J’ÉTAIS À NOUAKCHOTT (SUITE)



Ely Ould Krombele – 2/L’éternel litige entre civils et militaires:
Le litige entre certains civils et les différents pouvoirs militaires en Mauritanie fait penser à l’éternelle querelle byzantine entre les anciens et les modernes. Si les anciens placent l’âge d’or au début de l’humanité, les modernes « grisés » par le positivisme et le scientisme ne jurent que par les prouesses de la technologie et ses « effets bénéfiques » sur l’homme. De nos jours nul n’ignore que la science, de par son arsenal nucléaire serait en mesure de provoquer l’apocalypse en détruisant la planète, au même moment où elle est encore incapable d’animer une cellule! Aussi faut-il relativiser d’une part le discours oiseux entretenu par une « élite » intellectuelle nostalgique d’un âge d’or(juste après les indépendances) à jamais révolu quant à l’intervention des militaires dans la vie publique.

D’autre part parler de litige, c’est amplifier le clivage non seulement en Mauritanie mais aussi dans les sociétés ouest-africaines post-indépendance qui ont connu des coups d’Etat militaires et dont la légitimation varie selon les nations. Dès lors une fracture béante, presque manichéenne est apparue entre une catégorie de civils irréductibles, réfractaires à toute mélodie martiale, et les pouvoirs militaires, leurs soutiens sur le continent.

Certes les agissements peu orthodoxes d’un Samuel Doé du Liberia ou d’un capitaine du nom de Dadis Camara de Guinée-Conakry laissent perplexes et constituent des arguments à charge contre les « corps habillés » comme on les appelle là-bas.

Il est possible que le slogan selon lequel les militaires doivent rester dans leurs casernes puisse trouver des échos sous certains tropiques. Mais qu’en est-il réellement quand il s’agit de pays comme le Niger, le Mali, le Burkina, la Mauritanie dont la paix civile est constamment menacée aussi bien de l’intérieur que de l’extérieur?

Ces Etats centraux sont le produit d’une balkanisation, ou issus d’un découpage géographique à mauvais escient(pour nous) et dont les budgets annuels réunis sont inférieurs aux budgets municipaux des villes comme…Paris, Baltimore ou d’Ottawa! Nos Etats sont fragiles et pour parer à l’insécurité, à l’explosion communautaire, bref à la « somalisation » qui, au passage n’est dans l’intérêt d’aucune entité sociale, il faut des pouvoirs forts, dirigés par des hommes tenaces, capables d’endiguer d’éventuels soubresauts.

La sécurité des populations et des biens est la condition préalable à tout développement économique et social. Alors entre un régime militaire stable ou un pouvoir civil sous perfusion comme c’est le cas au Mali et au Niger, il faut choisir…

Si le Mali avait la valeur de son Armée des années« 60″, l’opération Serval pilotée par la France, n’aurait peut-être pas lieu. Si un officier de la trempe d’un Seyni Kounthié était aux commandes au Niger, l’insécurité n’aurait pas élu domicile dans une partie du pays.

A leur tour les mauritaniens doivent avoir en mémoire le 8 Juin 2003, quand le pouvoir de Maawiya a vacillé. C’était le sauve-qui-peut, une insécurité totale où seuls les marginaux avaient pignon sur rue.

Une parente m’a dit au téléphone, sous les interminables coups de feu, avoir appelé un taxi pour quitter la zone des combats près du quartier Baghdad, direction Toujounine. Le taximan voulant sans doute profiter de l’occasion lui proposa de la prendre avec tous ses enfants …tenez-vous bien..à dix milles ouguiyas.Sans hésiter, elle lui répond : vingt milles si tu veux, l’essentiel est de quitter cette zone, moi saine et sauve avec mes enfants! Voyez mes chers compatriotes la sécurité, c’est comme la santé, elles n’ont pas de prix.

Le cas spécifique de la Mauritanie

De part sa position géographique, à cheval entre le Maghreb arabe et l’Afrique noire, sa diversité culturelle, l’immensité de son territoire, la Mauritanie revêt un caractère spécifique dans la sous-région.

La situation dans le nord-Mali a engendré chez nous des dégâts collatéraux. Des bandes armées sillonnent ça et là les confins de notre territoire. Or le seul rempart à toute agression extérieure est le déploiement de nos forces armées et de sécurité en guise de prévention..

Il semble aussi que l’Armée mauritanienne soit la seule institution crédible, organisée, structurée capable de dépasser le cadre traditionnel de sa mission en s’érigeant en défenseur des intérêts supérieurs de la nation. Je dirais même plus. Car le jour où l’Armée faiblit, notre tissu social sera fragilisé, abîmé, détruit. Peut-il en être autrement?

Quand on a une administration moribonde, des intellectuels oisifs, incapables d’organiser leurs propres structures bureaucratiques, constituant l’infime élément de la chaîne étatique à la base, il y a lieu de se demander à quel saint se vouer. Un avocat mauritanien très célèbre qui, d’ailleurs m’a réconforté dans ma pensée, m’a dit : « si le centre international de conférences de Nouakchott était géré par des civils, il aurait été réduit en lambeaux depuis longtemps ».

Sans verser dans le corporatisme ambiant, il est juste de dire que la situation géo-politique actuelle de la Mauritanie lui confère une lecture adéquate, plus osée, sans la prétérition à laquelle nous ont habitués nos différents milieux socio-culturels. Notre diversité culturelle, au lieu de raffermir notre socle patriotique, devient plutôt un réceptacle pour pêcheurs en eaux troubles.

Certes tout n’est pas parfait comme au paradis, mais il faut se dire aussi que rien ne se construit sans le minimum de sécurité à l’intérieur et à l’extérieur de nos frontières. Aujourd’hui l’Armée mauritanienne est, me semble-t-il en mesure avec son expérience acquise sur le terrain, son professionnalisme, de défaire les défis velléitaires, de rassurer de par sa présence effective un peuple qui n’aspire qu’à la paix, la justice et l’épanouissement au plan économique. Et cela risque de durer encore un demi siècle, au vu de la carte politique, géo-politique, économique et sociale.

Ely Ould Krombele

Source : Ely Krombele

Source: http://adrar-info.net

Mercredi 22 Octobre 2014
Boolumbal Boolumbal
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