Le terrorisme, menace principale pour la Mauritanie



Le terrorisme, menace principale pour la Mauritanie
Courageuses ! Les dernières déclarations publiques du Président Mohamed Ould Abdel Aziz à l’issue de sa visite à l’hôpital Zayed à propos de la situation sécuritaire du pays, sont courageuses, inédites et d’une lucidité ! Tous les mauritaniens sont d’accord avec leur Président sur le fait que leur sécurité n’est pas au mieux de sa forme.

Je suis heureux qu’une telle prise de conscience se soit manifestée en si haut lieu. J’espère surtout qu’elle va aider à lever tous les tabous qui empêchent le débat sur notre sécurité et notre défense. Aussi, je suis sûr que le Président ne m’en voudra pas de saisir l’opportunité qu’il m’offre pour exprimer mon avis sur la manière avec laquelle il dit vouloir renforcer nos Forces Armées et de Sécurité afin de leur permettre d’être plus efficaces. Et d’emblée je lui dis que la meilleure méthode n’est pas de renforcer seulement notre outil sécuritaire mais de repenser toute notre politique de défense en visant un seul objectif essentiel : éliminer la menace principale que représente aujourd’hui pour le pays le terrorisme.

Depuis 2005, le terrorisme est devenu la première menace pour le pays. Cette nouvelle donne n’a jamais été prise en compte par aucun pouvoir sauf celui d’Ould Abdel Aziz. Et encore partiellement. Je m’explique.

La prise en compte du terrorisme suppose la mise en place d’un plan global qui prenne en compte tous les aspects de la lutte contre ce phénomène. L’aspect militaire de ce plan s’est limité pour le moment à la mise sur pied de quelques escadrons que l’on a fait parader sur une dune de ce grand désert qu’est la Mauritanie. Il faut croire que cette belle démonstration de force n’a pas eu d’effet sur les terroristes.

A mon avis, le commandement n’a pas pris en compte, dans son analyse de la situation, toutes les données qui s’offrent à lui.
Nous savons que la base arrière de ce terrorisme qui nous frappe se trouve dans un no man’s land quelque part à cheval entre les frontières des trois pays : Algérie, Mali et Mauritanie. Nous savons que l’ennemi a la possibilité d’opérer chez nous par infiltration (opération Lemgheity, Ghallawiya et Tourine) ou par éléments pré positionnés (cellules dormantes genre celle de Ould Semane ou des ravisseurs des espagnols). Nous savons enfin que nous ne pouvons l’empêcher totalement de s’infiltrer dans le pays et aucun pays au monde n’a encore réussi à rendre étanches ses frontières.

L’affectation de quelques escadrons pour mettre fin à ces infiltrations est insuffisante. C’est à une révision générale des implantations militaires qu’il faut procéder. Comme je l’ai déjà écrit en 2007 dans les colonnes d’un journal de la place, il faut impérativement ramener à Tidjikja l’une des régions militaires implantées dans le sud (Sélibaby, Aleg ou Nouakchott) et renforcer les trois régions militaires sur le front, à savoir la 2ème (Zouérate), la 3ème (Atar) et la 5ème (Néma). L’objectif de ce dispositif est de rendre difficile une infiltration ennemie et impossible son exfiltration. Et ce d’autant plus que nous avons la chance de savoir que l’ennemi infiltré, et particulièrement quant il a des otages, ne peut emprunter d’autres voies que celles qui le mèneront, par le Nord Est, vers ses bases. Or le Nord Est mauritanien c’est d’abord un verrou, le Tagant. C’est aussi une zone inhabitée, en forme d’arc de cercle qui va de Cheggatt à la pointe du Tiris Zemmour jusqu’à Zouéna au Hodh Charghi à la frontière malienne, en passant par Lemgheity et El Ghallawiya (lieux d’attaques ennemies), Tichitt, Aratane (lieu d’attaque du Rallye Paris Dakar), Oualata et N’Khaïlé. C’est enfin une zone stratégique de premier ordre que l’on dit receler du pétrole et surtout du gaz.

Un plan global de lutte contre le terrorisme devra comporter un volet préventif comprenant des mesures simples à appliquer en permanence. Il me semble que la prévention y a été oubliée. J’ai même tendance à penser qu’il n’y a même pas de plan préétabli de lutte contre le terrorisme. Sinon comment expliquer qu’une mission étrangère formée d’un convoi de 17 véhicules soit attaquée aux portes de notre capitale et 3 de ses membres amenés en otage sans coup férir ? Quand on a pris la mesure d’une menace, l’on fait tout pour l’éviter et, le cas échéant, y faire face. Dans tous les cas, cette menace ne peut plus vous surprendre. Or non seulement nous n’avons rien fait pour éviter toutes les attaques terroristes, de Lemgheity au rapt des espagnols, mais nous avons été à chaque fois surpris. C’est particulièrement valable en ce qui concerne le rapt des espagnols. Cette mission a séjourné à Nouadhibou. Dans la région de Dakhlet Nouadhibou, il y a une Région Militaire, des unités de la marine, une compagnie de Gendarmerie et un Groupement de la Garde, des Escadrons de Maintien de l’Ordre de ces deux Corps, une Direction Régionale de la Sûreté comprenant 2 commissariats et des compagnies de maintien de l’ordre. Toutes ces forces sont à la disposition du représentant du Gouvernement, le Wali, auprès de qui la mission séjournait. Malgré tout, le convoi de cette mission a quitté Nouadhibou sans escorte. Le Wali de Nouadhibou n’a pas pensé aux risques que cette mission peut courir. Aucun de ses collaborateurs en charge de la sécurité n’a estimé devoir le lui rappeler. Pourtant, une simple navette ou, à défaut, 4 éléments armés dispersés dans le convoi auraient peut être pu éviter cette tragédie.

L’éradication du terrorisme ne peut être obtenue seulement par l’action militaire. Elle appelle aussi des actions économiques, sociales et d’encadrement religieux (centre de formation des imams et insertion des mahadras dans le système scolaire national).

Malheureusement et de manière générale, notre sécurité est plutôt perçue sous l’angle de l’immédiateté. Même quand le phénomène de sécurité est bien appréhendé, comme c’est le cas aujourd’hui par le Président de la République du terrorisme, on préfère attendre sa manifestation pour agir et de manière désordonnée.


Ahmed Jiddou Aly
Biladi du 14 décembre 2009


Source: Taqadoumy

Lundi 14 Décembre 2009
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