
«L’arrestation de hauts responsables n’est une simple opération de communication»
A la veille des sénatoriales, auxquelles l’AJD/MR, ne prendra pas part, Ciré Kane, chargé de communication du parti répond aux questions de Biladi.
Biladi : L’AJD/MR ne dispose d’aucun ministre, sénateur ou député. On s’attendait à sa participation aux élections sénatoriales mais contre toute attente, elle boude. Quelles sont les raisons qui sont à l’origine de sa décision?
Ciré Kane (C.K) : Nous n’avons pas boudé ces élections, la réalité est que l’AJD/MR est né en août 2007, donc après les dernières municipales et législatives, c’est qui fait que nous n’avons pas de députés et les quelques sept conseillers municipaux qui nous ont rejoint ne permettent pas de prendre ne serait-ce qu’un siège.
Nul doute qu’un sénateur AJD/MR aurait porté une voix dissonante dans cette chambre haute monocorde mécaniquement réglée sur les desiderata du pouvoir en place. Ce conservatisme fait que l’AJD/MR est pour la suppression de cette institution inutile et coûteuse. C’est là une autre explication de notre manque d’engouement pour le renouvellement du tiers du sénat. A la place du sénat, nous proposons la création d’une Vice Présidence de la République.
Biladi : En renonçant aux sénatoriales, ne ratez-vous pas une occasion pour sortir de votre mutisme ?
C.K : Vous savez, les sénatoriales sont des élections au suffrage indirect, les citoyens ne sont pas sollicités, seuls les conseillers municipaux votent, la plupart du temps ils le font selon leurs intérêts personnels. Ce n’est donc pas la tribune rêvée pour sortir du mutisme. D’ailleurs l’AJD/MR n’a pas été muette, mais on ne peut pas juger celui qui n’a encore rien fait. On était plutôt en phase d’observation des premiers pas du nouveau Président de la République.
Et le 17 octobre 2009, le Bureau Politique a sorti une déclaration qui appuie le Président dans sa lutte contre la gabegie et l’invite, conformément à ses engagements, à appliquer les conclusions des Etats Généraux de la Démocratie, qui, nous l’espérons, devraient inspirer la déclaration de politique générale de son Premier Ministre lors de la prochaine session parlementaire. La plupart de nos doléances avaient été acceptées lors de ces assises nationales où l’AJD/MR était pourtant très minoritaire. Nous considérons ces EGD comme une bonne entame du débat national auquel nous ne cessons d’appeler les mauritaniens pour rompre le voile d’incompréhensions entre nos différentes communautés.
Biladi : Vous encouragez le gouvernement dans sa lutte contre la gabegie, mais n’avez-vous pas l’impression que le combat contre les prévaricateurs est de la poudre aux yeux, d’autant plus que les media continuent de faire cas de gabegie au sommet de l’Etat, sans démenti par les autorités ?
C.K : Je ne pense pas que la révocation des walis de Nouakchott et Nouadhibou, l’arrestation de hauts responsables pourtant proches d’importants membres du gouvernement, le retour au parking des véhicules d’Etat en dehors des horaires de travail, pour ne citer que cela, soient une simple opération de communication ou de la poudre aux yeux comme vous dites. Mais le nettoyage de l’administration et des milieux mafieux prendra du temps. S’il continue à ce rythme, nous pensons que la dilapidation ou le vol des biens publics ne seront plus considérés comme un acte de bravoure, et que progressivement on reviendra vers des comportements plus moraux.
Biladi : Aujourd’hui, vous réclamez des élections législatives. Gouvernement et majorité parlementaire étant du même bord politique, n’est- il pas plus salutaire, aussi bien pour le président de la République que pour le pays, de maintenir le parlement tel quel plutôt que de le renouveler ?
C.K : Cette assemblée est obsolète et ne reflète pas la recomposition du paysage politique, mais c’est au Président de la République de vous dire c’est qui est le plus salutaire pour lui. L’AJD/MR, quand à elle, pose un problème de fond. L’assemblée nationale actuelle, issue des législatives organisées en 2006 par le Comité Militaire pour la Justice et la Démocratie (CMJD), fermente une instabilité structurelle liée aux candidatures indépendantes suscitées par les militaires. Cette instabilité a été aggravée par le Président Sidi Ould Cheikh Abdallahi qui a choisi sur le mode de la récompense pour soutien le Président de cette assemblée.
Il faudrait apurer cette situation en légiférant, sinon on n’est pas à l’abri d’une nouvelle crise institutionnelle. Qui peut exclure l’hypothèse d’une nouvelle motion de censure de députés dont les partis n’ont pas encore reconnu le résultat de l’élection présidentielle, appuyés ou rejoints par ceux qui n’ont pas encore été récompensés pour soutien actif du candidat de l’UPR ?
Sur ce point aussi, les EGD avaient tranché en recommandant la propriété du mandat électif au parti politique pour mettre fin à la transhumance et que le Président de l’assemblée soit issu du groupe parlementaire ayant le plus de députés. Ces propositions figuraient dans le mémorandum de l’AJD/MR.
Biladi : Vous revenez des camps de réfugiés mauritaniens au Sénégal, dans quel état d’esprit sont-ils ?
C.K : L’AJD/MR effectue tous les ans des visites dans les camps de réfugiés pour puiser l’information auprès des victimes de la déportation. J’ai rencontré des déportés radieux, car la pluviométrie a été bonne cette année sans pour autant entraîner des catastrophes. Ils ont accès aux terres de cultures dans les mêmes conditions que les Sénégalais mais ont le regard toujours rivé sur la Mauritanie, leur pays. Tous ont envie de recouvrer leur citoyenneté, mais ont grandement besoin d’être rassurés sur les conditions qu’ils vont trouver dès leur descente des pirogues motorisées du HCR. La peur d’être à nouveau réfugiés dans leur propre pays, sous des bâches, en zones inondables et propices aux maladies, est lisible dans leurs yeux.
Malgré cela, ils sont unanimes pour exiger la prolongation de l’opération de rapatriement au delà de 2009 car, à ce jour, le HCR n’a rapatrié qu’environ 14 000 personnes. C’est peu quand on sait qu’en 1995, le même HCR recensait 57 885 réfugiés mauritaniens bénéficiaires de ses aides directes, rien qu’au Sénégal. Si on tient compte du taux de croissance démographique de cette population et du couloir Mali qui n’a pas encore été ouvert, nous pouvons dire que le gros du contingent attend toujours. Jusque là, ce sont principalement les éleveurs qui sont rentrés, vous avez certainement vu à la télévision les distributions de bovins dans le Brakna.
Les paysans sont plus sceptiques car ils posent comme préalable la restitution de leurs terres de culture – où au moins l’attribution en priorité des domaines aménagés par la Sonader. Il faudrait aussi que les nouvelles autorités pensent sérieusement aux indemnisations. La réintégration dans leur travail de 104 fonctionnaires négro-mauritaniens victimes des événements de 1989 pousse à l’optimisme dans la voie du règlement définitif du passif humanitaire.
Propos recueillis par Samba Camara
Source: AJD/MR
A la veille des sénatoriales, auxquelles l’AJD/MR, ne prendra pas part, Ciré Kane, chargé de communication du parti répond aux questions de Biladi.
Biladi : L’AJD/MR ne dispose d’aucun ministre, sénateur ou député. On s’attendait à sa participation aux élections sénatoriales mais contre toute attente, elle boude. Quelles sont les raisons qui sont à l’origine de sa décision?
Ciré Kane (C.K) : Nous n’avons pas boudé ces élections, la réalité est que l’AJD/MR est né en août 2007, donc après les dernières municipales et législatives, c’est qui fait que nous n’avons pas de députés et les quelques sept conseillers municipaux qui nous ont rejoint ne permettent pas de prendre ne serait-ce qu’un siège.
Nul doute qu’un sénateur AJD/MR aurait porté une voix dissonante dans cette chambre haute monocorde mécaniquement réglée sur les desiderata du pouvoir en place. Ce conservatisme fait que l’AJD/MR est pour la suppression de cette institution inutile et coûteuse. C’est là une autre explication de notre manque d’engouement pour le renouvellement du tiers du sénat. A la place du sénat, nous proposons la création d’une Vice Présidence de la République.
Biladi : En renonçant aux sénatoriales, ne ratez-vous pas une occasion pour sortir de votre mutisme ?
C.K : Vous savez, les sénatoriales sont des élections au suffrage indirect, les citoyens ne sont pas sollicités, seuls les conseillers municipaux votent, la plupart du temps ils le font selon leurs intérêts personnels. Ce n’est donc pas la tribune rêvée pour sortir du mutisme. D’ailleurs l’AJD/MR n’a pas été muette, mais on ne peut pas juger celui qui n’a encore rien fait. On était plutôt en phase d’observation des premiers pas du nouveau Président de la République.
Et le 17 octobre 2009, le Bureau Politique a sorti une déclaration qui appuie le Président dans sa lutte contre la gabegie et l’invite, conformément à ses engagements, à appliquer les conclusions des Etats Généraux de la Démocratie, qui, nous l’espérons, devraient inspirer la déclaration de politique générale de son Premier Ministre lors de la prochaine session parlementaire. La plupart de nos doléances avaient été acceptées lors de ces assises nationales où l’AJD/MR était pourtant très minoritaire. Nous considérons ces EGD comme une bonne entame du débat national auquel nous ne cessons d’appeler les mauritaniens pour rompre le voile d’incompréhensions entre nos différentes communautés.
Biladi : Vous encouragez le gouvernement dans sa lutte contre la gabegie, mais n’avez-vous pas l’impression que le combat contre les prévaricateurs est de la poudre aux yeux, d’autant plus que les media continuent de faire cas de gabegie au sommet de l’Etat, sans démenti par les autorités ?
C.K : Je ne pense pas que la révocation des walis de Nouakchott et Nouadhibou, l’arrestation de hauts responsables pourtant proches d’importants membres du gouvernement, le retour au parking des véhicules d’Etat en dehors des horaires de travail, pour ne citer que cela, soient une simple opération de communication ou de la poudre aux yeux comme vous dites. Mais le nettoyage de l’administration et des milieux mafieux prendra du temps. S’il continue à ce rythme, nous pensons que la dilapidation ou le vol des biens publics ne seront plus considérés comme un acte de bravoure, et que progressivement on reviendra vers des comportements plus moraux.
Biladi : Aujourd’hui, vous réclamez des élections législatives. Gouvernement et majorité parlementaire étant du même bord politique, n’est- il pas plus salutaire, aussi bien pour le président de la République que pour le pays, de maintenir le parlement tel quel plutôt que de le renouveler ?
C.K : Cette assemblée est obsolète et ne reflète pas la recomposition du paysage politique, mais c’est au Président de la République de vous dire c’est qui est le plus salutaire pour lui. L’AJD/MR, quand à elle, pose un problème de fond. L’assemblée nationale actuelle, issue des législatives organisées en 2006 par le Comité Militaire pour la Justice et la Démocratie (CMJD), fermente une instabilité structurelle liée aux candidatures indépendantes suscitées par les militaires. Cette instabilité a été aggravée par le Président Sidi Ould Cheikh Abdallahi qui a choisi sur le mode de la récompense pour soutien le Président de cette assemblée.
Il faudrait apurer cette situation en légiférant, sinon on n’est pas à l’abri d’une nouvelle crise institutionnelle. Qui peut exclure l’hypothèse d’une nouvelle motion de censure de députés dont les partis n’ont pas encore reconnu le résultat de l’élection présidentielle, appuyés ou rejoints par ceux qui n’ont pas encore été récompensés pour soutien actif du candidat de l’UPR ?
Sur ce point aussi, les EGD avaient tranché en recommandant la propriété du mandat électif au parti politique pour mettre fin à la transhumance et que le Président de l’assemblée soit issu du groupe parlementaire ayant le plus de députés. Ces propositions figuraient dans le mémorandum de l’AJD/MR.
Biladi : Vous revenez des camps de réfugiés mauritaniens au Sénégal, dans quel état d’esprit sont-ils ?
C.K : L’AJD/MR effectue tous les ans des visites dans les camps de réfugiés pour puiser l’information auprès des victimes de la déportation. J’ai rencontré des déportés radieux, car la pluviométrie a été bonne cette année sans pour autant entraîner des catastrophes. Ils ont accès aux terres de cultures dans les mêmes conditions que les Sénégalais mais ont le regard toujours rivé sur la Mauritanie, leur pays. Tous ont envie de recouvrer leur citoyenneté, mais ont grandement besoin d’être rassurés sur les conditions qu’ils vont trouver dès leur descente des pirogues motorisées du HCR. La peur d’être à nouveau réfugiés dans leur propre pays, sous des bâches, en zones inondables et propices aux maladies, est lisible dans leurs yeux.
Malgré cela, ils sont unanimes pour exiger la prolongation de l’opération de rapatriement au delà de 2009 car, à ce jour, le HCR n’a rapatrié qu’environ 14 000 personnes. C’est peu quand on sait qu’en 1995, le même HCR recensait 57 885 réfugiés mauritaniens bénéficiaires de ses aides directes, rien qu’au Sénégal. Si on tient compte du taux de croissance démographique de cette population et du couloir Mali qui n’a pas encore été ouvert, nous pouvons dire que le gros du contingent attend toujours. Jusque là, ce sont principalement les éleveurs qui sont rentrés, vous avez certainement vu à la télévision les distributions de bovins dans le Brakna.
Les paysans sont plus sceptiques car ils posent comme préalable la restitution de leurs terres de culture – où au moins l’attribution en priorité des domaines aménagés par la Sonader. Il faudrait aussi que les nouvelles autorités pensent sérieusement aux indemnisations. La réintégration dans leur travail de 104 fonctionnaires négro-mauritaniens victimes des événements de 1989 pousse à l’optimisme dans la voie du règlement définitif du passif humanitaire.
Propos recueillis par Samba Camara
Source: AJD/MR