Assemblée générale constitutive de la section française de l’Association des Ressortissants Mauritaniens en Europe.



Assemblée générale constitutive de la section française de l’Association des Ressortissants Mauritaniens en Europe.
Monsieur le représentant de Madame l’ambassadrice,
Mesdames, Messieurs les invités,
Mesdames, Messieurs les représentants d’associations,
Chers compatriotes,

C’est pour nous un grand honneur de vous accueillir aujourd’hui au nom de toute la communauté mauritanienne d’Europe, au nom de l’Association des Ressortissants Mauritaniens en Europe et en mon nom personnel.

Le REME, n’est pas une réponse à un manque d’initiative de nos concitoyens, ni une réaction à un manque de volonté politique de nos pouvoirs, mais une simple contribution à un devenir meilleur des relations entre l’Etat mauritanien et les mauritaniens de l’extérieur, une contribution à une meilleure intégration de la participation des mauritaniens de l’extérieur au développement socioéconomique de notre chère Mauritanie.



Le REME se veut une organisation fédératrice de nos forces dispersées, dans la reconnaissance et le respect de toutes et de tous. Le REME fera de son mieux pour le réveil de nos possibilités et de nos capacités intellectuelles inconnues et jusque là insuffisamment ou mal exploitées au profit de notre propre développement, et de celui de notre pays, de notre insertion et intégration dans nos pays d’accueil.

L’émigration, ce n’est pas seulement la recherche d’une meilleure vie sous d’autres cieux, mais c’est aussi une déchirure sociale et culturelle, une souffrance psychologique et physique, et surtout la quête d’une meilleure contribution au bien être des siens restés au pays.

L’émigration du mauritanien, comme toute émigration, est avant tout un projet. Mais la singularité de ce projet réside dans le fait qu’il n’est pas fondamentalement et particulièrement défini et guidé par une simple envie d’accumulation de richesses, ou par une quelconque finalité particulariste, mais par une valeur hautement humaine et humaniste qu’est la solidarité. La solidarité dans le partage et l’envie d’aider les autres, la solidarité dans l’impérieuse nécessité d’assurer ou de contribuer au bonheur des siens.

La solidarité de chez nous n’est pas une posture politique de gauche, mais une culture et une exigence sociale innée et héritée de nos ancêtres et de nos valeurs morales et religieuses. Elle coule dans nos veines comme le sang, elle est à la base, au début et à la fin de toutes nos entreprises et de notre raison de vivre. Elle n’est pas une composante de notre contrat social, mais le fondement de ce contrat social. Elle régule notre vie sociale et sociétale.

Elle canalise et gère nos relations interpersonnelles et de groupes. L’émigré mauritanien, ce n’est pas celui-là qui est parti pour soi, il est parti pour tous, à la recherche de biens pour tous, et doit tout ramener pour tous.

Il doit ramener pour sa famille, pour sa parentèle, pour ses proches, ses amis, son village et son pays. Dans ce sens et dans cette optique, mettre l’émigré mauritanien dans les conditions maximales de bien être et de droit, pour s’assurer de ses prédispositions à une participation efficace et efficiente à notre développement commun, devient une exigence éminemment politique.

S’assurer de son intégration effective dans le pays d’accueil, l’assister dans ses démarches administratives et sociales dans le pays d’accueil, faciliter ses relations avec son pays d’origine, ses services consulaires et diplomatiques, faciliter l’octroi des pièces administratives et d’état civil par leur mise à disposition au niveau des services consulaires, appuyer et aider nos jeunes étudiants qui arrivent souvent à l’âge d’adolescence, désorientés, dépourvus de moyens financiers, et quelques fois sans aucune connaissance ni relation dans le milieu autre que les administrations des universités, sont un minimum de conditions dont tout un chacun d’entre nous, tout pouvoir public, doit mettre au cœur de ses préoccupations.

Si la reconnaissance de l’effectivité de la participation des mauritaniens de l’étranger au développement du pays va de soi, il faut reconnaître que pour son efficacité et son efficience, des mesures d’accompagnement par une politique adaptée et courageuse sont plus que nécessaires. Le mauritanien de l’étranger est souvent le seul et unique soutient de sa famille élargie.

A travers les associations villageoises, il participe au développement des infrastructures scolaires, sanitaires et autres de sa localité d’origine. Par ses investissements, il contribue au développement du logement moderne dans notre pays, soutient les activités agricoles de ses proches et des fois finance de petits projets générateurs de revenus pour sa fratrie.

Dans les années soixante à soixante-dix, les investissements de prestige, comme les mosquées à tout va, avouons le, avaient retardé le décollage de la véritable participation des émigrés au processus de développement de notre pays. Aujourd’hui, les réalités et les mentalités ont évolué. Le mauritanien de l’extérieur a pris conscience des vrais préoccupations sociales et de son rôle dans le développement. Mais le chemin est parsemé d’embûches. Et au-delà de sa participation au développement des infrastructures, l’émigré peut bien et doit être un véritable acteur de l’industrialisation, de la modernisation et du développement des services, du développement agricole et des actions humanitaires.

Selon la Banque Mondiale, dans les pays en voie de développement, la participation des émigrés au développement vient en deuxième position après les investissements directs étrangers et avant l’aide extérieure au développement. Rien qu’en 2007, les transferts de fonds des émigrés vers les PVD ont atteint 150 Milliards de dollars, contre 165 Milliards d’investissement étrangers directs, et seulement 79 milliards de dollars d’aide au développement. Le premier pays au monde à tirer profit de la manne financière provenant de ses immigrés, est tout simplement la première puissance mondiale, les Etats-Unis d’Amérique.

Comment comprendre alors que dans la majorité de ces pays en développement, des dizaines de fonctionnaires soient payés pour s’occuper de l’aide publique, alors que pas un politique ne se soucie du sort de la contribution de ses expatriés au développement national. Et pourtant chaque année cette contribution croit de manière exponentielle : en 1990, rien que pour l’Afrique subsaharienne, les transferts de fonds ont représenté 9 milliards de dollars, pour atteindre 14 milliards de dollars en 2003.

Si le rythme se maintient, on serait à environs 22 milliards de dollars aujourd’hui, sachant que les transferts hors circuits officiels ne sont pas comptabilisés. Ces transferts représentent 30 à 40% du PIB du Lesotho. Dans les années 90, ils comblaient 80% du déficit de la balance des paiements du Botswana.

Pour la majeure partie de ces pays en voie de développement, le constat est presque partout le même : manque de politique ciblée et efficace pour favoriser les transferts de fonds et les investissements des émigrés, les banques n’existent que dans le milieu urbain, le monde rural, principal bénéficiaire des transferts ne dépend que du secteur informel, la corruption qui décourage plus d’un, les conflits internes et les guerres qui réduisent drastiquement ces mêmes investissements et les transferts de fonds. Lors du conflit ivoirien, le Burkina Faso a vu les transferts de fonds de ses émigrés chuter de presque les 2/3.

De 187 millions de dollars en 1988, ils sont passés à 67 millions de dollars en 1989, et à seulement 50 millions en 2003. On comprend ainsi aisément l’engagement du Président Blaise Compaoré en faveur du règlement de ce conflit ivoirien. Pour la Mauritanie , nous n’avons pas de statistiques, mais que dire des conséquences du conflit de 1989 et de son corollaire que sont les déportations ? Combien de réfugiés, combien d’exilés qui ne veulent plus entendre parler du pays, combien d’anciens expatriés qui ne veulent plus y investir ?

Un pays à la limite de la pauvreté, un pays dont le marché intérieur ne peut même pas assurer la survie d’une petite usine de bonbons ou d’allumettes, ce pays là a-t-il le droit de se permettre de tels conflits ? C’est pourquoi notre tâche et celle des autorités actuelles deviennent plus qu’ardues. Il s’agira avant tout de reconquérir les cœurs de ceux qui ne veulent plus revenir, de ceux qui ne veulent plus y investir, qui veulent pousser les leurs qui y sont restés à partir, de ceux et celles qui ne veulent plus entendre parler de Mauritanie.

C’est d’un contrat de confiance qu’il s’agit. Il s’agira pour les pouvoirs publics de mener une politique audacieuse de discrimination positive en faveur des mauritaniens de l’extérieur : en matière fiscale, en matière de facilités dans les transferts de fonds, en matière douanière ou encore en matière d’acquisition de terrains à usage d’habitation, à usage agricole ou industriel.

Il s’agira de lutter contre la corruption et la gabegie qui touchent de plein fouet les mauritaniens de l’extérieur, très souvent victimes des arnaques et autres maltraitances au niveau des aéroports, des ports et des autres points de passages aux frontières. Nous sommes sûrs que le contexte politique actuel le permet. C’est pourquoi le REME est plus qu’optimiste en la matière. Et c’est pourquoi, nous vous invitons, chers compatriotes, à adhérer massivement et à vous investir pour ce noble combat.

Certains pays ont pourtant initié des politiques pour favoriser les transferts de fonds : la Banque de l’habitat du Sénégal, la Banque de l’Habitat du Mali, et la Banque des ivoiriens de France accordent des avantages. Ces banques ont ainsi effectué en moyenne 400 transferts par jour en 2007.

L’Ouganda autorise des comptes en devises étrangères. Le Brésil, le Mexique et les Philippines ont cherché à canaliser les transferts dans des comptes d’épargne et des investissements locaux. Ils ont aussi mis en place des plans d’épargne retraite pour les émigrés, et accordent des prêts à des taux préférentiels et des aides à des entreprises créées grâce à des transferts de fonds. La Commission mondiale sur les migrations créée en 2003 par Koffi Annan et certains pays dont l’Afrique du Sud cherche à inciter les pays à améliorer les effets positifs des transferts de fonds.

Des chercheurs américains ont trouvé que les frais sur les transferts de fonds étaient trop chers et représentaient pas moins de 12% des sommes globales, soient 10 à 15 milliards de dollars par an issus des sommes transférées vers les PVD. Selon le Royaume Uni, les transferts ne font très souvent que gonfler les poches des intermédiaires. En 2005, 18 banques et centres de transferts prélevaient à eux seuls 40% des sommes envoyées. Seulement, plus des 2/3 des pays africains ne publient aucune donnée sur les transferts de fonds.

La Mauritanie ne doit pas rester à la traine du développement. Pour cela il faudrait :

• Elaborer des politiques cohérentes de migration et de développement en les intégrant au programme de développement économique national

• Le programme de lutte contre la pauvreté doit désormais inclure la dimension migration en imitant des pays comme le Sénégal ou le Cap Vert qui cherchent à promouvoir les transferts et les investissements des émigrés

• Adapter les politiques de certains départements ministériels aux préoccupations des migrants

• Reconnaître les associations de migrants comme associations de solidarité internationale à part entière et partenaires du développement

• Mettre en place un Haut Conseil des Mauritaniens de l’Extérieur qui sera le véritable interface entre les pouvoirs publics et les mauritaniens de l’extérieur

• Faciliter la mobilisation des compétences au sein des associations, par exemple en aidant et accompagnant les associations villageoises sans personnes ressources dans la recherche de financement, le montage et le suivi des projets.

• Former les migrants sur les techniques d’investissement

• Lutter contre la corruption qui empêche même les professionnels d’investir

• Développer la liberté d’entreprise et l’esprit entrepreneurial

• Démocratiser le système

Malgré le vote de la loi sur la double nationalité que nous saluons, les difficultés dans l’acquisition des papiers d’état-civil et de leur mise à disposition dans les services consulaires continuera à pousser les mauritaniens de l’extérieur vers l’acquisition d’autres nationalités et à les détourner des actions de développement de leur pays d’origine. Aujourd’hui, un premier passeport et une première carte d’identité nationale ne peuvent pas être acquis en Europe. Le demandeur devra obligatoirement se rendre en Mauritanie s’il tient à satisfaire sa demande. Ce n’est pas à tout moment que tout un chacun a les moyens de financer le déplacement de son enfant majeur au pays pour y acquérir ses papiers d’état civil.

L’état mauritanien a engagé le processus de retour des réfugiés que tout le pays attendait depuis des années. Nous soutenons fermement cette politique. Mais nous rappelons aussi que le retour ne peut pas être que physique, il peut être un simple retour dans ses droits, un retour du déporté dans sa nationalité que la dictature lui avait retirée. Pour cela, la création des possibilités dans les services consulaires est plus que nécessaire.

Aujourd’hui, pour des problèmes liés à l’acquisition des passeports, des mauritaniens réfugiés sont obligés d’emprunter des compagnies sénégalaises, marocaines ou tunisiennes pour se rendre en Afrique. C’est de l’argent perdu pour la compagnie mauritanienne des transports aériens. Alors qu’il aurait fallu permettre l’acquisition des passeports dans les services consulaires, pour que beaucoup renoncent à leur statut de réfugié et retrouvent leur citoyenneté avec tout ce que cela implique comme avantages pour eux, pour leurs familles et pour la Mauritanie toute entière.

En matière politique, les mauritaniens de l’extérieur doivent pouvoir choisir librement leurs représentants dans les instances électives tels que le sénat et l’assemblée nationale, ou même au sein du conseil économique et social.

L’émigré, c’est aussi un outil et un moyen pour le rayonnement culturel et social de la Mauritanie. Dans nos pays d’accueil et grâce aux moyens de communications modernes dont nous disposons, nous pouvons et nous devons participer au rayonnement culturel et diplomatique de notre pays, à le faire connaître et à défendre son image au près de nos populations d’accueil, au près des investisseurs et des associations de développement international. Nous pouvons organiser des journées culturelles, des expositions culturelles, des journées d’échanges, ou encore participer activement aux célébrations de nos fêtes nationales.

Chers compatriotes, chers invités, c’est pour la défense des exigences ci-dessus énoncées parmi tant d’autres que vous ne manquerez pas de souligner, que nous avons appelé à la mise en place de notre association REME. Depuis le 19 juin 2010, un bureau qui se veut provisoire a été mis en place à Bruxelles. C’est ici l’occasion de saluer le dynamisme de nos compatriotes de Belgique et de Hollande qui sont les véritables promoteurs de ce projet. Ils y ont travaillé pendant presque deux années.

Il faut aussi saluer la disponibilité de nos ambassadeurs à Bruxelles et en France qui nous ont encouragés dans la réalisation de cette noble ambition. Nous sommes sûrs qu’à travers eux, nous trouverons des interlocuteurs et des partenaires attentifs à nos préoccupations. Nous sommes sûrs qu’à travers eux, c’est la disponibilité du gouvernement mauritanien et du chef de l’état qui s’exprime pour un dialogue franc et sincère avec toutes les filles et tous les fils du pays éparpillés un peu partout à travers le monde, et ceci pour l’intérêt unique de notre chère Mauritanie.

Aujourd’hui, nous vous appelons chers compatriotes ici présents, à la mise en place de la section REME de France, et à l’installation de ses instances provisoires. Les instances doivent rester provisoires, parce que la première des tâches, c’est d’abord la démocratisation de notre association, en faisant tout, pour au moins durant les deux prochaines années, arriver à toucher tout mauritanien vivant en France et en Europe, toute association de mauritaniens en Europe, pour les appeler à nous rejoindre et à travailler avec nous la main dans la main.

Sur ce, je vous remercie et vous prie d’agréer mes sincères remerciements.

Amadou Alpha Bâ

Président de REME

Paris, le 25 septembre 2010

yaaliba@yahoo.fr




Source :
Amadou Alpha

Mercredi 29 Septembre 2010
Boolumbal Boolumbal
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