Aminetou Mint El Moctar : L’interminable refus de l’injustice et des inégalités



Aminetou Mint El Moctar, présidente de l’Association mauritanienne des femmes chefs de famille (AFCF) est candidate au Nobel de la paix 2015. Le combat de cette militantes des droits humains acommencé depuis son enfance.

En 1971, Aminétou Mint El Moctar est exclue de l’école Khayar de Nouakchott pour son appartenance au mouvement Kadihine (communiste). Elle était en CM2. Elle avait treize ans. 35 ans après, en 2006, à Paris, elle reçoit des mains du ministre français de la justice le prix des droits de l’Homme de République française.

Une distinction couronnant l’action de l’AFCF (association mauritanienne de femmes chefs de familles) dont elle est présidente. De l’école fondamentale à la présidence de l’AFCF, la vie de Aminetou est un interminable refus de l’injustice et des inégalités.

« Je me suis toujours rebellée contre l’injustice, contre les traditions qui freinent le progrès. J’étais sure que la Mauritanie ne pouvait avancer sans l’unité et l’égalité de tous ses fils. » déclaré Aminetou. Cette phobie des inégalités et de la discrimination dans une société conservatrice n’a pas été comprise par les parents de Aminetou. « Mon père me battait à cause de mes principes » Dit-elle.

Une année après son renvoi, Aminetou reprend les études. En deuxième année au collège de jeunes filles de Nouakchott, elle est de nouveau exclue pour raison de grève en 1972. Elle entre par la suite à l’ENFACOS pour suivre une formation d’assistante sociale.

En 1977, Aminetou déléguée des grévistes, est renvoyée de l’ENFACOS. Elle se pressente ensuite à un concours direct de recrutement d’enseignants. Elle réussit mais l’Administration lui ferme la porte des classes. Toutes les portes du service public étant fermées, elle s’oriente vers les établissements privés.

En 1983, elle revient du Maroc avec un diplôme de comptabilité gestion. Animée d’une soif permanente d’en savoir plus, Aminetou s’envole pour l’Italie. Elle y complète ses études en gestion.

En 1988, elle décroche un poste de contrôleur à la SOMASSERT (une filière de la SNIM) à Nouadhibou. En 1992, elle est virée de la SOMASSERT. Raison : son refus de faire la campagne du PRDS, parti au pouvoir. Elle avait choisi le camp DE l’opposition.

Amnetou était membre fondateur de l’UFD opposé au régime de Ould Taya. Après l’éclatement de l’UFD, elle a fait partie du bureau exécutif de l’UFP, un autre parti de l’opposition. Très présente dans la société civile, elle a fini par geler toutes ses activités politiques.

Quand on demande à Aminetou la raison de son engagement pour les droits humains, elle répond « j’ai été témoin des massacres à Nouadhibou, témoin de l’injustice. J’ai vu les déportations. En 89, j’ai hébergé dans les quatre pièces de mon domicile des négro-africains pourchassés. J’ai soigné des blessés à l’hôpital Khayran de Nouadhibou. J’ai vu le sang qui coulait partout.

J’ai été traumatisée par cette violence. Pendant deux ans, j’ai dormi sous tranquillisants. » Le combat de Aminetou ne s’est pas arrêté à l’hébergement des innocentes victimes de la folie meurtrière. Elle s’est engagée au coté des veuves, orphelins et autres victimes de la répression dans un comité de solidarité.

Elle est membre de SOS esclave (une ONG qui lutte contre les pratiques esclavagistes en Mauritanie). Aminetou, membre du FONADH et de plusieurs réseaux de la société civile africaine, ne rate pas une occasion pour plaider la cause des femmes, des enfants, des veuves et de toutes les victimes de violations des droits humains.

L’Association mauritanienne des Femmes Chefs de famille (AFCF) compte des centaines de membres. La femme chef de famille, c’est celle qui prend entièrement en charge sa famille, qui fait office de père et de mère, celle qui est la principale source de revenue. Elle est souvent divorcée, veuve, mariée à un handicapé indigent.

La femme chef de famille, selon Aminetou Mint El Mocatar, c’est celle qui assure l’éducation, la santé et l’alimentation de sa famille sans la contribution d’un mari. L’objectif de l’AFCF est de défendre ces femmes et leurs enfants. Ses membres ne sont pas forcément chefs de familles. La présidente de l’AFCF, elle, est responsable de sa famille et de ses quatre enfants.

Les femmes chefs de familles sont d’abord des victimes. Victimes des répudiations, de la violence, de la méconnaissance de leurs droits, des juges traditionnels pour qui elles ont toujours tort.

L’objectif de l’AFCF est d’orienter ces femmes, de les former, les sensibiliser sur leurs droits pour que devant les juges traditionnels elles aient des arguments autres que les coutumes moyenâgeuses qui ne leur permettent pas de hausser le ton devant les hommes.

Dire le contraire de ce que dit le mari ne signifie pas militer pour les divorces. « L’AFCF cherche la stabilité du foyer dans le respect des droits de la femmes ». Comme tous les droits fondamentaux se recoupent et se complètent, l’AFCF aide les femmes à lire et écrire, à gérer leurs activités et les sensibilise sur les garanties offertes par le Code du Statut Personnel (CSP).

L’association a ouvert un centre de formation à Kaédi. 160 femmes y ont été formées en couture, teinture et autres métiers. Elle a ouvert également des ateliers de couture à Nouadhibou et Atar. Partout, elle s’engage auprès des femmes. Avant de tisser un réseau de partenariat étoffé, elle a d’abord fait ses preuves sur le terrain.

L’efficacité de la société civile, pour Aminetou Mint El Mocatr, ce sont les convictions avant les moyens. Elle ne cesse de dire : « c’est quand les gens nous trouvent sur le terrain qu’ils nous contactent. J’ai horreur de demander de l’aide. Nous comptons d’abord sur nous même. La société civile a un rôle important à jouer dans le développement. Elle ne doit pas être une société civile main tendue. »

Khalilou Diagana


Source : Le Quotidien de Nouakchott via cridem.org

Mercredi 7 Octobre 2015
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