OMVS : Les élucubrations du Haut Commissaire

Au cours d’une conférence de presse improvisée le week-end dernier à Dakar à l’intention des journalistes des pays membres de l’OMVS (Sénégal, Mauritanie, Mali et Guinée), Ahmed Salem Ould Merzoug, Haut Commissaire de l’Organisation pour la mise en valeur du fleuve Sénégal, a tenté de justifier son bilan de 10 ans à la tête de l’OMVS



OMVS : Les élucubrations du Haut Commissaire
.En fait de conférence de presse, il ne s’agissait ni plus ni moins que d’une opération de séduction à l’endroit des journalistes maliens conviés à cette rencontre. Une thèse qui sera d’ailleurs confirmée par l’absence des journalistes mauritaniens et guinéens. Ces derniers, nous confia un responsable de l’OMVS, n’ont jamais été invités. Quant aux Sénégalais dont le pays abrite pourtant le siège de l’OMVS, ils étaient curieusement en nombre insuffisant (3) par rapport aux Maliens (4) qui ont été transportés à grand frais à Dakar pour les besoins de la cause.

Pourquoi Ahmed Salem Ould Merzoug a voulu se comporter de la sorte, sachant que quelques jours seulement auparavant, il était à Kayes avec près de 100 journalistes venus du Sénégal, du Mali, de la Mauritanie et de la Guinée pour la pose de la première pierre du barrage de Félou ? S’il avait voulu faire un bilan de son mandat, pourquoi n’est-il pas passé par une vidéo. Conférence retransmise concomitamment dans les quatre pays, au lieu de dilapider les fonds de l’OMVS dans le transport, l’hébergement et les perdiems des journalistes ?

La vérité est toute simple : Ahmed Salem Ould Merzoug a été profondément bouleversé par notre article intitulé «OMVS : Complot contre le Mali». Ce complot déjoué et porté sur la place publique, il lui fallait non pas faire un mea culpa, mais tenter de convaincre les journalistes maliens de sa bonne foi et de son engagement envers le Mali.

C’est ainsi qu’après un long monologue de plus de 5 heures de temps sur ses nombreuses réalisations et sur tous les acquis engrangés tout au long des dix dernières années, le Haut Commissaire de l’OMVS finira par lâcher : «l’OMVS n’a pas d’avenir si elle n’est pas portée par les citoyens de l’ensemble des Etats au-delà des institutions. Elle doit s’ouvrir et doit accepter d’être soumise au regard des autres». Parlant des accusations qui sont portées contre lui, Ahmed Salem Ould Merzoug rétorqua en disant que «plus le mensonge et la désorganisation diminuent, plus l’Organisation se renforce». L’actuel Haut Commissaire de l’OMVS qui est en poste depuis 2002 et dont le mandat est échu depuis deux ans, continue cependant à jouer les roitelets et à sévir dans cette Organisation interétatique où il dispose de tous les pouvoirs et où les véritables leviers de décision sont entre les mains de lui-même et de ses acolytes mauritaniens.

Au lieu de tenter de rectifier le tir pour le confort de l’OMVS, Ahmed Salem Ould Merzoug ressent au contraire le sentiment du service bien accompli. «Je suis venu avec une politique panafricaine, construite, bâtie. J’ai essayé d’appliquer ce que je pense être juste», confia-t-il aux journalistes maliens et sénégalais.

S’adressant à nos leaders politiques, il leur demandera de dépasser les clichés nationaux et de ne jamais exposer le creuset qui nous lie. Quant à la question du pacte secret qu’il aurait conclu avec les autorités maliennes, Ahmed Salem Ould Merzoug est sans équivoque : «Je n’ai pas posé cette question de mandature à personne. Je suis un haut fonctionnaire ; on m’a confié un travail. Il n’y a jamais eu de pacte secret avec personne», dira-t-il.

Profond malaise au sein de l’OMVS

Et pourtant, l’arbre ne doit pas cacher la forêt ! Toutes ces bonnes assurances données par le Haut Commissaire ne visent qu’à calmer la colère et l’inquiétude des cadres maliens face aux reformes institutionnelles qui doivent entrer en vigueur en janvier 2010. Avec le retour de la Guinée Conakry, beaucoup de chamboulements sont en effet attendus dans la clé de répartition des postes de direction de l’OMVS. Selon un responsable de l’OMVS qui nous a contacté sur place à Dakar, le Haut Commissaire voudrait profiter de cette occasion pour régler des comptes. Ce dernier nous expliqua en effet que toute cette reforme en cours tend à fragiliser la direction administrative et financière en la scindant en deux directions. Cette séparation qui ne se justifie pas, dira-t-il, va par ricochet fragiliser la position du Mali au sein de l’OMVS. Il faut souligner que le secrétariat général et la direction administrative et financière sont des postes qui ont été attribués au Mali depuis la création de l’OMVS.

Cette reforme consiste à créer quatre directions pour faire place à la Guinée Conakry. Il y a déjà trois directions : la direction technique occupée par la Mauritanie, le Centre régional de documentation à Saint-Louis occupé par le Sénégal et la direction administrative et financière occupée par le Mali. C’est cette direction que Ahmed Salem Ould Merzoug veut éclater en deux directions : la direction financière et la direction administrative.

Le deal avec les autorités sénégalaises

Dans son volet Navigabilité, le Mali est, semble-t-il, le dindon de la farce. Notre source nous révèle en effet que le deal que Merzoug a eu avec les autorités sénégalaises, c’est de construire un port fluviomaritime à Saint-Louis et un port de plaisance. C’est dire donc que le dragage et les appointements dans les escales des deux côtés (4 en rives gauche, côté mauritanien et 5 escales, côté sénégalais plus un port terminal à Ambidedi à 30 kilomètres de Kayes au Mali), vont tomber dans l’eau.

Pour le Mali, expliqua notre source, Maître Abdoulaye Wade lui propose de construire un port à Kaolack. Le Sénégal va donc gagner doublement. Il aura en effet un port à Saint-Louis qui sera financé par les quatre Etats qu’on va appeler ouvrage commun, mais qui en réalité, profitera au Sénégal et un autre port qui va, soit disant, servir le Mali. A y voir de très près, on se rend donc que Wade a réalisé ses promesses électorales en construisant un port à Saint-Louis aux frais de l’OMVS et un autre port à Kaolack, soit disant pour le Mali. Or, Kaolack n’est pas situé dans le bassin du fleuve Sénégal. Donc, logiquement ce port ne peut pas appartenir aux trois autres Etats.

Selon le haut cadre de l’OMVS, tout cela se fait au détriment de la Navigation qui consiste à aménager le fleuve de Saint-Louis à Kayes avec ses neuf escales portuaires et un port terminus à Ambidedi au Mali qui sera prolongé par une voie expresse jusqu’à Kayes pour son ralliement avec les chemins de fer.

Ahmed Salem Oul Merzoug ayant donné une promesse ferme aux Maliens de réaliser le projet Navigation, n’ayant pas pu honorer ses engagements à la fin de son 2è mandat, il a fait cette mise en scène qui consiste à transporter deux petites vedettes (petits bateaux) dans des camions à un prix très élevé avec la complicité du secrétaire général de l’OMVS, le Malien Adama Sanogo qui a signé un contrat de plus de 35 millions de francs Cfa pour transporter ces vedettes par la route de Saint-Louis à Kayes, en vue de faire du saupoudrage devant des chefs d’Etat, les faisant croire que la navigation inter-Etats a été lancée au niveau de l’OMVS. Or la vérité est que ces vedettes sont un don des Pays-Bas à l’OMVS. Mais, ce qui est troublant, c’est que ces vedettes ont été réparées à grands frais par l’OMVS à plus de 155 000 Euros.

Ces vedettes servent à mesurer la qualité de l’eau et la profondeur des eaux. Un tel équipement existe déjà à Manantali depuis 20 ans, mais qui n’a rien à voir avec la navigation.

Au cours de sa conférence de presse, Merzoug a dit qu’il suffit qu’on relève simplement le fil électrique au niveau de Bakel pour que la navigation soit effective sur le fleuve. Le paradoxe est que, au lieu de dépenser 4 millions de francs Cfa pour faire passer les vedettes à Kayes, l’OMVS a signé un contrat de 35 millions de francs Cfa pour transporter les vedettes de Saint-Louis à Kayes, soit un surplus de dépenses de plus de 31 millions de FCfa. Quel type de gestion l’OMVS pratique ? Est-ce à dire aussi qu’à l’OMVS, la navigation se réalise non pas par les fleuves, mais par les camions ?

Un bilan peu flatteur

Ahmed Salem Ould Merzoug a pris fonction en février 2002. De 2002 à nos jours, soit 8 ans, ce qui n’a jamais été accordé à un Haut Commissaire, tout ce qu’on peut noter, c’est la pose de la première pierre du barrage de Félou pour lequel d’ailleurs le financement n’est pas encore totalement bouclé et les conditionnalités des bailleurs de fonds pour le décaissement ne sont pas encore levées. Quant aux opérations Moustiquaires et les distributions de comprimés dont il parle, ils ne sont pas du ressort de l’OMVS. Selon une source bien informée, l’OMVS s’est lancée dans cette entreprise pour des commissions de marché. Le rôle de l’OMVS, c’est de faire des grands aménagements dans le domaine agricole et énergétique et les mettre à la disposition des exploitants.

La politique de «diviser pour mieux régner»

Selon notre source, la recette toute trouvée de l’actuel haut commissaire de l’OMVS est de scinder son personnel en amis et ennemis. Elle nous expliqua en effet que le secrétaire général de l’OMVS, le Malien Adama Sanogo qui devrait constituer un contre-poids au Haut Commissaire, est devenu un béni oui-oui et a même oublié les raisons pour lesquelles il est à l’OMVS. Le balisage dont se targue Ahmed Salem Ould Merzoug retient un autre cadre malien, Boubacar Camara qui est parti à la retraite depuis trois ans. Selon notre source, l’entreprise qui devrait faire le balisage a été choisie dans des conditions obscures. Elle nous fera remarquer que l’entreprise qui est chargée d’exécuter le marché est mauritanienne et l’entreprise qui contrôle aussi est mauritanienne. Tout est sous la coupe du Haut Commissaire. On se demande aujourd’hui si les deux milliards de francs Cfa dégagés par les quatre Etats pour ce faire ont été utilisés à bon escient.

L’OMVS ne dispose d’aucune flotte

Tout au long de son monologue, le Haut Commissaire n’a cessé de faire l’apologie du bateau «Le Bou El Mogda» qui navigue présentement sur le fleuve Sénégal. Or selon notre source, «Le Bou El Mogda» a commencé à naviguer sur le fleuve Sénégal avant même la création de l’OMVS. Parlant des dix nouveaux bateaux commandés à la Chine et qui sont censés constituer la première flotte de l’OMVS, un haut responsable de l’OMVS trouve que c’est du bluff. En effet selon lui, l’OMVS ne dispose d’aucune convention, d’aucun document par rapport à ces dix bateaux.

Le volet Navigation est-il un mirage ?

Tout porte à le croire aujourd’hui. Selon un expert, le travail essentiel pour la navigation du fleuve Sénégal, c’est de creuser le fleuve. Or le dragage n’a pas encore commencé. La Mauritanie qui n’est pas emballée par ce projet veut aujourd’hui construire un pont entre Rosso-Mauritanie et Rosso-Sénégal. Ce projet, dira notre source, est de nature à enterrer définitivement le volet Navigation. Selon cette source, c’est vrai qu’on a demandé de relever le pont pour faciliter le passage des bateaux, mais les études ont montré que l’OMVS ne peut pas supporter ce coût. Toujours est-il aujourd’hui que les Mauritaniens veulent que l’OMVS prenne ce projet comme ouvrage commun.

Birama Fall
Envoyé spécial à l’OMVS à Dakar


Source: Maliweb

Vendredi 13 Novembre 2009
Boolumbal Boolumbal
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