
NOS ANNÉES DE BRAISE EN MAURITANIE: LIVRE-TÉMOIGNAGE "Sultane me pria de m’asseoir, ouvrit un énorme dossier déposé devant lui et me dit, sans préambule : - « On vous soupçonne d’être sénégalais…Quelle… ? - Le B1 m’a déjà posé cette question ; ça devient une idée fixe ! - Répondez ! - Qu’est-ce que vous voulez que je vous réponde ? (…) - Selon nos informations, vous avez des parents au Sénégal…votre femme… -… et mon fils sont nés là-bas ! (…) j’en ai aussi en France, au Gabon, en Côte d’ivoire et en Italie. Est-ce à dire que j’ai ces nationalités-là ? - Bon. Connaissez-vous les FLAM ? -Votre question n’est pas claire ! - Est-ce que vous connaissez les FLAM ? - J’en ai entendu parler. - Connaissez-vous quelqu’un de ce mouvement ? - Je sais que des individus qu’on dit appartenir à ce mouvement avaient été arrêtés en septembre 1986, jugés, condamnés et incarcérés dans des prisons de l’intérieur du pays. - Avez-vous un lien de parenté avec au moins l’un de ces individus ? - Non ! - Et l’ex-commissaire Ly Mamadou, ancien membre du Comité Militaire de Redressement National ? - Je ne sais même pas de quel patelin il est. - Et pourtant tous les Ly sont de la même famille… - Il y a des « Ly » au Mali, suis-je censé les connaître tous ? - Lors de l’arrestation de ces « individus » (comme tu dis), beaucoup de gens ont constaté votre changement d’humeur ; vous étiez devenu mécontent et méconnaissable… - Confrontez-moi avec ces « beaucoup de gens » ! - De sources dignes de foi, vous êtes membres des FLAM et vous teniez des réunions à Akjoujt… - Ecoutez, mon lieutenant ! Je ne répondrais plus à aucune de vos questions (…) Le lieutenant sonna son planton et lui intima l’ordre de me ramener au poste de police. J’étais furieux. Sénégalais, Membre des FLAM et quoi encore ? Demain, ils finiraient bien par m’accuser d’avoir attenté aux intérêts supérieurs de la nation. Ah ! La politique, je m’en étais toujours fichu comme de mon premier béret. » (pages 143-147) Le 4 juin 1989, Rachid Ly est convoqué une nouvelle fois auprès du lieutenant Sultane, dont l’expression du visage indiquait que l’instruction de son dossier était bouclée: toutes les charges qui étaient retenues contre lui sont abandonnées. L’officier lui signifia que « 60 jours d’arrêts de rigueur » lui étaient infligés « pour mauvaise manière de servir » Deux jours plus tard, Rachid Ly est convoqué au service général de l’EHR, où on lui notifie, sans autre forme de procès, sa « radiation » de la gendarmerie qui, en cette triste année 1989, avait fait les bouchées doubles pour se débarrasser de tous ses éléments non maures. (FLAMNET-CULTURE: 1989, Gendarme en Mauritanie - Note de lecture de Mohamadou Saidou TOURE (Thierno)