Projet de loi autorisant la double nationalité : Réactions des mauritaniens de l’étranger



Projet de loi autorisant la double nationalité : Réactions des mauritaniens de l’étranger
L’assemblée nationale dans sa session du vendredi 25 décembre a adopté, entre autres, l’article 31 (nouveau) du code de la nationalité qui dispose «: qu’un mauritanien, même majeur, ayant une nationalité étrangère, peut être autorisé sur demande à garder la Nationalité mauritanienne.» Cette disposition qui permet aux citoyens mauritaniens d’être titulaire de la double nationalité, n’a suscité quasiment aucune réaction à l’intérieur. Les mauritaniens résidant à l’étranger, eux, ont accueilli la nouvelle favorablement, avec cependant quelques réserves.

Mohamed Baba Ould Saïd : Un début de réponse…


Mohamed Baba Ould Saïd est maître de conférence et chercheur à l'Ecole
Supérieure de Chimie de Clermont. Ferrand dans le sud de la France où il vit depuis plusieurs années. Il est également l’auteur de « Bilal », un roman ; qui traite, entre autres, de la pratique de la torture en Mauritanie.
Le projet de loi que le Gouvernement vient de faire adopter par l'Assemblée Nationale fait tomber un formidable tabou que d'aucuns pensaient absolument inamovible, c'est celui de la possibilité d'avoir la double nationalité pour les Mauritaniens. Le redoutable article "30" était sans appel. Il stipulait que « Perd la nationalité mauritanienne, le Mauritanien majeur qui acquiert volontairement une nationalité étrangère ». Il est maintenant atténué par l’article "31" qui précise que « Un Mauritanien, même majeur, ayant une nationalité étrangère, peut être autorisé sur demande à garder la Nationalité mauritanienne. Cette autorisation est accordée par décret. »
Par ailleurs, l'article "8" apporte un début de réponse à la revendication des Mauritaniens de l'Etranger qui voyaient leurs enfants se faire déposséder de leur nationalité d’origine par la suite de l’acquisition, par droit du sol, de celle de leur pays d'accueil. Cet article "nouveau" précise, dans l’un de ses alinéas que « Peut également opter pour la Nationalité mauritanienne dans l’année précédant sa majorité, l’enfant né à l’étranger de parents mauritaniens. »
Il est indéniable que le législateur, en adoptant cette loi, a dépoussiéré le vieux code de la nationalité mauritanienne en le débarrassant des stigmates des conditions de son élaboration qui remonte à 1961. A ce moment là, l'idée était de pousser les Mauritaniens à choisir leur camp en renonçant à toute allégeance à des puissances voisines qui plus est ne cachaient pas leurs velléités expansionnistes.
Aujourd'hui, les Mauritaniens ont essaimé de par le monde. Par choix ou par nécessité, ils sont installés dans nombre de pays où ils ont pris racines. Pour autant, ils tiennent à rester mauritaniens, à rentrer dans leur pays sans devoir prendre un visa et à y résider sans être obligés de prendre une carte de séjour. Pour ceux d’entre eux qui se sont mariés avec des autochtones, il n’est pas normal que leurs enfants soient obligés de choisir entre la nationalité de leur père et celle de leur mère.
Cette modification du code de la nationalité apporte un début de réponse à ces aberrations. Il reste que l’autorisation doit être accordée par décret. Décret de qui ? Comment ? Quelles démarches ? Quels recours en cas de refus ? Ce sont là des questions auxquelles le décret d’application de la loi doit répondre. Sans ce décret d’application, la loi restera lettre morte.
Si les Mauritaniens de l’Etranger semblent tirer leur épingle du jeu par cette loi, les Etrangers de Mauritanie ne pourront dire autant. Deux articles qui instituaient ce qui ressemblait à un droit du sol de deuxième génération ont été purement et simplement abrogés. Il s’agit des articles « 9 » (Est mauritanien: 1-L’enfant né en Mauritanie d’un père qui y est lui-même né ; 2- L’enfant né en Mauritanie d’une mère qui y est elle-même née, sauf la faculté de répudier cette qualité dans l’année précédant sa majorité. » et « 13 alinéa 2» (- L’enfant né en Mauritanie de parents étrangers, s’il réside en Mauritanie depuis cinq ans au moins). Par ailleurs, de nombreuses voix, parmi les Parlementaires, réclament la plus grande sévérité dans l’attribution des documents de l’état civil. Certaines demandent la révision des décisions d’octroi de la nationalité mauritanienne opérées ces vingt dernières années avec application rétrospective de la présente loi. Pour ces législateurs le bouc émissaire est vite trouvé. C’est l’Etranger. Une situation que les Mauritaniens de l’Etranger ne connaissent que trop et trop souvent.
D’autre part est reconduite dans cette loi la consécration de l’archaïque et honteuse inégalité entre les hommes et les femmes de Mauritanie. Ainsi, la nationalité mauritanienne est automatiquement transmise par le père. La transmission par la mère demeure plus compliquée ! Au lieu d’énoncer que « est mauritanien l’enfant né d’un père mauritanien ou d’une mère mauritanienne », l’article 8 de la présente loi stipule : « Est mauritanien : 1-l’enfant né d’un père mauritanien ; 2-l’enfant né d’une mère mauritanienne et d’un père sans nationalité, ou de nationalité inconnue ; 3-l’enfant né en Mauritanie d’une mère mauritanienne et d’un père de nationalité étrangère, sauf la faculté de répudier cette qualité dans l’année qui précède sa majorité. ».
Le mari mauritanien ouvre la voie de la nationalité mauritanienne à son épouse étrangère. Ce signe de reconnaissance et d’hospitalité envoyée à l’étrangère qui se lie à un Mauritanien est refusé, par le législateur, à l’étranger qui épouse une Mauritanienne (article 16). La communauté peut être agrandie par l’apport du Mauritanien mais pas par celui de la Mauritanienne, semble dire le législateur !
Un tabou est désormais tombé. Sans s’en cacher, sans falsifier ses documents de voyage ou quémander un visa pour visiter sa vielle mère ou son vieux père resté au pays, le Mauritanien de la Diaspora pourra bientôt obtenir la double nationalité. Il sera mauritanien quand il sera en Mauritanie, citoyen de son deuxième pays quand il y séjournera et les deux à la fois dans un tiers territoire. J’en connais, au moins, un qui avalera son chapeau à la lecture de cette loi, le soit disant magistrat, Directeur des affaires civiles et du sceau au ministère de la justice Mohamed Abderrahmane Ould Mohamed Lemine, qui déclarait, sans une certaine jubilation, que « le législateur a considéré la double nationalité comme plus dangereuse même de, l'atteinte aux intérêts de l'Etat ou à sa sécurité » (interview à l’AMI, Mars 2008).

Mohamed Baba
Professeur



Organisation contre les violations des Droits Humains en Mauritanie (OCVIDH): Fin d’une absurdité

L’OCVIDH a appris avec satisfaction la nouvelle de l’adoption par le législateur de la règle de la double nationalité. Une vieille revendication de l’opposition et des organisations de défense des Droits Humains, voit enfin le jour. Elle met fin à l’absurdité d’une autre loi qui ne reconnaissait pas à des citoyens vivant ailleurs pour des raisons allant de l’exil à la recherche de moyens de subsistance, leur droit inaliénable à être et à demeurer mauritaniens. Il est donc heureux qu’en cette fin 2009, le gouvernement du Président Mohamed Ould Abdel Aziz ait proposé un projet de loi, approuvé par l’assemblée nationale, pour mettre fin à une situation d’hypocrisie et de mise en marge de citoyens vivant à l’étranger et ayant épousé des nationalités de pays de résidence.
Elle salue la mesure qui intervient après le droit de vote des mauritaniens de l’extérieur.
Elle engage le gouvernement à continuer sur la voie résolue des réformes vitales à notre pays, à savoir le règlement du Passif Humanitaire dans toutes ses dimensions, la moralisation de la gestion des deniers publics, le droit à la citoyenneté pleine et entière, parmi d’autres menant à une Mauritanie égalitaire et plurielle, juste et unie.

Abdoul Aziz SOUMARE,
Président de l'OCVIDH



Association d'aides aux veuves et aux orphelins de Mauritanie (AVOMM): Entière satisfaction

L’AVOMM) a été créée le 25 décembre 1995 en France par d' ex- militaires mauritaniens rescapés de la répression du régime de Ould Taya.
Déjà lors des journées nationales de concertation tenues à Nouakchott les 20, 21 et 22 novembre 2007, l'AVOMM avait demandé, entre autres, la prise en charge de toutes les victimes par l’abrogation de la Loi interdisant la double nationalité.

Aujourd’hui, nous ne pouvons qu’exprimer notre entière satisfaction pour la Loi qui vient d’être votée par l'Assemblée Nationale dans ce sens et qui va rétablir des milliers de Mauritaniens dans leurs droits de citoyens à part entière.

Cette Loi est d’abord le fruit d’une volonté politique que nous avions perçue chez le Président de la République, Mohamed Ould Abdel Aziz, lors des rencontres que nous avions eues avec lui. Elle s’inscrit dans le cadre d’une série de mesures prises en faveur des Mauritaniens et qui dénote une approche plus globale du règlement du passif humanitaire.

Pour nous, c’est l’occasion d’exprimer ici nos encouragements au Président Mohamed Ould Abdel Aziz et de l’inviter à continuer son action pour le règlement définitif du passif humanitaire.

Le Président
Ousmane Abdoul Sarr


La Section de l'AJD/MR de Belgique : Accueil favorable


La Section de l'AJD/MR de Belgique accueille favorablement de la décision des autorités mauritaniennes d'abroger la loi relative à la double nationalité de nos compatriotes expatriés; ce nouveau code de nationalité permettra aux ressortissants mauritaniens de mieux s'impliquer dans la vie publique de la mauritanie. Notre pays a plus que jamais besoin de ses fils détenteurs de compétences diverses. La Section Belge de l'AJD/MR appelle le gouvernement à s'associer avec les mauritaniens de l'extérieur afin de leur permettre d'investir et créer des PME dans notre pays.
Le combat contre la gabegie, un des maux dont souffre la Mauritanie, le champs démocratique mauritanien à labourer pour faire table rase de la politique de clientélisme, la solution définitive du passif humanitaire, le courage de la discrimination positive envers les communautés opprimées, une vraie politique de la ville, un investissement important dans le milieu rural afin de contrecarrer l'exode rural, une éducation cohérente etc. reste dans un état de léthargie.

Thiam Aboubackry
Président de la Section AJD/MR de Belgique


Toka Diagana : Avancée significative mais…

Toka Diagana, prix Chinguitt 2006, a été récemment élu à l’Académie africaine des sciences. Il est professeur de mathématique à Howard University (Washington) où il réside depuis plusieurs années.

"J'ai longtemps milité pour que le principe de la double nationalité soit une réalité en Mauritanie. Pour cela, j'ai notamment milité avec quelques amis au sein de l'ACREME (Appel Citoyen pour la Reconnaissance des Mauritaniens de l'Etranger). Bien que l'adoption de cette nouvelle loi soit en elle même une avancée significative dans la bonne direction; son applicabilité pourrait engendrer de nouvelles difficultés en ce sens qu'elle requiert une contrainte, c'est a dire une autorisation par décret. Je suis partisan d'une double nationalité pleine et entière et sans contrainte aucune."

Réactions recueillies par Khalilou Diagana


Source: Quotidien Nouakchott

Mercredi 30 Décembre 2009
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