Médecine:Guérilla dans la profession



Médecine:Guérilla dans la profession
Suite à une plainte pour « coups et blessures volontaires » déposée par le professeur Sid’Ahmed Ould Mogueya, doyen de la Faculté de Médecine de Nouakchott, quatre médecins spécialistes ont été arrêtés et placés en garde à vue dimanche soir au commissariat de police de Tevragh-Zeina I. Ce qui n’était au départ qu’une simple bagarre entre gens de la même famille professionnelle est en train de prendre une grande ampleur. L’intrusion du parquet dans l’affaire risque de jeter de l’huile sur le feu. Une arrestation dont la toile de fond est une espèce de guérilla agitant ce milieu professionnel depuis la fermeture de la Faculté Libre de Médecine de Nouakchott il y a quelques semaines et depuis que la faculté de médecine avait décidé d’envoyer ses étudiants faire la pratique dans les hôpitaux.

Les personnalités arrêtées sont le Dr Ottoman Soumaré, neurochirurgien, Le Dr Sidi Ould Isselmou, gynécologue le Dr Ethman Ould Mahaiham, chirurgien et Teyib Ould Mohamed Mahmoud, professeur à la Faculté des Sciences et Techniques de Nouakchott et membre du Syndicat des Enseignants du Supérieur (SES).
La goutte, qui a fait déborder le vase dans ce conflit entre médecins, avec comme base initiale une revendication auprès des autorités, de la corporation des professeurs de médecine, laquelle vise l’option d’un véritable statut d’enseignants dans cette spécialité, est intervenue le mercredi 9 décembre dernier.
Le cadre, une manifestation organisée par les spécialistes médecins avec le soutien du syndicat de l’enseignement supérieur, et dont la réclamation est une « Faculté de Médecine pour tous ». Un fait sur lequel s’accordent pourtant les protagonistes de l’affaire.
Au-delà, c’est une grosse divergence s’exprimant dans des versions et interprétations contradictoires dans une sorte de forêt confuse. Chacun défend sa thèse avec énergie en rejetant les arguments de l’autre.

Accusations et contre accusations


Le doyen de la faculté de médecine de Nouakchott, le Pr Mogueya, auteur de la plainte à l’origine du placement en garde à vue de ses quatre collègues, estime avoir fait l’objet « d’une agression physique, avec des coups de poings le mercredi 9 décembre à 10 heures 30 minutes » à l’occasion d’une manifestation en faveur « d’une faculté de médecine pour tous » organisée par certains médecins, avec le soutien de quelques éléments du Syndicat de l’Enseignement Supérieur (SES) ».
Ce fait, attribué au DR Ottoman Soumaré et un « inconnu » qui serait issu de la Faculté des Sciences et Techniques de Nouakchott par le doyen de fac de médecine, est à « l’origine d’un énorme préjudice physique et moral » car ayant été perpétré dans les locaux de l’école de médecine, devant les étudiants, indique Mogueya pour justifier la plainte.
Il dénonce « attaques et surenchère, dans le cadre d’un complot ourdi » par le Dr Sidi Ould Isselmou et ses compagnons, avec « la complicité » de certains organes de presse qui se sont « empressés » d’annoncer la nouvelle de l’incident.
Faisant la genèse du conflit qui a dégénéré mercredi dernier, le doyen de la Faculté de Médecine présente la thèse d’une « longue histoire » à deux tiroirs avec notamment la fermeture, il y a quelques semaines, de la faculté libre de médecine, sur décision des autorités. Une structure qui était dirigée par le Professeur Sidi Ould Isselmou, secondé par le Dr Soumaré.

Les deux spécialistes perçoivent « à tort » derrière cette mesure du gouvernement l’ombre et la main du professeur Mogueya, selon la thèse servie par ce dernier.
Pour le deuxième tiroir de cette affaire, le doyen de la Faculté de Médecine de Nouakchott revient sur les longues négociations entre le gouvernement et les médecins spécialistes aspirant à un statut conforme à celui des autres enseignants du supérieur. Il évoque notamment un compromis « provisoire » depuis octobre dernier, permettant aux étudiants de 2ème et 3ème années de faire leur stage pratique auprès de différents spécialistes en attendant le mois de juin 2010. Cet accord provisoire permet d’attribuer pour le moment 51 postes pour les spécialistes et 11 postes pour les professeurs, avec une grille de rémunération « les alignant sur les professeurs d’université » indique Mogueya. Un abattement qui doit permettre de faire un choix avec des critères de transparence et de compétence à l’horizon juin 2010. Il signale au passage « qu’aucun mauritanien n’est actuellement en mesure d’enseigner les matières (sciences) fondamentales » dans le domaine.
Profitant de la faveur d’être accessible, Mogueya a donc toute la latitude de se défendre et de propager sa vision du problème. Ses collègues de l’autre bord opposé à lui n’ont pas eu cette chance pour la simple raison qu’ils ont été pris au dépourvu et tenus au secret, sans téléphone et sans possibilité de communiquer avec l’extérieur, depuis dimanche après midi dans les locaux de l’un des commissariats de Tevragh Zeina. Leurs proches accusent le professeur Mogueya d’avoir bien profité du fait que son cousin germain est procureur général pour envoyer en prison ses adversaires quelques jours après les faits et sans procéder à la moindre enquête.

Une autre source proche des médecins arrêtés réfute totalement la thèse avancée par le doyen de la faculté de médecine et l’accuse d’avoir tenté d’écraser avec sa voiture le Dr Soumaré, touchant au passage ce dernier au pied. La même s’étonne du reste que la plainte déposée antérieurement par le Dr Soumaré contre le professeur Mogueya, soit restée sans effet au plan de l’enquête. Elle évoque « les voies de faits et insultes racistes » commis par le Dr Mogueya et dénonce le fonctionnement bizarre d’une police ou d’une justice « à deux vitesses ».
Très engagés dans la lutte contre les méthodes de gestion de la faculté de médecine et du ministre de l’enseignement supérieur, Soumaré et ses trois amis d’infortune seraient-ils dans le collimateur des autorités ou s’agit-il tout simplement d’un abus de pouvoir ou d’un excès de zèle. Pour quelle raison ? Mystère. Toujours est-il que les médecins arrêtés sont privés de tout contact avec l’extérieur et traités comme de dangereux mecs au même titre que les coupeurs de route. Par les temps qui courent, notre justice classe toutes les affaires dans le registre peu glorieux du crime.


Cheikh Sidya


Source: Bilali

Mardi 15 Décembre 2009
Boolumbal Boolumbal
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