Lutte contre la gabegie:De la nécessité de regarder les fond(s) de tous les tiroirs



Lutte contre la gabegie:De la nécessité de regarder les fond(s) de tous les tiroirs
En s’emparant du pouvoir, le 5 août 2005, et en décrétant la fin de la pagaille instaurée par le défunt PRDS, le CMJD avait suscité un grand espoir chez les laissés-pour-compte. Les bailleurs de fonds s’en étaient réjouis. Des ministres se fendirent de déclarations très rassurantes. Celui de la Santé, par exemple, lors de sa tournée préliminaire dans les services relevant, selon la formule consacrée, de son département, déclara face aux caméras de la TVM : «Désormais, qui détourne les deniers publics sera arrêté et jugé». Mais les rumeurs prétendent qu’il fut, aussitôt, rappelé à l’ordre. Quoiqu’il en soit, les grands prévaricateurs de l’Etat ont éprouvé, au début de la transition, une peur certaine, juste le temps qu’Ely Ould Mohamed Vall déclare, sur les ondes de RFI, que le CMJD n’allait regarder dans le fond ni des tiroirs ni des terroirs, alors que tous les Mauritaniens et les bailleurs de fonds, les uns et les autres plus ou moins complices, il faut le reconnaître, de la gabegie institutionnalisée, attendaient une croisade contre le détournement des deniers publics. Première déception d’un CMJD très attendu sur la moralisation de la chose publique.

Une attitude qui ne surprit guère, cependant, les observateurs de la scène politique estimant que nos militaires, pas vraiment des anges blancs, ne pouvaient scier la branche sur laquelle ils étaient assis. On connaît la suite. Fonds du pétrole dilapidés, etc.
En déposant Sidi Ould Cheikh Abdallahi, le 6 août 2008, le HCE, dirigé par le général Mohamed Ould Abdel Aziz, annonça, aussitôt, la croisade contre la gabegie, ce qui lui valut, en retour, le titre de président des pauvres. Les actes posés à l’endroit de ceux-ci décuplèrent les espoirs populaires et une sacrée trouille chez ceux qui avaient, longtemps, confondu leurs poches et le Trésor public. Contrairement à l’époque du CMJD, des têtes commencèrent à tomber mais, comme les victimes étaient, toutes, contre le «mouvement rectificatif» du 6 août, le geste fut interprété comme un règlement de comptes politiques. Et, pour des raisons tout aussi politiques, les présumés prévaricateurs d’Air Mauritanie furent libérés, dans la foulée de l’accord de Dakar. La lutte enclenchée contre la gabegie observait, ainsi, une pause, pendant la campagne électorale, mais pas les détournements.
Aussitôt élu, Aziz reprend la croisade. Des fonctionnaires sont relevés, d’autres, soupçonnés de détournements – notamment de l’argent destiné à la lutte contre le SIDA – sont arrêtés. Si ce dernier dossier, très médiatisé, a connu un développement rapide – arrestations de certains présumés coupables, saisie ou inventaire des biens du comptable en fuite – à cause, très certainement, de la volonté du pouvoir de frapper un grand coup et de sortir, vite, de la mauvaise passe économique que traverse le pays, les autres dossiers n’avancent pas trop.
Silence troublant
Mais, curieusement, les nouvelles autorités ne communiquent pas. Un silence presque troublant. L’opinion nationale ignore, jusqu’à aujourd’hui, pourquoi le directeur de l’ADU, le DGA de la SOMELEC, les walis de Nouakchott et de Nouadhibou, le préfet de Teyarett, le directeur de l’hôpital d’oncologie, le chef approvisionnement de la SNIM et j’en oublie, certainement, sont relevés de leurs fonctions. Que leur reproche-t-on? L’opinion a le droit de savoir. De folles rumeurs circulent sur leur implication dans l’attribution frauduleuse de terres ou dans l’organisation de détournements massifs. L’Etat gagnerait en crédibilité, en transparence, comme cela fut le cas, sous Sidioca, lorsqu’on releva walis et préfets, en expliquant les raisons qui ont motivé ces décisions. Celles-là connues et fondées, il faudrait, alors, traduire ces fonctionnaires devant les tribunaux, les condamner sinon les relaxer et les laver de tout soupçon. En négligeant de telles procédures, on installe un flou préjudiciable, non seulement à l’honneur des accusés, mais aussi à la crédibilité de «la» croisade. D’autant plus qu’il y a encore beaucoup d’hommes et femmes qui trônent à des postes-clés, alors que tous les Mauritaniens les considèrent comme des «gabegistes» patentés. On en trouve tapis, dans tous les départements ministériels, dans les établissements publics etc. Les primes, indemnités, rappels sur salaires, récemment octroyés, par les deux ministères de l’enseignement, à la veille de la fête de Korité, ne constituent-ils un exemple de mauvaise gestion des deniers publics?
Si, aujourd’hui, l’opinion adhère, amplement, aux décisions prises par le président de la République, elle souhaite qu’il aille plus loin. Qu’il mette de l’ordre, à Nouakchott, dans le secteur anarchique de l’immobilier et du foncier ou dans les assurances. L’Etat doit, également, mettre son nez dans ces bourses qui poussent comme des champignons dans la capitale et dégagent comme une odeur d’argent sale. Entendez: du blanchiment d’argent. L’Etat doit exiger des gros commerçants l’acquittement de leurs taxes vis-à-vis du fisc, condition sine qua non de l’octroi de devises pour leur approvisionnement à l’étranger. Qu’aucun fournisseur de l’Etat ne perçoive pas son dû, s’il n’est pas en règle avec le fisc. Que les armateurs qui ont contribué à piller nos côtes rapatrient, obligatoirement, une grande partie de leurs devises qui dorment dans des banques européennes.

Audit tout azimut

L’opinion demande, également, au président, de faire auditer tous les ministères (finances, développement rural, pêche, mines et industries, pétrole et énergie, hydraulique, le défunt commissariat aux droits de l’Homme, le CSA, etc.), tous les établissements publics, les projets qui ont englouti et continuent à engloutir des sommes colossales, sans que les potentiels bénéficiaires en sentent seulement l’odeur. Il s’agit, notamment, des projets Oasis et Aftout Sahly, des PASK, PDIAM et autre UNCACEM, du PGRNP, de la SOMELEC, du PAHABO, de l’ENER, etc.
L’Etat doit, en particulier, revoir le statut de l’ENER et les mécanismes d’attribution des marchés, en matière d’aménagements routiers. Depuis quelques années, en effet, des entreprises de construction de routes ont poussé comme des champignons et se sont enrichies, grâce, surtout, aux fameux avenants et à la complicité des bureaux de contrôle, tandis que les travaux réalisés sont, généralement, de qualité exécrable. L’Etat doit exiger des routes qui durent des décennies et non quelques petites années, voire quelques mois. Tout contrat concernant ce type d’œuvre devrait comporter une garantie au moins bi-décennale et un engagement ferme d’entretien. Actuellement, un simple tour de Nouakchott suffit à se convaincre du laxisme actuel et des ravages commis, tant par ces entreprises que par celles censées contrôler leur travail.
Comme il l’avait annoncé pendant sa campagne, le président doit, également, fusionner la Cour des Comptes avec l’IGE, plutôt que la «réhabiliter», pour fonder un seul organisme public indépendant (vérificateur général), comme au Mali, avec des agents à l’abri du besoin et, donc, incorruptibles. Au plan politique, cette lutte contre la gabegie doit se traduire par des déclarations de patrimoine de tous ceux qui postulent aux charges électives, à commencer par le chef de l’Etat. La même mesure doit s’appliquer aux nominés à des fonctions dirigeantes, ministres ou directeurs d’établissements publics. La croisade doit, également, toucher les forces armées et de sécurité. Plus de chèque en blanc à retirer au Trésor, sans respecter les procédures réglementaires. Selon nos informations, le trésorier de l’armée pouvait, il y a peu encore, retirer des centaines de millions au Trésor, sans suivre les procédures préliminaires d’engagement. On pouvait régulariser «après», dit-on.
Le président de la République, pour être cohérent avec son propos, doit procéder à la réduction, drastique, du train de vie de l’Etat, source des surfacturations qu’il a dénoncées dans ses différents discours de campagne. Il doit, également, supprimer ou gérer rationnellement ce qu’on appelle les caisses «noires» de la Présidence et des ministères de souveraineté. Le budget de l’Etat, en cours de préparation, tiendra-t-il compte de ces préoccupations? Wait and see!
Enfin, la croisade contre la gabegie-corruption doit être accompagnée d’un important volet de communication. Les médias publics doivent jouer, pleinement leur rôle et se départir de leur inique langue de bois. En attendant l’ouverture des ondes, dans le pays, les différents organes nationaux (RM, TVM, Chaab et Horizons) doivent faire un grand effort d’adaptation pour innover, ne serait-ce qu’à l’instar de la défunte «Radio Citoyenne», réduite au silence depuis près d’une année, et organiser des débats, contradictoires, entre le pouvoir, les acteurs de la société civile et l’opposition. Mieux partagé, le pouvoir y gagnerait beaucoup.

DL


Source: Le calame


Mercredi 21 Octobre 2009
Boolumbal Boolumbal
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