Boubacar Ould Messaoud Des années de lutte contre l'esclavage



S'il est une des fortes personnalités nationales qui ont marqué ce pays, c'est bien Boubacar Ould Messaoud. Comme toute icône, il a ses admirateurs, mais aussi ses détracteurs. Il y a ceux qui voient en lui un " Martin Luther King mauritanien ", et ceux qui le comparent à Machiavel.

Après un passage, au milieu des années 80, dans le dispositif du régime Ould Taya comme Directeur général de la Socogim et son basculement dans le camp adverse, suite à son limogeage, certains malins esprits n'hésitent pas à rappeler une phrase entêtante qui s'était glissée dans une de ses interviews et où il disait que "la couleur de la peau ne doit pas être utilisée pour une cause politique ". Mais ce que l'on retient aujourd'hui de Boubacar Ould Messaoud, c'est l'image du militant chevronné des droits de l'homme qui, à travers son organisation "SOS Esclaves ", fait de la lutte pour l'affranchissement des esclaves son cheval de bataille.

Les cheveux grisonnants et la moustache blanche assez fournie, cet homme élégant malgré le poids des ans et des épreuves, reste un symbole de la lutte contre les pratiques esclavagistes en Mauritanie. Sa renommée dépasse aujourd'hui les frontières nationales et la cause qu'il défend, lui a ouvert les portes de la consécration mondiale et du gotha des organisations internationales des droits de l'homme réputées. Architecte de formation, Boubacar Ould Messaoud - Notre photo- qui a fait ses premiers pas pour la cause haratine sur les bancs du lycée de Rosso, a poursuivi le combat pendant tout son cursus, aussi bien à l'école des ingénieurs de Bamako que durant ses sept ans d'étude dans l'ex-Union Soviétique.

Il fait partie aujourd'hui des vingt personnalités nationales révélées par le sondage initié par "SOS Discriminés " et ECM Consulting et dont les résultats pour désigner les trois personnalités de l'année 2009 étaient programmés hier, à l'hôtel T'Feïla de Nouakchott.

Boubacar Ould Messaoud fait partie des pères fondateurs du mouvement El Hor, une organisation créée à la fin des années 70 début 80, pour la libération et l'émancipation des Haratines et dont le manifeste "Akhouka Hartani " allait faire pleuvoir sur ses membres une pluie de répressions en cette période où la Mauritanie frémissait encore sous la botte de la dictature militaire. Et ce fut le fameux procès de Rosso en 1980, au cours duquel dix membres de l'organisation ont été jugés devant la Cour spéciale militaire présidée par le colonel Silman Soumaré, après de longues heures d'interrogatoires et de torture par la police pour certains. Malgré l'ampleur de ce procès qui avait mobilisé l'opinion, la peine prononcée semblait à la limite minuscule : 3 mois de détention. Ce procès sera surtout un échec patent pour le régime militaire d'alors, obligé de libérer les prisonniers deux semaines après le verdict. Le 5 juillet 1981, le CMSN (Comité militaire de salut national), junte au pouvoir sous la présidence du colonel Mohamed Khouna Ould Haïdalla, allait d'ailleurs souscrire à l'exigence du Mouvement El Hor, en promulguant une loi abolissant l'esclavage.

Mais la bataille n'en prit pourtant pas fin, car la pratique avait continué, soutenue par le poids des oligarchies et un Etat peu enclin à affronter la force des chefferies.

En 1995, Boubacar Ould Messaoud et quelques militants des droits de l'homme fondent "SOS Esclaves ". La nouvelle organisation regroupait des hommes et des femmes de toutes les communautés et issues de toutes les origines sociales.

A ce mouvement émancipateur, s'opposait une forte résistance orchestrée par un front esclavagiste animé par tout un système menacé dans ses privilèges et soucieux de conserver son "cheptel humain ".

Censure, intimidations, représailles, emprisonnements ponctueront les mini victoires que "SOS Esclavages " arrachait ça et là au gré de ses révélations sur les travaux non salariés, les privations d'héritage, les abus sexuels, les séparations de famille, les exploitations des mineurs, les déficits de scolarité touchant la population asservie des Haratines…

Plaintes pour diffamation et poursuites judiciaires pour des reportages clandestins, s'abattirent alors sur les membres du mouvement, emportés dans des torrents de procès. Les scandales constitués par ces incessantes atteintes aux droits fondamentaux furent si intenses, que le pouvoir de Maaouiya Ould Sid'Ahmed Taya - arrivé entre-temps- fut obligé de lâcher du lest en reconnaissant officiellement plusieurs organisations jusque-là interdites comme "SOS Esclaves ".

Dans le parcours de Boubacar Ould Messaoud, que de revers et de frustrations, mais la victoire arrachée au bout du chemin en valait la chandelle. En 2003, sous le pouvoir étouffant de Ould Taya, une loi contre la traite des personnes fut promulguée, suivie en 2007 par une autre, votée par le Parlement qui pénalisait les pratiques esclavagistes. Le couronnement de tous ces efforts est aujourd'hui à portée de mains, malgré quelques pesanteurs. Le système a été ébranlé mais résiste encore. Quelques magistrats, autorités administratives et militaires continuent à répugner devant l'application de la loi, dans une sorte de connivence d'intérêt et de destin avec les maîtres. C'est pourquoi, le combat de l'homme continue encore.

source: l'authentique

Jeudi 31 Décembre 2009
Boolumbal Boolumbal
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