Kemal Ould Mohamedou menace le Président de la République



Kemal Ould Mohamedou menace le Président de la République
Peu après la confirmation de Moulaye Ould Mohamed Lagdhaf comme premier ministre en application des accords de Dakar, ce dernier fait l'objet d'une enquête financière menée, en sous main, pour le compte de son ministre des affaires étrangères Mohamed Mahmoud Ould Mohamedou.

Le calcul de ce dernier est simple : si Ould Abdel Aziz gagne, Ould Mohamedou s'estime le mieux placé pour former le gouvernement. N'est ce pas lui qui aura coordonné l'action diplomatique pro-putsch, dans un contexte hostile ? N'a-t-il pas, au travers de ses réseaux dans la presse étrangère et les grandes universités, contribué à préparer le terrain du coup d'Etat du 6 août 2008 ?

Il reste cependant la possibilité que Ould Abdel Aziz reconduise l’insipide et neutre Ould Mohamed Lagdhaf, un tel choix lui évitant de faire des jaloux. Écarter Ould Mohamed Lagdhaf est devenu donc la priorité du chef de la diplomatie d'alors ; voilà pourquoi il charge son frère d'approfondir le seul dossier de détournement présumé, susceptible d'éclabousser le premier ministre : son ONG.

En effet, avant de devenir ambassadeur de Mauritanie à Bruxelles, Ould Mohamed Lagdhaf dirigeait une association de développement, bailleur de forages dans des conditions financières pas toujours transparentes. Pour son investigation, Kemal Ould Mohamedou fait appel à Mohamed Lemine Ould Dadde, commissaire des droits de l'Homme et ami de longue date du premier ministre ; Ould Dadde refuse tout net de le trahir. Dès lors, il est classé, par Kemal, dans la case des ennemis à abattre.

Le dossier est finalement ficelé et "fuité" à l'Inspection Générale de l'État (IGE) qui en informe la Présidence. Ould Abdel Aziz, alors simple candidat, pique une colère mémorable et fait remarquer, à ses deux cousins, le risque qu'ils font courir à la campagne. Il leurs rappelle également que, même si Ould Mohamed Lagdhaf est impliqué, personne ne pourrait le limoger, compte tenu de sa désignation en vertu d'un accord international. Partant, si l'IGE menait le contrôle, non seulement ils n’évinceraient pas Ould Mohamed Lagdhaf mais le scandale éclabousserait la campagne électorale et compromettrait sérieusement les chances de Ould Abdel Aziz.

Après la présidentielle, le Président nouvellement élu a signifié, à Ould Mohamedou, son congé du gouvernement. Selon nos sources, ce dernier lui aurait alors suggéré le vœu de devenir délégué de la Mauritanie auprès de l'Organisation des Nations Unies à New-York ; il lui était impossible d'occuper l'ambassade à Washington, parce que porteur de la nationalité américaine. En effet, la loi fédérale interdit, aux citoyens, de représenter un pays tiers sur le sol des États-Unis.

Récemment, Ould Mohamedou commence à s’impatienter ; il aurait fait parvenir, à Ould Abdel Aziz, son second choix : il ne serait pas mécontent de prendre la tête de la délégation de Mauritanie, auprès de l'ONU, cette fois-ci à Genève.

Même s'il a vu ses ambitions à la baisse, Ould Mohamedou désespère tout de même. Pour preuve, ce échange étrange entre son frère Kemal et le député Mohamed Ould Bebana, à bord d'un avion qui les transportait, il y a de cela quelques jours, de Rabat à Nouakchott.

Ould Bebana se plaint à Kemal que Ould Abdel Aziz n'ait pas tenu ses promesses. Il rappelle les circonstances : Pendant la fronde parlementaire, Ould Bebana avait été l'un des tout premiers députés du Rassemblement des forces démocratiques (RFD) à soutenir le mouvement, avant même que son parti n'engage les hostilités vis-à-vis du Président de la République Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdellahi.

Pendant la campagne présidentielle, Ould Bebana choisit le camp de Ould Abdel Aziz, alors même que son parti, le RFD, décidait de présenter la candidature de Ould Daddah à cette compétition.

Eddou Ould Bebana, frère du député, était fonctionnaire au ministère de la justice. Selon Ould Bebana, Ould Abdel Aziz l'avait placé consul à Djeddah et avait promis de l’élever ministre de la justice, en cas de victoire. Et Ould Bebana demande, à Kemal, de rappeler, à Ould Abdel Aziz, son engagement d’alors.

Là, Kemal confie, à un Ould Bebana incrédule, combien ses rapports avec Ould Abdel Aziz ne sont au beau fixe ; pour lui, Ould Abdel Aziz a fini par oublier les gens qui ont fait de lui ce qu'il est devenu, l'ont épaulé pendant son isolement sur la scène internationale ; il aurait aussi menacé de disgrâce, ceux là qui l'ont imposé, contre la volonté de tous, au point d’en en faire un Président.

Pas très contrariant par nature, plutôt bien élevé et courtois, Ould Bebana abonde dans le sens de son interlocuteur ; il surenchérit en termes d’allusions pro-domo : Ould Abdel Aziz écarte ceux qui l'ont aidé, parfois contre leurs partis, amis et intérêts personnels. Il leur préfère les arrivistes et les flagorneurs sournois qui le combattaient quand sa victoire n'était pas acquise.

De ces confidences au consensus contagieux, Kemal conclut, menaçant : "il l’oublie sans doute, les mêmes qui ont fait de lui un Président son capable de le réduire à néant". Là, Ould Bebana sent le feu brûlant de la ligne rouge et n’ajoute mot.

Les deux se murent alors, chacun détourné de l’autre, dans le silence jusqu'au moment où les pneus de l'avion Royal Air Maroc crissent sur le bitume de l'aéroport international de Nouakchott.



Source:Taqadoumy


Jeudi 12 Novembre 2009
Boolumbal Boolumbal
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