Le président Aziz peut-il gouverner sans majorité ?



Le président Aziz peut-il gouverner sans majorité ?
" Gouverner, c'est prévoir ". La formule d'Emile de Girardin est bien connue, mais malheureusement, elle ne correspond pas toujours à la réalité. La faculté de prévoir devrait pourtant être la qualité de l'homme politique. Car ce que les citoyens attendent de leurs élus, notamment du Premier Magistrat du pays, c'est précisément qu'ils soient en capacité d'anticiper les nécessaires évolutions à venir pour mieux préparer l'avenir. Bien des problèmes pourraient être évités s'ils étaient pensés à temps.
Tout le monde est d’avis que le Président de la République, Mohamed Ould Abdel Aziz ne dispose pas d'une majorité en phase avec lui. C'est ce qui ressort de la rencontre de la fin de semaine dernière entre le président de la République et les élus de sa majorité dont l'action politique d'avant-garde reste très en deçà des espérances. Applaudir à tout va la volonté du Prince, n'est pas forcément un signe de soutien efficace à la politique de celui-ci. L'approbation aveugle des idées et actes d'un président nouvellement élu peut même être source de perdition, synonyme de trahison et précipitation d'un pouvoir qui ne doit tirer sa légitimité que de son adaptabilité - son adaptation - aux principes démocratiques et aux attentes des populations. Gouverner avec sagesse, c'est prévoir les actes et les mesures qui peuvent rendre la vie des citoyens plus agréable, qui le nierait ? Mais l'action d'un président ne doit pas se borner à cette seule préoccupation. C'est le rôle des élus que de faire face à l'avenir. Les élus de la Majorité, s'entend. Il leur faut, dès maintenant, préparer et organiser l'adaptation de la vie politique dans la perspective des cinq années à venir. La question qui, à l'avenir, sera au centre de toutes les problématiques (politique, économique, sociale, environnementale, urbanistique… est celle de l'Unité nationale, de la cohésion sociale et de la préservation des acquis. Tous les acquis, y compris ceux qu'on renie aujourd'hui au régime de l'ancien président Taya !

Chacun le sent bien : la Majorité " azizienne " présente ne joue pas son rôle. On dirait même qu'elle ne fait que suivre le mouvement, sans chercher à jouer un rôle agissant dans la mise en place de la nouvelle politique du pouvoir. Il ne suffit pas d'organiser des marches contre la gabegie, de fustiger le terrorisme et de s'attaquer dans les médias officiels à l'opposition pour servir avec efficacité le programme multisectoriel du président Mohamed Ould Abdel Aziz. Il faut positiver les actions de celui-ci certes, mais le prévenir aussi des erreurs possibles. Surtout que la crise économique qui s'annonce, la crise politique résurgente dans laquelle nous sommes déjà entrés, avec le retour sur scène d'une opposition de plus en plus critique, nous obligent à repenser la question du développement sous l'angle de la durée. Ainsi, les solutions ne peuvent être que collectives.

La tentative d'exclusion de certains partis de la Majorité par d'autres est une inconséquence notoire de même nature que celle qui cherche à tordre le cou à l'opposition et à museler une presse privée qui ne se prive pas de jouer son rôle de quatrième pouvoir. Ce sont nos modes de vie de demain qu'il nous faut imaginer aujourd'hui. Ils seront forcément différents de ce que la gestion de la crise politique, sous le Haut Conseil d'Etat (HCE), a révélé et du traitement, particulièrement incohérent, de l'affaire dite de la BCM.

Dans notre situation de pays sous développé, connu pour être celui de l'instabilité politique, cette question revêt une acuité toute particulière. En raison de la mauvaise renommée que des coups d'Etats (et des tentatives avortées de prises de pouvoir par la force) confèrent à notre pays. Après une transition militaire (2005 - 2007) et une " rectification " à rebondissements (06 août 2008 - 18 juillet 2009), les hommes politiques de toute obédience doivent œuvrer à ce que cessent ces dérives qui retardent le développement du pays, si elles ne remettent toujours les compteurs à zéro. On n'en veut pour preuve que la disparition des archives de l'Agence Mauritanienne d'Information (AMI) qui commence l'Histoire un certain 06 août 2008 ! C'est là raisonner pour demain avec des idées d'hier.


Une majorité qui gouverne,

une opposition qui surveille

La crise politique dans laquelle le pays s'est débattu deux années durant, les graves problèmes économiques endémiques, la nécessité de penser différemment le développement durable, tout cela doit être pris en compte dans la réflexion à mener par le pouvoir actuel pour opérer le " changement constructif " credo de sa politique de gouvernance positive.

Il n'y a donc de contradiction qu'apparente entre la notion de " la Majorité qui gouverne " et d'Opposition qui surveille, un peu à l'image de celle qui existe entre la notion de développement durable et celle de croissance. A quoi cela servirait-il de connaître une croissance sans fin si celle-ci ne se traduisait pas par une amélioration réelle des conditions de vie ? L'éducation, la culture, la santé sont des objectifs de croissance bien plus importants que l'accumulation de biens de consommation souvent superflus. De même, une Majorité qui s'obstine à voir les choses en fonction de ses intérêts propres ne peut aider le président de la République à gagner son pari : faire adhérer tous les Mauritaniens à ses projets réformistes. On peut même dire qu'elle nage à contre-courant, provoquant des malaises politiques pires que ceux résultant de l'attitude réfractaire, et tout à fait naturelle, de l'opposition !

C'est ainsi que, pour Mohamed Ould Abdel Aziz, être le président de tous les Mauritaniens (comme le veut la Constitution), se poser en arbitre, plutôt qu'un juge et partie, même si le soutien d'une majorité reste nécessaire à l'action de son gouvernement, affranchit des contraintes de la politique politicienne et des pesanteurs des conflits d'intérêts de tous genres. Libre de tout engagement qui ne va pas dans le sens de la consolidation de l'unité nationale, du développement du pays, de la gestion rationnelle des biens publics, de l'instauration de la justice et de l'équité, le président de la République ne prendrait ainsi aucun risque de s'isoler et de ralentir un projet de société qui représente l'avenir, et qui, de toute façon, deviendra indispensable. Tous les Mauritaniens adhèrent à ce principe mais veillent à son application avec sagesse. " On gouverne les hommes avec la tête. On ne joue pas aux échecs avec un bon cœur ", disait Chamfort, célèbre moraliste français du XVIIIème siècle.


Source: Lauthentique

Mercredi 6 Janvier 2010
Boolumbal Boolumbal
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