
ASPECTS GEOSTRATEGIQUES
Face aux menaces liées au trafic de drogue, au terrorisme jihadiste et l’immigration clandestine :
Nécessité d’une coopération régionale et internationale renforcée
1. INTRODUCTION
La Mauritanie est en train d’être projetée sous les feux de l’actualité après l’apparition en simultané sur son territoire de menaces graves et inédites liées au trafic de drogue, au terrorisme jihadiste et à l’immigration clandestine. On assiste, désormais, à une réactivation des circulations sahariennes. Non plus à travers le commerce caravanier mais à travers l’irruption des trafics illégaux du crime organisé. Ces réseaux tentent de faire de ces immensités désertiques difficilement contrôlables un refuge et une zone de transit pour leurs trafics de tout genre en direction du Maghreb et l’Europe. Sous nos yeux, une nouvelle donne géopolitique est en train de prendre rapidement forme. Cette récidive d’un Sahara animé pourrait restituer au pays son rôle de passerelle active entre la région méditerranéenne et l’Afrique subsaharienne. Cette fois ci, possible passerelle-poudrière, si l’on ne prend pas les précautions nécessaires pour contenir ces dérives en gestation.
Ces graves défis sont en train de transformer le visage géopolitique du pays. Nouveau visage auquel la coopération internationale doit s’adapter en passant d’une logique d’aide à une logique d’entraide. Il va de soi que cet effort est d’abord militaire et sécuritaire, plus fondamentalement, il est politique et économique. Simultanément il doit être national et international.
2. LA MAURITANIE : CARACTERISATION D’UNE GEOPOLITIQUE
a. Une position géographique confrontée à des menaces inédites
Avec un flanc européen situé à 800 km de ces côtes, un voisinage immédiat avec la façade méditerranéenne à travers le Maghreb, et un arrimage à l’Afrique de l’Ouest conjugués avec une position Atlantique centrale, la Mauritanie constitue un véritable carrefour de routes commerciales terrestres et maritimes et un espace de contact entre ces trois espaces stratégiques. L’axe routier qui relie désormais le pays au Maroc et au-delà à l’Europe et les milliers de véhicules qui le sillonnent en provenance ou en partance vers le Sénégal, le Mali et au-delà vers l’Afrique subsaharienne illustrent davantage cette position médiane.
A cause justement de cette double appartenance au Nord et au Sud, certains spécialistes, parlant de la Mauritanie évoquent un pays à la double marginalité ; A la marge du Monde arabe, puisque situé à son extrémité sud, à la marge de l’Afrique de l’Ouest, puisqu’à son extrémité Nord. D’autres préfèrent parler d’un pays trait-d’union entre l’Afrique noire et l’Afrique Blanche. Mais quoi qu’on dise, il est évident que cette position géographique privilégiée prédispose ce pays tout à la fois à être ou un vecteur de concorde et de brassage ou un espace de discorde et de choc.
La Mauritanie c’est aussi cet immense espace désertique quasiment inhabité et sous administré qui prolonge la bande nord sahélienne et le Sahara du sud maghrébin.
Cette position géographique exceptionnelle qu’on vient de décrire brièvement est en train de remodeler la géopolitique du pays pour en faire une première ligne dans le combat qui oppose désormais tout l’espace euro-méditerranéen et sahélien aux menaces terroristes émergentes :
• Le terrorisme jihadistes, cherchant à transformer les espaces sahariens de la Mauritanie, du Mali et de l’Algérie en refuge et en base arrière.
• Les réseaux de passeurs d’immigrés clandestins exploitant la tragédie de milliers de jeunes africains tentés par le mirage du marché de l’emploi européen. A ce sujet on se rappelle ces dizaines d’embarcations de fortunes arraisonnées par la marine espagnole au cours de leurs tentatives de débarquer des centaines de clandestins sur les côtés canariennes. On se rappelle aussi les grands efforts déployés par la Mauritanie pour contenir cet exode (surveillance des frontières, hébergement, refoulement etc.)
• Les narcotrafiquants à leur tour, œuvrant activement à faire de cette zone un espace de transit pour leurs cargaisons de stupéfiants, sans oublier la multiplication des trafics illégaux d’armes, de cigarettes et de véhicules.
b. Un potentiel économique jusqu’ici à l’abri de convoitises internationales significatives
Cette position géographique importante se double d’une richesse en ressources naturelles et minière diversifiées. Avec le fleuve Sénégal, le pays dispose d’un important potentiel de terres irrigables dont la mise en valeur a commencé depuis la fin des grands barrages réalisés dans le cadre de l’Organisation pour la Mise en Valeur du Fleuve Sénégal (OMVS). La Mauritanie est aussi un important pays d’élevage, ce sous-secteur garantit déjà l’autosuffisance du pays en viandes rouges.
En matière de ressources halieutiques, les côtes mauritaniennes sont réputées être parmi les plus poissonneuses du monde. La filière pêche industrielle exporte annuellement 800.000 tonnes de poissons. La pêche artisanale assure quant à elle une production de 80 000 tonnes/an.
La Mauritanie possède aussi d’importantes ressources minières ; Le secteur minier dispose d’énormes potentialités. Avec 11 millions de tonnes exportées en 2008, le pays est le deuxième exportateur du minerai de fer d’Afrique.
Sur le plan énergétique, la Mauritanie est devenue un timide producteur de pétrole ; mais d’ores et déjà, le stade auquel sont parvenues les recherches actuelles laisse croire que les perspectives pétrolières du pays sont prometteuses.
Sur le plan géopolitique, ce potentiel d’opportunité, quoi qu’important, n’a pas encore attisé de convoitises internationales significatives. Les virtualités conflictuelles liées à la géographie économique demeurent de peu d’effets dans la définition de la nouvelle donne du pays. Jusqu’à présent, l’exploration et l’exploitation de ces ressources n’ont pas suffisamment d’importance pour aller crescendo alimenter des rivalités internationales ouvertes autour des concessions et des parts de marché comme cela se passent dans de nombreux pays africains.
c. Un pays sous peuplé à structure de population plurielle
La Mauritanie avec plus d’un million de KM2 et une population d’environ trois (3) Millions d’habitants demeure un pays sous peuplé. Ce qui pose de sérieux problèmes de géopolitique interne à l’État : Contrôle des frontières, relais administratifs, aménagement du territoire, allocations des ressources, industrialisation, etc.
Compte tenu du faible niveau d’identification au jeune État nation proclamé en 1960, du manque d’enracinement d’une culture citoyenne qui deviendrait le creuset propice à l’émergence d’un contrat social fédérateur, la diversité ethnique continue de temps à autre d’alimenter des poussées particularistes la plupart du temps instrumentalisées par des mouvements politiques minoritaires dans le cadre de leurs stratégies de pouvoir.
À ce sujet, il ya lieu de faire remarquer toutefois que l’homogénéité religieuse du pays et son appartenance à un Islam modéré ont joué un rôle déterminant dans la résistance du jeune édifice national face à ces tentatives de déstabilisation. Cette unité religieuse explique probablement aussi la raréfaction de ce genre de soubresauts tout au long des cinquante dernières années. Cet impact remarquable apparaît nettement encore si on le restitue dans une perspective comparative avec certains espaces africains et d’ailleurs qui furent, malheureusement, ravagés par ce genre de luttes et d’affrontements ethniques.
3. FACE A CES DÉFIS MAJEURS, QUE FAIRE ?
On vient de voir que le potentiel économique du pays demeure à l’abri de la lutte d’influence entre les grandes puissances, que les virtualités conflictuelles liées à l’importante position géographique du pays s’actualisent de plus en plus et que la complexité de la structure de la population inquiète de temps à autre.
Ce constat soulève deux questions fondamentales : que fait la Mauritanie pour contenir ou pour prévenir ces défis géopolitiques ? Que doit faire la communauté internationale pour l’épauler dans cet engagement qui devient en définitive par certains de ses aspects, une sorte de mobilisation par procuration pour la défense de tout l’espace euro- Méditerranéen et Sahélien ?
a. Un effort national résolument tourné vers l’avenir
La consolidation de l’unité nationale, le pari sur le développement économique et social et la démocratisation politique conjuguée avec une coopération régionale et internationale mutuellement bénéfique constituent les principaux piliers de la stratégie nationale visant à résister face à ces différents défis.
b. Une unité nationale en consolidation
La secousse induite par les évènements de 89-90 a fini par convaincre la grande majorité des élites du pays de la nécessité d’œuvrer sincèrement en faveur de l’unité nationale.
Sur ce plan, on constate la fin de l’opération menée par le gouvernement mauritanien en collaboration avec le HCR et qui a permis le retour des réfugiés mauritaniens installés au Sénégal et au Mali suite aux douloureux événements enclenchés en 1989. Ce processus de rapatriement volontaire a été engagé en janvier 2008 à l’issue de l’accord tripartite conclu entre la Mauritanie, le Sénégal et le HCR. À cet effet, il a été créé en 2008, une Agence Nationale d’Appui et d’Insertion des Réfugiés (ANAIR). Ce retour auquel ont été associées les organisations des réfugiés comme celles des Droits de l’Homme, a été bouclé le 31 décembre 2009 avec plus de 19000 rapatriés. Grâce à la volonté affirmée par les hautes autorités de l’État, des résultats appréciables ont été atteints dans ce domaine. Si l’opération de rapatriement est jugée globalement réussie, celle de l’insertion socioéconomique de ces populations reste plus complexe à cause des grands moyens financiers qu’elle exige. Pour autant le pays n’a pas attendu.
Cet engagement en faveur de l’unité nationale ressort aussi à travers la visite hautement symbolique du Président de la République au sud du pays, visite au cours de laquelle, ce dernier a affirmé la ferme volonté de l’État de résoudre tous les dossiers relatifs aux droits de l’homme, à travers une démarche qui conjugue à la fois justice et unité nationale.
Dans le droit fil de ce souci de consolidation de l’unité nationale, la Mauritanie s’est engagée dans un ambitieux programme visant à atteindre les priorités nationales en matière de lutte contre la pauvreté, de promotion des droits et des libertés, et de consolidation de l’État de droit, telles que formulées dans le Cadre Stratégique de Lutte contre la Pauvreté, notamment en son axe IV, relatif à la bonne gouvernance.
Les programmes mis en œuvre dans ce domaine visent à permettre au pays de mieux répondre aux exigences des conventions internationales, en particulier celles relatives à la protection des droits de l’Homme (non-discrimination, éradication de l’esclavage). Les efforts entrepris en ce sens se focalisent sur le renforcement du dialogue, eu égard à son impact décisif sur la consolidation de la paix à travers la mise en place de cadres de concertation et de mécanismes de gestion des conflits aux niveaux national et local. Ils visent également à stimuler un changement des mentalités, contribuant au développement de la confiance dans l’État, garant de la cohésion nationale.
Sur le plan général de la recherche de la stabilité politique, la Mauritanie se tourne résolument vers l’avenir. La normalisation politique a permis l’instauration d’un climat propice à l’enracinement des valeurs démocratiques. Actuellement, la Mauritanie est l’un des rares pays du tiers monde où la presse y est libre. Les partis politiques et les syndicats travaillent et militent au grand jour.
Ce consensus national retrouvé, conjugué avec une solidarité et une mobilisation internationales agissantes a garanti un climat serein aux dernières élections présidentielles qui de l’avis de la majorité des observateurs nationaux et internationaux furent des élections transparentes. Ce qui a finalement permis au pays de revenir à l’ordre constitutionnel, retour synonyme d’une scène nationale apaisée, à nouveau théâtre de tensions politiques réduites aux minimums classiques du tiraillement majorité –opposition comme cela se passe dans toute démocratie.
c. Une sécurité nationale prioritaire
Parallèlement à la consolidation de l’unité nationale du pays, la Mauritanie se mobilise pour affronter les menaces inédites déjà évoquées. Ce combat se déroule simultanément sur plusieurs fronts :
Le renforcement des moyens et des compétences de notre armée nationale et de nos forces de sécurités. Malgré ses moyens limités, la Mauritanie est en train de moderniser et de professionnaliser ses unités de manière à pouvoir s’adapter aux nouveaux enjeux. Le développement de nos capacités en matière de renseignement accompagne aussi cet effort militaire.
Sur le plan culturel et idéologique, le pays vient d’engager une série d’efforts destinés à démystifier et à contredire l’idéologie jihadiste à travers l’organisation de colloques, de séminaires et de programmes de sensibilisation. Partant du principe que la stabilité politique est avant tout une affaire de développement économique, visant entre autres priorités la promotion de la croissance économique durable créatrice d’emplois et réductrice de la pauvreté, l’amélioration des conditions de vie des populations notamment des plus démunies, la diversification de l’économie, l’instauration d’un environnement favorable à l’investissement privé national et international, le développement des ressources humaines et la réduction de la pauvreté, le gouvernement a lancé d’importants chantiers dans ce domaine au lendemain de son investiture.
Ces efforts s’accompagnent d’une série de réformes institutionnelles visant à instaurer une bonne gouvernance. Dans ce cadre, il importe de rappeler aussi la nouvelle approche du pays en matière de lutte contre la corruption, approche qui consacre le respect de la chose publique et la fin de l’impunité.
L’autre front de ce théâtre d’actions reste la coopération internationale et régionale en matière de lutte contre les réseaux criminels. Le pays coopère étroitement, tout à la fois, avec les pays frontaliers ainsi qu’avec l’Union européenne et les États-Unis en vue de faire face ensemble. Cette coopération embrasse tous les aspects qu’ils soient de l’ordre de la documentation et du renseignement ou en matière de coordination militaire, d’appui logistique et de formation.
d. La solidarité internationale : passer de la notion de l’aide à celle d’entraide
Face à tous ces défis et particulièrement face aux tentatives du terrorisme international, visant à transformer le pays, en un refuge d’où il peut sévir en toute impunité, la Mauritanie invite tous ses amis et ses partenaires au développement à la rejoindre, en vue de renforcer et de compléter son effort propre.
Dans le langage ordinaire, la communauté internationale doit aider la Mauritanie. Dans le langage de la nouvelle donne géopolitique, La Mauritanie et la Communauté internationale doivent s’entraider. À ce sujet, il ya lieu de revenir justement à cette nouvelle réactivation des circulations sahariennes par le biais du terrorisme international en vue d’en déduire la nécessité pour l’aide internationale d’évoluer du cadre traditionnel de l’aide au développent vers une nouvelle approche centrée sur la défense des intérêts communs. D’espace confronté au péril géopolitique de la fragilité structurelle, des jeunes États nation en gestation que ça soit par rapport aux risques de fractures ethno nationalistes ou par rapport à « des identités primordiales instrumentalisées dans les stratégies de pouvoir et des luttes de classement social », le nouveau visage géopolitique de la Mauritanie devient autre chose de plus fondamental. Le pays retrouve sa position charnière entre le Nord et le Sud à cause justement de cette réactivation des circulations sahariennes. Cette nouvelle donne géopolitique nous invite à reconsidérer les craintes habituellement liées à ce potentiel conflictuel qu’on vient d’évoquer pour se positionner cette fois-ci par rapport à ce nouveau statut de nœud géopolitique que devient le pays.
Jusqu’à récemment, ce sont nos problèmes internes ; notre sécheresse, nos inondations, nos réfugiés, notre pauvreté qui mobilisent l’aide internationale. Avec l’irruption brutale du terrorisme, sur les marches nord de notre immense territoire et à cause des menaces que cela constitue à la fois pour notre sécurité nationale et pour celle de nos amis, on assiste à l’apparition d’une nouvelle donne stratégique bâtie sur l’enchevêtrement des intérêts nationaux et internationaux.
Dans le nouveau cas de figure, la stabilité de la Mauritanie fait partie intégrante de la stabilité de tout l’espace euro-méditerranéen et de celle du Sahel. Affirmer désormais que la sécurité du citoyen espagnol ou français se confond en partie avec celle du marocain, du mauritanien et du sénégalais n’est pas dénué de tout fondement. D’ailleurs, c’est cet enchevêtrement des intérêts qui constitue l’ossature philosophique du traité de Barcelone, traité qui reconnaît à la Mauritanie le statut de membre à part entière dans l’ensemble méditerranéen. Rappelons que ce traité jette les bases de cette nouvelle philosophie d’entraide à travers l’identification de trois types de partenariats stratégiques à savoir, le politico sécuritaire, qui définit un espace communautaire de paix et de stabilité, le partenariat économico-financier qui délimite une zone de prospérité partagée et le partenariat social, culturel et humain visant à développer les ressources humaines, favoriser la compréhension entre les cultures et les échanges entre les sociétés civiles des différents membres. C’est en vertu de cette philosophie que la Mauritanie participe également au dialogue 5 plus 5 visant à renforcer le processus initié à Barcelone. S’inscrivant dans cette nouvelle approche d’intégration régionale, la Mauritanie invite ses partenaires à saisir les opportunités qu’offrent ces différents cadres de coopération stratégique pour accompagner sa stratégie de développement à travers une coopération mutuellement bénéfique qui permette à tous de tirer profit de son grand potentiel de ressources naturelles et minières, de sa proximité géographique avec les principaux marchés et de son environnement institutionnel en voie de standardisation rapide.
En définitive, la Mauritanie les remercie pour le chemin que nous avons déjà accompli ensemble, elle les remercie d’avance pour ces nouvelles dispositions qu’elle appelle de ses vœux.
Source: canalrim.info
Face aux menaces liées au trafic de drogue, au terrorisme jihadiste et l’immigration clandestine :
Nécessité d’une coopération régionale et internationale renforcée
1. INTRODUCTION
La Mauritanie est en train d’être projetée sous les feux de l’actualité après l’apparition en simultané sur son territoire de menaces graves et inédites liées au trafic de drogue, au terrorisme jihadiste et à l’immigration clandestine. On assiste, désormais, à une réactivation des circulations sahariennes. Non plus à travers le commerce caravanier mais à travers l’irruption des trafics illégaux du crime organisé. Ces réseaux tentent de faire de ces immensités désertiques difficilement contrôlables un refuge et une zone de transit pour leurs trafics de tout genre en direction du Maghreb et l’Europe. Sous nos yeux, une nouvelle donne géopolitique est en train de prendre rapidement forme. Cette récidive d’un Sahara animé pourrait restituer au pays son rôle de passerelle active entre la région méditerranéenne et l’Afrique subsaharienne. Cette fois ci, possible passerelle-poudrière, si l’on ne prend pas les précautions nécessaires pour contenir ces dérives en gestation.
Ces graves défis sont en train de transformer le visage géopolitique du pays. Nouveau visage auquel la coopération internationale doit s’adapter en passant d’une logique d’aide à une logique d’entraide. Il va de soi que cet effort est d’abord militaire et sécuritaire, plus fondamentalement, il est politique et économique. Simultanément il doit être national et international.
2. LA MAURITANIE : CARACTERISATION D’UNE GEOPOLITIQUE
a. Une position géographique confrontée à des menaces inédites
Avec un flanc européen situé à 800 km de ces côtes, un voisinage immédiat avec la façade méditerranéenne à travers le Maghreb, et un arrimage à l’Afrique de l’Ouest conjugués avec une position Atlantique centrale, la Mauritanie constitue un véritable carrefour de routes commerciales terrestres et maritimes et un espace de contact entre ces trois espaces stratégiques. L’axe routier qui relie désormais le pays au Maroc et au-delà à l’Europe et les milliers de véhicules qui le sillonnent en provenance ou en partance vers le Sénégal, le Mali et au-delà vers l’Afrique subsaharienne illustrent davantage cette position médiane.
A cause justement de cette double appartenance au Nord et au Sud, certains spécialistes, parlant de la Mauritanie évoquent un pays à la double marginalité ; A la marge du Monde arabe, puisque situé à son extrémité sud, à la marge de l’Afrique de l’Ouest, puisqu’à son extrémité Nord. D’autres préfèrent parler d’un pays trait-d’union entre l’Afrique noire et l’Afrique Blanche. Mais quoi qu’on dise, il est évident que cette position géographique privilégiée prédispose ce pays tout à la fois à être ou un vecteur de concorde et de brassage ou un espace de discorde et de choc.
La Mauritanie c’est aussi cet immense espace désertique quasiment inhabité et sous administré qui prolonge la bande nord sahélienne et le Sahara du sud maghrébin.
Cette position géographique exceptionnelle qu’on vient de décrire brièvement est en train de remodeler la géopolitique du pays pour en faire une première ligne dans le combat qui oppose désormais tout l’espace euro-méditerranéen et sahélien aux menaces terroristes émergentes :
• Le terrorisme jihadistes, cherchant à transformer les espaces sahariens de la Mauritanie, du Mali et de l’Algérie en refuge et en base arrière.
• Les réseaux de passeurs d’immigrés clandestins exploitant la tragédie de milliers de jeunes africains tentés par le mirage du marché de l’emploi européen. A ce sujet on se rappelle ces dizaines d’embarcations de fortunes arraisonnées par la marine espagnole au cours de leurs tentatives de débarquer des centaines de clandestins sur les côtés canariennes. On se rappelle aussi les grands efforts déployés par la Mauritanie pour contenir cet exode (surveillance des frontières, hébergement, refoulement etc.)
• Les narcotrafiquants à leur tour, œuvrant activement à faire de cette zone un espace de transit pour leurs cargaisons de stupéfiants, sans oublier la multiplication des trafics illégaux d’armes, de cigarettes et de véhicules.
b. Un potentiel économique jusqu’ici à l’abri de convoitises internationales significatives
Cette position géographique importante se double d’une richesse en ressources naturelles et minière diversifiées. Avec le fleuve Sénégal, le pays dispose d’un important potentiel de terres irrigables dont la mise en valeur a commencé depuis la fin des grands barrages réalisés dans le cadre de l’Organisation pour la Mise en Valeur du Fleuve Sénégal (OMVS). La Mauritanie est aussi un important pays d’élevage, ce sous-secteur garantit déjà l’autosuffisance du pays en viandes rouges.
En matière de ressources halieutiques, les côtes mauritaniennes sont réputées être parmi les plus poissonneuses du monde. La filière pêche industrielle exporte annuellement 800.000 tonnes de poissons. La pêche artisanale assure quant à elle une production de 80 000 tonnes/an.
La Mauritanie possède aussi d’importantes ressources minières ; Le secteur minier dispose d’énormes potentialités. Avec 11 millions de tonnes exportées en 2008, le pays est le deuxième exportateur du minerai de fer d’Afrique.
Sur le plan énergétique, la Mauritanie est devenue un timide producteur de pétrole ; mais d’ores et déjà, le stade auquel sont parvenues les recherches actuelles laisse croire que les perspectives pétrolières du pays sont prometteuses.
Sur le plan géopolitique, ce potentiel d’opportunité, quoi qu’important, n’a pas encore attisé de convoitises internationales significatives. Les virtualités conflictuelles liées à la géographie économique demeurent de peu d’effets dans la définition de la nouvelle donne du pays. Jusqu’à présent, l’exploration et l’exploitation de ces ressources n’ont pas suffisamment d’importance pour aller crescendo alimenter des rivalités internationales ouvertes autour des concessions et des parts de marché comme cela se passent dans de nombreux pays africains.
c. Un pays sous peuplé à structure de population plurielle
La Mauritanie avec plus d’un million de KM2 et une population d’environ trois (3) Millions d’habitants demeure un pays sous peuplé. Ce qui pose de sérieux problèmes de géopolitique interne à l’État : Contrôle des frontières, relais administratifs, aménagement du territoire, allocations des ressources, industrialisation, etc.
Compte tenu du faible niveau d’identification au jeune État nation proclamé en 1960, du manque d’enracinement d’une culture citoyenne qui deviendrait le creuset propice à l’émergence d’un contrat social fédérateur, la diversité ethnique continue de temps à autre d’alimenter des poussées particularistes la plupart du temps instrumentalisées par des mouvements politiques minoritaires dans le cadre de leurs stratégies de pouvoir.
À ce sujet, il ya lieu de faire remarquer toutefois que l’homogénéité religieuse du pays et son appartenance à un Islam modéré ont joué un rôle déterminant dans la résistance du jeune édifice national face à ces tentatives de déstabilisation. Cette unité religieuse explique probablement aussi la raréfaction de ce genre de soubresauts tout au long des cinquante dernières années. Cet impact remarquable apparaît nettement encore si on le restitue dans une perspective comparative avec certains espaces africains et d’ailleurs qui furent, malheureusement, ravagés par ce genre de luttes et d’affrontements ethniques.
3. FACE A CES DÉFIS MAJEURS, QUE FAIRE ?
On vient de voir que le potentiel économique du pays demeure à l’abri de la lutte d’influence entre les grandes puissances, que les virtualités conflictuelles liées à l’importante position géographique du pays s’actualisent de plus en plus et que la complexité de la structure de la population inquiète de temps à autre.
Ce constat soulève deux questions fondamentales : que fait la Mauritanie pour contenir ou pour prévenir ces défis géopolitiques ? Que doit faire la communauté internationale pour l’épauler dans cet engagement qui devient en définitive par certains de ses aspects, une sorte de mobilisation par procuration pour la défense de tout l’espace euro- Méditerranéen et Sahélien ?
a. Un effort national résolument tourné vers l’avenir
La consolidation de l’unité nationale, le pari sur le développement économique et social et la démocratisation politique conjuguée avec une coopération régionale et internationale mutuellement bénéfique constituent les principaux piliers de la stratégie nationale visant à résister face à ces différents défis.
b. Une unité nationale en consolidation
La secousse induite par les évènements de 89-90 a fini par convaincre la grande majorité des élites du pays de la nécessité d’œuvrer sincèrement en faveur de l’unité nationale.
Sur ce plan, on constate la fin de l’opération menée par le gouvernement mauritanien en collaboration avec le HCR et qui a permis le retour des réfugiés mauritaniens installés au Sénégal et au Mali suite aux douloureux événements enclenchés en 1989. Ce processus de rapatriement volontaire a été engagé en janvier 2008 à l’issue de l’accord tripartite conclu entre la Mauritanie, le Sénégal et le HCR. À cet effet, il a été créé en 2008, une Agence Nationale d’Appui et d’Insertion des Réfugiés (ANAIR). Ce retour auquel ont été associées les organisations des réfugiés comme celles des Droits de l’Homme, a été bouclé le 31 décembre 2009 avec plus de 19000 rapatriés. Grâce à la volonté affirmée par les hautes autorités de l’État, des résultats appréciables ont été atteints dans ce domaine. Si l’opération de rapatriement est jugée globalement réussie, celle de l’insertion socioéconomique de ces populations reste plus complexe à cause des grands moyens financiers qu’elle exige. Pour autant le pays n’a pas attendu.
Cet engagement en faveur de l’unité nationale ressort aussi à travers la visite hautement symbolique du Président de la République au sud du pays, visite au cours de laquelle, ce dernier a affirmé la ferme volonté de l’État de résoudre tous les dossiers relatifs aux droits de l’homme, à travers une démarche qui conjugue à la fois justice et unité nationale.
Dans le droit fil de ce souci de consolidation de l’unité nationale, la Mauritanie s’est engagée dans un ambitieux programme visant à atteindre les priorités nationales en matière de lutte contre la pauvreté, de promotion des droits et des libertés, et de consolidation de l’État de droit, telles que formulées dans le Cadre Stratégique de Lutte contre la Pauvreté, notamment en son axe IV, relatif à la bonne gouvernance.
Les programmes mis en œuvre dans ce domaine visent à permettre au pays de mieux répondre aux exigences des conventions internationales, en particulier celles relatives à la protection des droits de l’Homme (non-discrimination, éradication de l’esclavage). Les efforts entrepris en ce sens se focalisent sur le renforcement du dialogue, eu égard à son impact décisif sur la consolidation de la paix à travers la mise en place de cadres de concertation et de mécanismes de gestion des conflits aux niveaux national et local. Ils visent également à stimuler un changement des mentalités, contribuant au développement de la confiance dans l’État, garant de la cohésion nationale.
Sur le plan général de la recherche de la stabilité politique, la Mauritanie se tourne résolument vers l’avenir. La normalisation politique a permis l’instauration d’un climat propice à l’enracinement des valeurs démocratiques. Actuellement, la Mauritanie est l’un des rares pays du tiers monde où la presse y est libre. Les partis politiques et les syndicats travaillent et militent au grand jour.
Ce consensus national retrouvé, conjugué avec une solidarité et une mobilisation internationales agissantes a garanti un climat serein aux dernières élections présidentielles qui de l’avis de la majorité des observateurs nationaux et internationaux furent des élections transparentes. Ce qui a finalement permis au pays de revenir à l’ordre constitutionnel, retour synonyme d’une scène nationale apaisée, à nouveau théâtre de tensions politiques réduites aux minimums classiques du tiraillement majorité –opposition comme cela se passe dans toute démocratie.
c. Une sécurité nationale prioritaire
Parallèlement à la consolidation de l’unité nationale du pays, la Mauritanie se mobilise pour affronter les menaces inédites déjà évoquées. Ce combat se déroule simultanément sur plusieurs fronts :
Le renforcement des moyens et des compétences de notre armée nationale et de nos forces de sécurités. Malgré ses moyens limités, la Mauritanie est en train de moderniser et de professionnaliser ses unités de manière à pouvoir s’adapter aux nouveaux enjeux. Le développement de nos capacités en matière de renseignement accompagne aussi cet effort militaire.
Sur le plan culturel et idéologique, le pays vient d’engager une série d’efforts destinés à démystifier et à contredire l’idéologie jihadiste à travers l’organisation de colloques, de séminaires et de programmes de sensibilisation. Partant du principe que la stabilité politique est avant tout une affaire de développement économique, visant entre autres priorités la promotion de la croissance économique durable créatrice d’emplois et réductrice de la pauvreté, l’amélioration des conditions de vie des populations notamment des plus démunies, la diversification de l’économie, l’instauration d’un environnement favorable à l’investissement privé national et international, le développement des ressources humaines et la réduction de la pauvreté, le gouvernement a lancé d’importants chantiers dans ce domaine au lendemain de son investiture.
Ces efforts s’accompagnent d’une série de réformes institutionnelles visant à instaurer une bonne gouvernance. Dans ce cadre, il importe de rappeler aussi la nouvelle approche du pays en matière de lutte contre la corruption, approche qui consacre le respect de la chose publique et la fin de l’impunité.
L’autre front de ce théâtre d’actions reste la coopération internationale et régionale en matière de lutte contre les réseaux criminels. Le pays coopère étroitement, tout à la fois, avec les pays frontaliers ainsi qu’avec l’Union européenne et les États-Unis en vue de faire face ensemble. Cette coopération embrasse tous les aspects qu’ils soient de l’ordre de la documentation et du renseignement ou en matière de coordination militaire, d’appui logistique et de formation.
d. La solidarité internationale : passer de la notion de l’aide à celle d’entraide
Face à tous ces défis et particulièrement face aux tentatives du terrorisme international, visant à transformer le pays, en un refuge d’où il peut sévir en toute impunité, la Mauritanie invite tous ses amis et ses partenaires au développement à la rejoindre, en vue de renforcer et de compléter son effort propre.
Dans le langage ordinaire, la communauté internationale doit aider la Mauritanie. Dans le langage de la nouvelle donne géopolitique, La Mauritanie et la Communauté internationale doivent s’entraider. À ce sujet, il ya lieu de revenir justement à cette nouvelle réactivation des circulations sahariennes par le biais du terrorisme international en vue d’en déduire la nécessité pour l’aide internationale d’évoluer du cadre traditionnel de l’aide au développent vers une nouvelle approche centrée sur la défense des intérêts communs. D’espace confronté au péril géopolitique de la fragilité structurelle, des jeunes États nation en gestation que ça soit par rapport aux risques de fractures ethno nationalistes ou par rapport à « des identités primordiales instrumentalisées dans les stratégies de pouvoir et des luttes de classement social », le nouveau visage géopolitique de la Mauritanie devient autre chose de plus fondamental. Le pays retrouve sa position charnière entre le Nord et le Sud à cause justement de cette réactivation des circulations sahariennes. Cette nouvelle donne géopolitique nous invite à reconsidérer les craintes habituellement liées à ce potentiel conflictuel qu’on vient d’évoquer pour se positionner cette fois-ci par rapport à ce nouveau statut de nœud géopolitique que devient le pays.
Jusqu’à récemment, ce sont nos problèmes internes ; notre sécheresse, nos inondations, nos réfugiés, notre pauvreté qui mobilisent l’aide internationale. Avec l’irruption brutale du terrorisme, sur les marches nord de notre immense territoire et à cause des menaces que cela constitue à la fois pour notre sécurité nationale et pour celle de nos amis, on assiste à l’apparition d’une nouvelle donne stratégique bâtie sur l’enchevêtrement des intérêts nationaux et internationaux.
Dans le nouveau cas de figure, la stabilité de la Mauritanie fait partie intégrante de la stabilité de tout l’espace euro-méditerranéen et de celle du Sahel. Affirmer désormais que la sécurité du citoyen espagnol ou français se confond en partie avec celle du marocain, du mauritanien et du sénégalais n’est pas dénué de tout fondement. D’ailleurs, c’est cet enchevêtrement des intérêts qui constitue l’ossature philosophique du traité de Barcelone, traité qui reconnaît à la Mauritanie le statut de membre à part entière dans l’ensemble méditerranéen. Rappelons que ce traité jette les bases de cette nouvelle philosophie d’entraide à travers l’identification de trois types de partenariats stratégiques à savoir, le politico sécuritaire, qui définit un espace communautaire de paix et de stabilité, le partenariat économico-financier qui délimite une zone de prospérité partagée et le partenariat social, culturel et humain visant à développer les ressources humaines, favoriser la compréhension entre les cultures et les échanges entre les sociétés civiles des différents membres. C’est en vertu de cette philosophie que la Mauritanie participe également au dialogue 5 plus 5 visant à renforcer le processus initié à Barcelone. S’inscrivant dans cette nouvelle approche d’intégration régionale, la Mauritanie invite ses partenaires à saisir les opportunités qu’offrent ces différents cadres de coopération stratégique pour accompagner sa stratégie de développement à travers une coopération mutuellement bénéfique qui permette à tous de tirer profit de son grand potentiel de ressources naturelles et minières, de sa proximité géographique avec les principaux marchés et de son environnement institutionnel en voie de standardisation rapide.
En définitive, la Mauritanie les remercie pour le chemin que nous avons déjà accompli ensemble, elle les remercie d’avance pour ces nouvelles dispositions qu’elle appelle de ses vœux.
Source: canalrim.info