Quelle démocratie pour la Mauritanie ?



Quelle démocratie pour la Mauritanie ?
Le président mauritanien Mohamed Ould Abdel Aziz, a finalement livré, dans le désormais « discours historique » de Néma, les grandes lignes du plan qu’il mijote pour rester aux commandes du pays. Certes, Ould Abdel Aziz n’a pas évoqué de troisième mandat, mais il n’a pas aussi écarté l’hypothèse que certains « ministrés » avaient évoquée comme hautement probable.



Une chose a tout de même retenu mon attention : Aziz « se pense » comme la Mauritanie. Une Mauritanie qui n’existait pas avant lui. Et dont la survie est menacée s’il n’est plus là !

Il oublie, notre cher président, que si nous n’avons pas suivi le « printemps arabe » ou « l’harmattan africain », c’est parce que nous avons toujours fait preuve de calme et de sérénité. Mais cela saurait-il durer quand on nous pousse à bout ? Cette énième tentative de « rectification » par voie référendaire, qui propose de supprimer le sénat, d’instituer les conseils régionaux et, probablement, de maintenir Aziz au pouvoir, peut être la provocation de trop.

Je suis resté perplexe quand j’ai entendu Aziz décréter la mort du régime parlementaire. Un système qui ne convient pas à la Mauritanie. Peut-être bien. Mais combien de temps a-t-il fallu pour les « idéologues » du régime pour s’en rendre compte ? Pourquoi ne l’avoir pas dit en 2005 ? Ou en 2009 ? Ou encore en 2014 ? Ce qui me pousse à dire que le prétexte de ce changement de système politique n’est pas le parlement mais la présidence de la République.

J’ai trouvé ridicule les exemples qu’Aziz a choisis pour justifier sa nouvelle aversion pour le régime parlementaire. La Libye et la Tunisie ne sont pas victimes de leurs choix démocratiques mais de cette soif du pouvoir qui anime certains dirigeants africains et arabes, à tel point qu’ils ne pensent qu’à eux-mêmes. Faut-il penser, sérieusement, qu’avec un autre modèle de gouvernance ces pays ne vivraient pas les affres de l’après-dictature ? Rien n’est moins sûr.



Rejet d’un système après dix ans



La sortie d’Aziz et le « dialogue » sur la démocratie qui se prépare amènent à s’interroger sur le type de régime qui convient le mieux à la Mauritanie.

Disons, de prime à bord, qu’il est désolant de constater que les intellectuels mauritaniens refusent de regarder notre pays tel qu’il est et veulent lui faire porter une camisole de force qui s’adapte au mode dominant de raisonnement. La démocratie à l’occidentale doit tenir compte de paramètres locaux évidents, comme partout en Afrique. Celle que Mitterrand a édicté à partir de La Baule a oublié une chose essentielle : « L’Afrique n’est pas un pays et aucun des pays africains n’est un pays dans le sens ou les habitants souhaitent vivre ensemble et travaillent pour consolider cette vie commune », comme le souligne un éminent politologue sénégalais. Et de ce politologue de poursuivre : « Les Africains n’ont que très peu contribué à la définition de ce qui est aujourd’hui le pays de chacun d’eux. Ce sont des populations qui ont des langues et des cultures différentes qui ont guerroyé jusqu’à ce que les Européens, profitant de cette instabilité et disposant d’une avance technologique importante viennent s’approprier leurs territoires respectifs. »

En fait, il serait intéressant de penser la démocratie mauritanienne en fonction du degré de compréhension de ce concept chez les populations mais aussi du rapport qu’elles entretiennent avec l’Etat. Tous les régimes qui se sont succédé dans le pays sont d’accord sur une chose : rien ne peut se faire sans les tribus ! Une donne d’une évidence telle que même les listes de toutes candidatures aux élections font la part belle à ces entités pourtant fustigées et dénoncées dans le discours officiel des plus hauts responsables du pays ! Première fausse note d’une démocratie qui n’a pas encore de vrais fondements !

Cette contradiction flagrante peut être également confortée par une simple recherche dans l’histoire des critiques officielles (venant de gouvernements) que se faisaient les anciens régimes pour moraliser ou limiter les excès dans les pratiques politiques en cours avant, pendant et après le coup d’Etat du 3 août 2005, référence « militaire » pour l’avènement de la démocratie en Mauritanie !



LA DÉMOCRATIE, C’EST D’ABORD UNE ENTENTE ENTRE PARTENAIRE



La Démocratie, c’est d’abord une entente entre partenaire sur des valeurs dont la justice, la moralité, l’équité, l’égalité, la liberté, l’indépendance sont au centre.

Il en va de même au sein d’un pays comme la Mauritanie où la force militaire et économique commende encore tout le reste.

Il est impossible d’étudier les démocraties africaines sans les placer dans le contexte international qui interfère directement sur le jeu politique national dans nos pays. Il faut voir le dynamisme et l’activisme des diplomates occidentaux dans nos pays à l’approche d’élections pour s’en convaincre. L’importance accordée par nos dirigeants à l’opinion internationale, c’est à dire celle des « pays amis », amis de l’Etat en place, dont ils assurent pratiquement la survie financière, est plus essentielle que l’opinion publique nationale plus facile à étouffer ou à manipuler.

La majorité des dirigeants africains ont compris le jeu et cela avant leur intelligentsia qui continue à exiger le respect des valeurs démocratiques. Eux s’ingénient à bien les maquiller et ils y réussissent généralement bien. Il ne leur est demandé que d’arranger les formes et c’est ce qu’ils font. Aujourd’hui, le plus important est le calme pour que les multinationales puissent tranquillement faire des bénéfices partout. Comment expliquer autrement que tous les militaires qui ont pris le pouvoir soient rapidement devenus des civils pour garder le pouvoir en Gambie, Guinée Bissau, jusqu’à la chute de Nino Vieira, Tchad, Egypte, Libye, Mauritanie, Soudan. Il est pourtant clair que ce militaire n’a pas pu en quelques années devenir mentalement un démocrate et que, généralement, il ne sera remplacé que par un autre coup.

Evidemment, nous avons aujourd’hui une Afrique où tous les chefs d’Etats, à quelques exceptions près, ont été élus mais nous savons qu’au lendemain de toutes ces élections l’opposition a dénoncé, avec la dernière énergie, les fraudes massives qui ont entachée la crédibilité des scrutins. Et pourtant, ces élections ont partout été entérinées par les grandes puissances et les organisations internationales qui, dans certains cas, ont même contribué à apaiser l’opposition et dans d’autres cas à contribuer à la décourager en refusant de l’écouter ou en fermant les yeux sur les arrestations et crimes post électoraux.

Le Général De Gaulle disait que les Etats n’ont pas d’amis mais des intérêts, mais aujourd’hui l’intérêt semble passer au dessus de la morale et de l’équité. Le leadership des grandes puissances s’impose par la force et non par l’éthique, par la pression médiatique et non par la droiture qui force le respect. La démocratie ne peut être forte dans le monde que si les principes et les règles qui la sous-tendent sont consensuels. Un système politique imposé par la force, même de manière subtile ne peut se prévaloir d’être démocratique.

Source: https://politikafrik.wordpress.com

Lundi 9 Mai 2016
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