libyen.

Mais cela est-il suffisant pour provoquer un couac des relations entre les deux pays ? Certainement pas. Surtout que la Mauritanie, le maillon faible du Maghreb, n’a particulièrement pas intérêt à se brouiller avec ses voisins.

Il est légitime, voir salutaire pour la Mauritanie d’avoir la volonté d‘améliorer ses relations avec Rabat, mais doit se garder de le faire au détriment de l’Algérie. Il y va de l’intérêt d’un pays comme la Mauritanie, qui peine à sortir le nez de l’eau, d’avoir des amis, pas d’ennemis.

Dans le contexte de rivalité algéro-marocaine, la Mauritanie a longtemps occupé une position de neutralité contrainte. Elle aura certainement trop à perdre en choisissant un camp ou l‘autre. C’est l’unique voie pour se prémunir contre d‘éventuels risques, ou simplement pour ne pas mettre tous leurs œufs dans le même panier. Cette leçon a-t-elle été vraiment assimilée par le président Aziz qui, depuis son avènement, n’a jamais su –ou voulu ?- maintenir une distance égale avec ses deux voisins “encombrants”.




Amine Lazrag


Source: http://www.rmibiladi.com

Dimanche 3 Mai 2015
Boolumbal Boolumbal
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