Après la sanglante attaque du Radisson Blu de Bamako en novembre dernier, l'attentat perpétré ce vendredi en plein cœur de Ouagadougou, au Burkina Faso, est venue rappeler à quel point le continent africain est démuni face aux poussées de fièvre djihadiste.
La veille du carnage de Ouagadougou, l'ancien ministre des Affaires sénégalais Cheikh Tidiane Gadio, invité à Paris du think tank Afrikamanao, créé voilà peu par d'anciens étudiants de Sciences-Po, dressait un amer constat.
"Cinquante-cinq ans après les indépendances, souligne le président de l'Institut panafricain de stratégie, aucun pays du continent ne peut garantir la sécurité de ses citoyens sur son territoire. Les terroristes ont compris ce que les thuriféraires de la souveraineté peinent à admettre: la mutualisation des moyens de lutte n'est pas un luxe, mais un impératif vital. Ou l'on se met ensemble, ou l'on meurt ensemble."
Dénonçant un "déficit grave et persistant de leadership" et un processus "d'hyper-balkanisation de l'Afrique", Gadio déplore une "absence de stratégie" continentale et préconise la mise sur pied, en urgence, de bases militaires panafricaines de dimension régionale.
Rivalités régionales contre besoin de sécurité
Dans une adresse télévisée, le nouveau président burkinabé, Roch Marc Christian Kaboré, a justement appelé ce samedi les nations voisines à "mutualiser nos moyens de défense et nos informations pour présenter un front uni contre les fléaux qui menacent l'existence même de nos Etats." Objurgation maintes fois entendue dans l'aire sahélienne, mais qui pour l'essentiel relève encore du vœu pieux.
Les rivalités régionales, les vieux contentieux historiques et une conception étriquée de la souveraineté nationale ont entravé l'émergence d'une véritable coopération entre les capitales concernées, notamment en matière de partage du renseignement et d'actions militaires coordonnées. Carence dont la nébuleuse djihadiste a amplement tiré profit.
Pour freiner l'essor de la secte djihadiste nigériane Boko Haram, il a fallu que le Tchadien Idriss Déby Itno engage ses troupes, y compris sur les territoires nigerien, camerounais et... nigérian, secouant ainsi l'apathie des pays riverains du lac Tchad.
Les 4x4 des assaillants venaient du Niger
La tragédie de Ouaga atteste une fois encore la porosité des frontières sahéliennes, reflet de la fragilité des institutions étatiques. Les deux véhicules de type 4x4 utilisés par les assaillants étaient immatriculés au Niger. Les commandos armés naviguent aisément entre le Mali, le Niger, le Fezzan libyen et le grand sud algérien.
Quelques heures avant l'attaque, un couple d'octogénaires australiens, établi dans l'ancienne Haute-Volta depuis 1972, a été kidnappé à Baraboulé (Nord), non loin du Niger et du Mali. Enlévement revendiqué par Ansar-Eddin, la mouvance du Touareg malien Iyad ag-Ghali, et attribué à l'"Emirat du Sahara", l'un des satellites de la planète Aqmi (al-Qaeda au Maghreb islamique).
Par ailleurs, et même s'ils n'apparaissent pas sur les écrans radars médiatiques, les accrochages et embuscades survenus chaque semaine confirment la persistance de la capacité de nuisance des cellules djihadistes, notamment dans le nord et le centre du Mali.
Le même jour -vendredi-, des attaques perpétrées à Tombouctou et Mopti ont coûté la vie à deux soldats locaux et à un supplétif paramilitaire. Le danger perdure donc, en dépit du travail accompli par le dispositif français Barkhane, déployé dans cinq pays, de la Mauritanie au Tchad. Mais comment 3000 hommes pourraient-ils sécuriser 5 millions de kilomètres carrés?
Le Burkina, symbole de progrès et allié français
Les boutefeux du djihad global ont-il voulu, comme l'avancent certains analystes, frapper un symbole du progrès démocratique? Pas si sûr. Certes, le Burkina Faso a, grâce à l'insurrection civique de l'automne 2014, politiquement fatale à Blaise Compaoré, puis à la vigilance citoyenne qui mit en échec le putsch vintage de septembre dernier, conquis un statut de modèle. Certes, l'élection le 29 novembre de Kaboré -un ex-pilier du système Compaoré, entré en dissidence sur le tard- peut dans un tel contexte passer pour exemplaire.
Mais rien ne prouve à ce stade que ce critère guide le "ciblage" des tueurs djihadistes, entrés dans une logique de châtiment des "croisés" -les Occidentaux, Français en tête- et de leurs alliés africains. Aucun pays de la région n'est à l'abri, quel que soit son degré de pluralisme, d'orthodoxie constitutionnelle et de transparence.
Source: http://www.lexpress.fr
La veille du carnage de Ouagadougou, l'ancien ministre des Affaires sénégalais Cheikh Tidiane Gadio, invité à Paris du think tank Afrikamanao, créé voilà peu par d'anciens étudiants de Sciences-Po, dressait un amer constat.
"Cinquante-cinq ans après les indépendances, souligne le président de l'Institut panafricain de stratégie, aucun pays du continent ne peut garantir la sécurité de ses citoyens sur son territoire. Les terroristes ont compris ce que les thuriféraires de la souveraineté peinent à admettre: la mutualisation des moyens de lutte n'est pas un luxe, mais un impératif vital. Ou l'on se met ensemble, ou l'on meurt ensemble."
Dénonçant un "déficit grave et persistant de leadership" et un processus "d'hyper-balkanisation de l'Afrique", Gadio déplore une "absence de stratégie" continentale et préconise la mise sur pied, en urgence, de bases militaires panafricaines de dimension régionale.
Rivalités régionales contre besoin de sécurité
Dans une adresse télévisée, le nouveau président burkinabé, Roch Marc Christian Kaboré, a justement appelé ce samedi les nations voisines à "mutualiser nos moyens de défense et nos informations pour présenter un front uni contre les fléaux qui menacent l'existence même de nos Etats." Objurgation maintes fois entendue dans l'aire sahélienne, mais qui pour l'essentiel relève encore du vœu pieux.
Les rivalités régionales, les vieux contentieux historiques et une conception étriquée de la souveraineté nationale ont entravé l'émergence d'une véritable coopération entre les capitales concernées, notamment en matière de partage du renseignement et d'actions militaires coordonnées. Carence dont la nébuleuse djihadiste a amplement tiré profit.
Pour freiner l'essor de la secte djihadiste nigériane Boko Haram, il a fallu que le Tchadien Idriss Déby Itno engage ses troupes, y compris sur les territoires nigerien, camerounais et... nigérian, secouant ainsi l'apathie des pays riverains du lac Tchad.
Les 4x4 des assaillants venaient du Niger
La tragédie de Ouaga atteste une fois encore la porosité des frontières sahéliennes, reflet de la fragilité des institutions étatiques. Les deux véhicules de type 4x4 utilisés par les assaillants étaient immatriculés au Niger. Les commandos armés naviguent aisément entre le Mali, le Niger, le Fezzan libyen et le grand sud algérien.
Quelques heures avant l'attaque, un couple d'octogénaires australiens, établi dans l'ancienne Haute-Volta depuis 1972, a été kidnappé à Baraboulé (Nord), non loin du Niger et du Mali. Enlévement revendiqué par Ansar-Eddin, la mouvance du Touareg malien Iyad ag-Ghali, et attribué à l'"Emirat du Sahara", l'un des satellites de la planète Aqmi (al-Qaeda au Maghreb islamique).
Par ailleurs, et même s'ils n'apparaissent pas sur les écrans radars médiatiques, les accrochages et embuscades survenus chaque semaine confirment la persistance de la capacité de nuisance des cellules djihadistes, notamment dans le nord et le centre du Mali.
Le même jour -vendredi-, des attaques perpétrées à Tombouctou et Mopti ont coûté la vie à deux soldats locaux et à un supplétif paramilitaire. Le danger perdure donc, en dépit du travail accompli par le dispositif français Barkhane, déployé dans cinq pays, de la Mauritanie au Tchad. Mais comment 3000 hommes pourraient-ils sécuriser 5 millions de kilomètres carrés?
Le Burkina, symbole de progrès et allié français
Les boutefeux du djihad global ont-il voulu, comme l'avancent certains analystes, frapper un symbole du progrès démocratique? Pas si sûr. Certes, le Burkina Faso a, grâce à l'insurrection civique de l'automne 2014, politiquement fatale à Blaise Compaoré, puis à la vigilance citoyenne qui mit en échec le putsch vintage de septembre dernier, conquis un statut de modèle. Certes, l'élection le 29 novembre de Kaboré -un ex-pilier du système Compaoré, entré en dissidence sur le tard- peut dans un tel contexte passer pour exemplaire.
Mais rien ne prouve à ce stade que ce critère guide le "ciblage" des tueurs djihadistes, entrés dans une logique de châtiment des "croisés" -les Occidentaux, Français en tête- et de leurs alliés africains. Aucun pays de la région n'est à l'abri, quel que soit son degré de pluralisme, d'orthodoxie constitutionnelle et de transparence.
Source: http://www.lexpress.fr