Lô Gourmo Abdoul: Les pourfendeurs du « système de corruption Blatter » pris la main dans la confiture !



C’est l’histoire éternelle de l’arroseur arrosé. Une histoire du tintamarre moralisant et de la grise réalité des faits, l’histoire d’accusations portées par des coupables avérés des faits incriminés.

L’origine du déchaînement du feu de la critique mondiale contre Sepp Blatter et l’a poussé à la démission au lendemain de sa réélection à la tête de la FIFA est claire : l’attribution considérée comme inacceptable de l’organisation des prochaines coupes du Monde de Football à la Russie et au Qatar au détriment notamment des Etats unis. Quoique nation moyennement footbalistique, les USA ont clairement été ulcérés par l’octroi du Mondial au Qatar et, surtout, à la Russie rivale.

La compétence universelle de la justice américaine devenue justice du monde n’avait qu’à plonger ses deux mains dans la marmite de la FIFA et le tour est joué. La presse allemande et britannique, en première ligne, accompagne et amplifie le mouvement, guide et oriente le dégoût universel vis à vis de cette cuisine à la sauce Blatter, faite de pots de vin et de dessous de table sur fond d’impunité et de peau de bananes contre les pauvres occidentaux.

L’Europe, et plus généralement l’Occident est victime des barbares et de leurs pratiques et le crime absolu de Sepp Blatter est de leur avoir ouvert les portes de cette planète Foot jusqu’alors hermétiquement fermée. Blatter a développé un système sophistiqué de gouvernance mondiale du Football qui repose principalement sur une universersalisation de sa base électorale, seule gage de la perpétuation de son pouvoir. Un populisme à l’échelle mondiale qui suppose de remettre chacun à sa place suivant le principe de base de toute démocratie : un Etat =une voix.

Moyennant quoi, africains, océaniens, latino-américains réunis ont un poids autrement plus important. L’Europe, et l’occident d’une manière générale, de ce chef, malgré son poids économique dans le monde, perd son hégémonie sur ce sport Roi.

Il est remarquable de constater que ce bouleversement de la géopolitique mondiale du sport , commencé sous le règne de Havelange, prédécesseur brésilien de Blatter, pleinement accompli sous l’ère de ce dernier, s’est effectué , non de manière concertée et consciente entre tous les acteurs dans le cadre d’une vision sportive mondiale démocratisée, mais suivant la logique des rapports de force du moment et le jeu strict des calculs d’intérêt des uns et des autres, sublimés par la recherche du profit personnel et les intérêts égoïstes des individus en rapport. Exactement la logique qui entretient et engraisse les Empereurs, Rois et Princes des grandes entreprises mondiales, leurs Etats, leurs actionnaires et managers qui raflent la mise (la manne) par toutes les voies possibles et partout où ils le peuvent, nonobstant toutes considérations éthiques ou morales.

L’Histoire mondiale du Football avance donc suivant la même logique générale que celle de l’Histoire tout court : très souvent par son côté pourri et non par ses idéaux moraux. De même que les nouveaux Emergents ont émergé en profitant de la logique contemporaine de ce capitalisme débridé qui a peu à peu détruit les anciennes zones d’influence exclusive issu du capitalisme du XIXème siècle, de même le football s’est mondialisé par démantèlement de l’hégémonie européenne et de ses partages sportifs ploutocratiques avec le sud du continent américain.

Il ne faut pas oublier que ce n’est qu’à partir de la seconde guerre mondiale que la FIFA adopta le principe de l’alternance entre l’Europe et l’Amérique pour l’organisation de la coupe du monde. Il a fallu attendre le début des années 2000 pour que soit accepté le principe du vote par les membres de la FIFA , six ans avant chaque édition, pour désigner les candidats et non l’imposition de ces derniers par le Comité Exécutif. En 2002, pour la première fois, l’Asie (candidature conjointe de la Corée et du Japon) est cooptée. Asiatiques et Africains, il est vrai s’étaient montrés de plus en plus pressants tout au long des années 70 et 80, en réclamant un nouvel ordre sportif mondial dans le sillage de la remise en cause de l’ordre économique et culturel dominant et notamment des reformes indispensables dans la gestion des institutions et forums mondiaux. Le Maroc se présente et perd contre la France en 1998 dans le cadre de ce mouvement général de reformes que Havelange initie et qui sera la grande affaire de Blatter.

Pour le Mundial de 2006, le Comité exécutif, réuni en juillet 2000 décide à l’issue de 3 tours de scrutins d’accorder l’organisation de la coupe à l’Allemagne au détriment de l’Afrique du Sud qui perd à une voix. La révolte gronde on verra pourqoui. Blatter surfe sur les réclamations et la grogne des petits et des moyens Etats puis instaure un système fondé sur le rôle prépondérant des Fédérations et des confédérations et sur les liens personnels qu’il tisse et renforce au gré de réalisations d’infrastructures sportives partout sur le continent africain et en Océanie, tout en sachant se montrer compréhensif voir généreux à l’égard des besoins d’image des anciens oligarques du Football comme par exemple l’avait reconnu explicitement le président de la Fédération française lors du dernier vote pour Blatter.

Pour donner plus de chance à tous, en 2010, entre en vigueur, en principe provisoirement, le principe de la rotation des continents pour l’organisation de la coupe. Une vraie révolution car cela implique qu’il n’ya plus d’exclusion d’un continent pour des raisons d’ordre économique ou infrastructurel puisque les efforts seront entrepris également par la FIFA ( considérablement enrichie par la révolution communicationnelle) pour rendre matériellement possible l’organisation des jeux. L’Afrique du Sud et le Maroc peuvent donc postuler avec un maximun de chances de l’obtenir. L’Afrique du Sud gagne la partie et organise donc l’édition de 2010.

Voilà pour la petite histoire et voilà au fond ce qui explique le charisme de Sepp Blatter auprès des décideurs des Fédérations et grandes confédérations des pays d’Asie, d’Afrique et d’Amérique Latine mais aussi auprès des responsables les plus intelligents des autres confédérations et Fédérations comme le Français M.Platini ( avant son revirement de dernière minute lors du dernier vote) ou comme le dit avec humilité le Président de la Fédération française reconnaissant le rôle joué par Blatter pour « l’octroi » de la prochaine coupe du monde féminine à son pays. L’on se souvient que dès l’annonce du début de la FIFAGATE par l’arrestation minutieusement mise en scène des principaux responsables de la FIFA par une police helvétique très coopérative avec la justice américaine, la presse occidentale s’est déchaînée, avec comme chefs d’orchestre, les journaux d’Allemagne et de Grande Bretagne.
L’évolution du Football mondial au cours des dernières décennies explique la vigueur des articles de cette grande presse contre Blatter , son crépuscule en tant qu’il est « leur » traître, pour avoir parrainé un système de corruption supposé ne profiter qu’ aux barbares des nouveaux mondes mais sur lequel régnait jusqu’alors une chape de plomb tant il départageait et arrangeait « leurs » compétiteurs à eux. Donc, au lendemain des révélations des enquêtes du FBI, le chauvinisme européen s’est déchaîné sans vergogne, alimentant toutes sortes de fantasmes anti-tiers-mondistes.

Le journal Allemand Bild, après avoir fustigé les divisions européennes face aux « autres » qui continuaient contre vents et marées à soutenir le « Corrompu » Blatter, s’en prend avec véhémence à Michel Platini, l’homme qui a « voté pour le Mondial au Qatar ( et dont le) fils fait des affaires avec les Cheikhs au Qatar. », l’homme qui, plus tard, dira être en faveur du Prince Ali de Jordanie contre Blatter au moment du vote de renouvellement du mandat de ce dernier et non pour un consensus européen en faveur de Wolfgang Nierschbach de la Fédération allemande de Football.

L’Afrique du Sud est au cœur de la tempête et les pires accusations lui sont portées pour avoir donné quelque 10millions de dollars à qui il fallait pour acheter les voix confédérales et fédérales ( notamment océaniennes) et obtenir le précieux sésame de l’organisation pour la première fois sur le continent Africain et avec comme figure de proue de ces jeux, Nelson Mandela lui même. Accessoirement, le Maroc est également visé et son image supposée ternie par une tentative échouée d’acheter l’organisation de la Coupe.

Seulement voilà. Le fond de la marmite n’avait pas du tout révélé tout son secret appétissant et c’est là où les arroseurs impénitents seront à leur tour arrosés par les mêmes sources de renseignements américains. Le pot aux roses est révélé par le Journal allemand Die Zeit du samedi 6 juin. Ce qu’il révèle explique la triste réalité de l’arrière cour du sport mondial, aux frontières de la géopolitique et de l’économie pure, en tout cas très loin de l’Univers de la Morale et de ses vertueuses performances footbalistiques. Si l’Afrique du Sud, vilipendée en 20015 à cause des révélations américaines par le Bild, a perdu l’organisation des jeux en 2006, c’est parce que l’Allemagne en a payé le prix pour gagner le challenge.

En 2000, l’Allemagne de Gerard Schroder a fait perdre l’Afrique du Sud par 12 voix contre 11. Parce qu’elle n’a rien épargné de sa puissance de feu industrielle et financière pour ce faire. Elle a procédé à des investissements massifs dans les différents pays membres de l’Exécutif de la FIFA. Elle a dépensé des millions et des millions d’euros (beaucoup plus que les chétifs 10millions sud africains !) par l’investissement d’entreprises allemandes dans des entreprises dont les proches étaient membres du conseil d’administration de la FIFA. Ainsi d’un groupe pharmaceutique ou d’un grand constructeur automobile dont la participation dans des entreprises en Thaïlande et en Corée du sud ont fait gagner à l’Allemagne deux voix précieuses ( par exemple le fils du fondateur de la société Hyundai siégeant au Conseil d’administration au moment où Daimler comme par hasard apporte de l’argent frais à la société sud coréenne).

Une Monarchie arabe puissante du Moyen Orient dont le vote est précieux elle aussi bénéficiera de grandes cargaisons de lance-missiles, toujours d’après le journal allemand qui a accédé aux sources américaines. Sans oublier l’accusation explicite portée par le Président de la Fédération congolaise de football et suivant laquelle Berlin a « racheté la voix de l’Océanie, illégalement (sic !), pour obtenir l’organisation de la coupe du monde ». Or, il ne faut pas oublier que l’Afrique du Sud avait perdu par une seule voix lors de ce vote du 6 juillet 2006, à 12 contre 11 !

Que ce soient ceux là même qui l’avaient fait perdre par ces procédés déloyaux fondés sur le pouvoir irrésistiblement séducteur de l’argent qui l’accusent, à tort ou à raison, d’avoir, infiniment moins en quantité d’euros, recouru aux mêmes arguments sonnants et trébuchants, comment ne pas en être scandalisés et peinés à la fois ?Toutes les transactions internationales, d’ordre commercial ou de prestation de services se traitent dans le monde suivant le principe des commissions et des intermédiaires et le monde anglo-saxon a théorisé cette pratique, c'est-à-dire légitimé et même légalisé par le joli anglicisme universel qu’est le lobbyisme.

Comment s’appelle la contrepartie d’un travail de lobbyisme ? « Mystère » ou « commissions » ? On est là au cœur d’une organisation tout à fait naturelle du système des rapports économiques et sociaux globaux et locaux, dont le fonctionnement spontané a débouché sur une mise en cause des routines antérieures. C’est ce que le « Système Blatter » a pour ainsi dire élargi et démocratisé c'est-à-dire ouvert à d’autres espaces qu’à ceux dans lesquels il était jusqu’alors cantonné et en faveur d’autres bénéficiaires que ceux auxquels le monde occidental était jusqu’ici habitué. Il serait étonnant de penser que ce que les services de renseignements américains ont révélé n’était pas pour les services des autres pays, un vrai secret de Polichinelle.

Le bilan est accablant, en définitive, au point que « chaque attribution d’une coupe du Monde de la FIFA semble être une interrogation » ( Dixit, Degmar Freitag Présidente de la Commission des Sports du Bundestag allemand)… Sepp Blatter est ce qu’il est. Un homme de compromis mondial pour reformer un système devenu irréductiblement dépassé par ses propres limites. Il n’a pas inventé un nouveau système. Il l’ a tout juste élargi, accentuant ainsi sans doute les risques de faillite au moins morale qui lui sont inhérents.

Pris les mains en plein dans la confiture de la corruption, les européens ( pour l’instant ce sont les allemands ), au même titre que les autres pays des autres continents doivent accepter avec lucidité que le vrai enjeu dans cette triste affaire n’est pas le sort d’un homme aujourd’hui décrié mais qui, malgré ses torts a fait bien plus que n’importe qui pour le Football mondial parmi ses prédécesseurs à son poste. L’enjeu véritable est de redonner au Football et au sport en général sa vraie valeur et sa vraie valeur- fonction : celle de rapprocher les peuples et de contribuer à créer un monde de paix, unique et fraternel. En dehors de cela, il n’ya aucune raison pour que les Africains, les Marocains et les sud africains en l’espèce, aient à servir de paratonnerre moral à un système qui n’ en a aucune !

Lô Gourmo Abdoul




Source : Lô Gourmo Abdoul

Lundi 8 Juin 2015
Boolumbal Boolumbal
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