Pouvoir: Vers une redistribution des cartes



Pouvoir: Vers une redistribution des cartes
En ce début de l’année 2010, qui coïncide avec la clôture de la session budgétaire du parlement, les supputations relatives à la formation d’un nouveau gouvernement vont bon train. Partant d’un passage de la Déclaration de Politique Générale du premier Ministre, Moulaye Ould Mohamed Laghdaf, invitant l’opposition à «une rupture avec la logique de confrontation», les observateurs les plus téméraires entrevoient là une «opportunité» de collaboration entre toute la classe politique voire une possible entrée d’une partie de l’opposition dans une prochaine équipe gouvernementale.
Le spectre de la menace terroriste et la volonté de lui faire face serait derrière cette nouvelle approche qui consiste à unir le front intérieur afin de pouvoir s’opposer efficacement au danger extérieur…

Pour justifier leur prévision optimiste, les tenants de cette thèse évoquent quelques
«recommandations», toutes amicales, de l’Union Européennes (UE), qui se prépare à reprendre sa coopération pleine et entière avec la Mauritanie, après l’intermède du coup d’état du 6 août 2008 et la crise politique et institutionnelle qui s’en est suivie.
Sans aller aussi loin, de nombreux autres observateurs s’accordent sur la nécessité d’une certaine redistribution des cartes et un replacement des pieds, mais uniquement au sein du cercle de l’actuelle majorité, donc sans ouverture vers l’opposition. Thèse tout à fait facile à comprendre vu la position qui a toujours été celle du président Mohamed Ould Abdel Aziz, vainqueur, tout seul, du scrutin du 18 juillet 2009 et ne tenant nullement à partager sa victoire. Surtout pas avec ses adversaires qui feignent d’ignorer royalement son nouveau statut de président élu et continuent de mettre en doute son ‘‘éclatante’’ victoire réalisée dès le premier tour.
Le Mouvement Pour la Refondation (MPR) de Kane Hamidou Baba, un transfuge du Rassemblement des Forces Démocratiques (RFD), vient d’annoncer officiellement son ancrage au sein de la majorité soutenant l’action du président de la République.
Une décision prise le samedi 9 janvier par le Comité Exécutif Provisoire (CEP) de la formation et dont la justification réside dans l’importance de la réalisation des engagements et chantiers du président Mohamed Ould Abdel Aziz. Même constat chez HATEM, le parti de Saleh Ould Hanenna, qui, à l’issue d’une réunion récente de ses instances dirigeantes, a déclaré, lui aussi, son encrage dans la majorité et sous soutien au programme de Aziz.
En dehors de ce ralliement, annoncé au grand jour, de certains partis politiques et de personnalités issues de l’opposition, mais qui n’étaient pas, dans tous les cas, comptabilisés comme faisant partie de la mouvance de celle-ci, on note une activité politique intense.
Ainsi, au cours des derniers jours, Mohamed Ould Abdel Aziz a reçu de nombreux élus et cadres du Pacte National pour la Démocratie et le Développement (PNDD-ADIL). Parmi ces personnalités, une figure marquante de la classe politique tout au long des années Taya, qui a fait ses premiers pas dans les milieux syndicaux. Il s’agit de Bodiel Ould Houmeid, plusieurs fois ministre, ancien DG de la Caisse Nationale d’Assurance Maladie (CNAM), une forte personnalité qui s’est illustrée dans le combat du défunt Front National pour la Défense de la Démocratie (FNDD) et le rejet du changement anticonstitutionnel d’août 2008. Celui-ci serait devenu, brusquement, très attentif aux thèses de Aziz et pourrait bien changer d’approche à l’égard du président qui serait déjà tenté de lui faire jouer un rôle dans sa formation politique actuelle, ADIL.
Reste alors à savoir la teneur des discussions entre le président Mohamed Ould Abdel Aziz avec ces différents élus et personnalités qui ne sont pas, jusqu’ici, comptabilisés dans son propre camp politique.
En fait, au cours des différentes audiences, il n’a pas été question d’un débat sur les options politiques entre majorité et opposition. La quintessence des propos, tenus lors de ces rencontres, renvoie à la position et aux dispositions particulières de chacun vis-à-vis du pouvoir, indépendamment du parti politique dont il se réclame.
Le président de la République est fort d’une certitude, le personnel politique du PNDD-ADIL est dans son écrasante majorité constitué par des cadres ayant longtemps vécu au crochet et sur le dos de l’Etat. Des individus, le cas échéant, qui ne pouvent pas supporter trop longtemps les privations et la galère que suppose un militantisme de longue durée au sein de l’opposition.
D’où la possibilité et même l’opportunité de les attirer individuellement au sein de la nouvelle majorité sans contre partie sur le plan politique. En d’autres termes, éviter autant que faire se peut, de faire des concessions politiques ‘‘onéreuses’’et procéder seulement à exfiltrer les individus.

Vieille méthode

Une telle stratégie rappelle évidemment les vieilles recettes du Parti Républicain Démocratique et Social (PRDS) sous le règne de Maaouya Ould Sid’Ahmed Taya.
Une méthode qui a fait ses preuves en provoquant de nombreuses défections dans les rangs de l’opposition d’alors. Des démissions suivies inévitablement de ralliements au camp adverse.
Une entreprise dont la réussite signifie tout simplement le retour de la transhumance, qui ne ferait nullement avancer le débat politique, laissant en suspens les grandes questions de l’heure.
En somme, tous les défis politiques, sécuritaires, économiques et sociaux auxquels la Mauritanie se trouve confrontée, à l’orée de cette année 2010.
Résultat tout à fait logique, compte tenu du caractère de la transhumance politique, démarche totalement aux antipodes des valeurs républicaines. Et qui ne mène nulle part. Au moment de sa chute, le président Ould Taya bénéficiait, théoriquement, du soutien de tout ce qui compte dans le pays. Pourtant, personne parmi ce beau monde n’a levé le petit doigt pour protester contre le putsch qui l’avait renversé. C’est dire que le soutien ‘‘accordé’’ à celui qui est au pouvoir est généralement très fragile et ne va pas au-delà de la realpolitik dictée par une longue pratique de la soumission.

Cheikh Sidya

Source: Biladi

Lundi 11 Janvier 2010
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