2010 : Réformes et faux calculs



2010 : Réformes et faux calculs
Si 2009 était l'année de la sortie de la crise politique et économique dans laquelle le coup d'Etat du 6 août 2008 a fourvoyé les dirigeants actuels du pays, l'année qui commence sera celle des défis. Ce sera, pour le nouveau président de la République, la consécration d'un ensemble de réformes multisectorielles ou…la preuve a contrario qu'une fois de plus, les Mauritaniens attendent toujours leur Messie.

Le grand problème auquel le pouvoir actuel fait face est qu'il a placé peut-être la barre très haut, lors de la dernière campagne présidentielle. Pour faire la différence, les propagandistes du pouvoir ont mis en avant des réalisations record dans divers domaines et, partant, amplifié les attentes de populations qui demandent encore plus. La viabilisation de " Hay Sakène ", élevée au rang de miracle, obligera le gouvernement à en faire de même dans les autres gazras de Nouakchott, ce qui est loin d'être évident ! Une telle opération nécessite des ressources énormes qu'il faut chercher auprès de bailleurs (Banque Mondiale et FMI) dont le retour se fait encore d'une manière très timide, à cause d'une conjoncture internationale loin d'être favorable. D'aucuns disent même que ce qui a été fait à " Hay Sakène " relève de l'exécution d'un vaste plan que les autorités d'avant le coup d'Etat avaient presque finalisé, si l'on en croit les propos d'un ancien ministre de l'Equipement, lors d'une émission de la radio nationale. On se souvient que cet ancien ministre avait dit en substance que l'année 2009 devait être celle de la fin des gazras !

Mais l'ampleur de la tâche empêche tout pronostic sur la durée que peut prendre le " redessinage " des quartiers précaires de Nouakchott. Il faudra d'abord, pour les nouvelles autorités, démêler les fils inextricables du lotissement opéré par les anciens pouvoirs, notamment celui opéré sous la Rectification. Comment résoudre le problème des centaines, voire des milliers, d'attributions sur lesquelles le ministre de l'Intérieur aurait envisagé de mettre une croix ? De quels moyens dispose l'Etat, sans l'aide de ses donateurs traditionnels, pour viabiliser des zones où les dunes se perdent à l'horizon ? C'est là l'un des défis majeurs pour Mohamed Ould Abdel Aziz quand on sait que le mythe du " président des pauvres " est parti justement de là, précisément à " Hay Sakène ", en septembre 2008. Bon début certes, mais le chemin est encore très long pour qu'enfin les populations, dont une bonne partie avait été " déportée " à Leghreyga, avant de revenir sur les lieux qu'elles occupaient ne considèrent que le calvaire est fini.

On se souvient, dans ce cadre, que Ould Taya - le mal aimé, par les temps qui courent - avait, lui aussi, de bonnes intentions. N'avait-il pas entrepris, en 2001-2004, la restructuration du quartier précaire d'EL Mina (Kebba), dont l'étude avait été confiée à un bureau suisse (URBAPLAN) et l'exécution à l'Agence pour le Développement Urbain (ADU) ?

Le projet était de restructurer la kebbe d'El Mina, le plus grand quartier précaire de la ville de Nouakchott. Cela signifiait dans un premier temps tracer des voiries, des réseaux d'eau et d'électricité, placer des écoles et autres marchés et centres de santé dans le quartier (180 ha). Il fallait ensuite déplacer les populations se trouvant sur les emprises des futurs équipements et infrastructures. Une partie des populations ont certes été déplacées dans un lotissement adjacent, libre de construction et puis Taya est parti mais la Kebba est toujours là ! Cet immense dépotoir (Kebba signifie, en fait cela) résiste au temps parce que les moyens manquent cruellement, surtout quand l'opération n'a pas été bien étudiée. Ce qui risque d'arriver également au projet actuel de relookage de la capitale. " Hay Sakène " est une longue histoire qui ne finira qu'avec la disparition des " gazras " de Bouhdida, Arafat, Toujounine et Dar Naim.


Et encore …

Sur le plan économique, les pauvres qui ont porté, semble-t-il, Mohamed Ould Abdel Aziz à la Présidence risquent de déchanter. 2010 s'annonce déjà comme l'année de toutes les hausses : hausse des denrées de première nécessité, hausse des taxes et impôts sur les importations, les hydrocarbures et le dédouanement des véhicules. Le corollaire inévitable de telles mesures destinées à renflouer les caisses de l'Etat sera de voir les commerçants tirer les prix vers le haut. Toute action visant à élargir l'assiette fiscale retombera sur la tête du pauvre consommateur. Une règle non écrite que tous les pouvoirs ont appliqué jusque-là, ne parvenant pas à adapter leurs contraintes budgétaires à leur désir de rester proche des populations.

Il pourrait en résulter une désillusion qui remettra en cause toute la littérature sur la lutte contre la pauvreté que le gouvernement actuel compte mener, sans réellement savoir comment. Il est important de construire des goudrons, d'équiper les hôpitaux et les écoles mais la marmite est d'abord le souci numéro un des classes pauvres. Si celles-ci ne peuvent plus assurer le minimum vital pour survivre, alors tous les indicateurs qui montrent que le fléau de la pauvreté pouvait être réduit de moitié, dans moins de dix ans, toutes les promesses d'amélioration de leurs conditions de vie et les attentes de ceux qui ont cru en la possibilité de voir s'opérer un changement radical dans la gestion des financements n'intéressent que ceux qui vivent de politique. Un sérieux risque pour un Président qui a commencé sur les chapeaux de roue mais dont la popularité ne tient qu'à un fil : ne pas décevoir les pauvres.

Et c'est à ce niveau que l'on peut parler de mauvais calculs ! La lutte contre la gabegie engagée sur le front de l'administration publique fait gagner des points au président de la République. Les citoyens ne se lassent pas de raconter les mésaventures de tel ou tel responsable " limogé " ou remplacé pour malversations. Mais le déplacement de la question sur le terrain du politique et du secteur privé n'est pas sans risque. Ici, on parle de règlements de compte et de chasse aux sorcières qui risquent de prolonger la crise. Mais les craintes sont surtout liées à la réaction du Capital. Présents dans plusieurs secteurs économiques, les groupes ciblés peuvent bien resserrer l'étau sur un pouvoir dont les énergies ont été épuisées par une longue crise politique. Une hypothèse que ne dément pas la morosité actuelle des transactions commerciales et la frilosité du marché. Attendons voir.





Source: L'authentique

Mardi 5 Janvier 2010
Boolumbal Boolumbal
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