Mohamed Ould Abdel Aziz : « Silence, on dénégrifie ! »



Lors de son discours d'investiture pour son second mandat, le président de la République mauritanienne assurait qu'il ne laisserait aucune force déstabiliser la cohésion et la paix sociale. Or après un mandat, et un début de second mandat déjà marqué par deux actes forts (arabisation totale de l'armée et nomination au ministère des affaires religieuses, un pro-esclavagiste actif), force est de constater que l'occupant actuel du palais ocre est la première force discriminante et déstabilisatrice des fragiles paix et cohésion sociales du pays. Démonstration en 5 étapes-clés depuis 2009.

Etape 1 : La tentative d'épuration par l'état-civil.

Il y a 4 ans, quand débutait le recensement de la population mauritanienne,très vite est apparu le problème d'une discrimination à l'encontre des communautés noires, à qui était posées des questions humiliantes sur leur connaissance de l'Islam ou de tel haut fonctionnaire de leur région ou commune. Les frustrations allant crescendo, et les faits établis, une résistance s'est spontanément organisée à travers la coordination Touche pas à ma nationalité (TPMN).

Après des incendies de voitures, de boulangeries, de structures et biens publics, particulièrement à Nouakchott et Kaédi, et surtout après la mort de Lamine Mangane, Aziz a reculé, ayant pris conscience d'une chose : à quelque niveau que ce soit, une génération émergente n'acceptera pas la pointe du nez rappelant les objectifs d'épuration liés aux «évènements» de 1989.

Depuis cahin-caha, le recensement continue, avec les poux recherchés cette fois dans la tête des mauritaniens de la diaspora, en Europe particulièrement, où à 95% elle est composée de noirs-mauritaniens.

Etape 2 : L'épuration en cours avec les étrangers, exclusivement noirs

Il y a un an et demi, les autorités ont entamé un vaste mouvement de recensement des étrangers, en leur intimant la nécessité d'une carte de séjour. Durant le moratoire pour s'en procurer, curieusement les files d'attente au stade olympique de Nouakchott, dans les commissariats, les mairies n'étaient composées à 100% que d'étrangers noirs, issus de l'Afrique sub-saharienne.

Ce qui faisait dire au coordinateur de TPMN, Abdoul Birane Wane : «Je connais des étrangers maghrébins, ou arabes qui sont tout autant en situation irrégulière administrativement, et qui ne sont pas inquiétés. Avez-vous vu un seul, je dis bien un seul clair de peau lors des files d’attente hallucinantes d’étrangers devant le stade olympique, ou devant les commissariats il y a quelques mois, pour se procurer une carte de séjour ? Pas un, non. Il s’agit bien, et je le dis clairement d’une chasse aux étrangers noirs» martelait-il.

Pourtant de larges communautés maghrébines et arabes vivent en Mauritanie, notamment à Nouakchott, et pour beaucoup sans carte de séjour. Cette chasse xénophobe aveugle, a prouvé qu'elle était telle quelle, quand il y a quelques jours, Al Akhbar rapportait qu'une «restauratrice mauritanienne avait été reconduite de son lieu de travail au commissariat, après qu'elle ait protesté contre l'arrestation de son frère, que la police avait pris pour un étranger (sic)» selon des témoins cités par le média mauritanien. «Certaines des personnes arrêtées ont été reconduites à la frontière. D’autres ont dû payer jusqu’à 6 000 Ouguiyas avant d’être relâchés», ont affirmé les témoins.

Etape 3 : La dénégrification culturelle

Quand les ondes télévisées ont été soi-disant libéralisées, et qu'on n'a accepté que les dossiers proches du pouvoir politique, une télévision a tout de même montré ce que pouvait donner une télévision qui prendrait le parti de représenter toutes les communautés présentes dans la mosaïque sociale et culturelle mauritanienne : Sahel Tv, avec à sa tête Bah Ould Saleck. Le succès d'estime et d'audimat grandissant, les propriétaires, cousins du président de la République, ont tout de même vu d'un mauvais œil cette diversité inédite dans le petit écran mauritanien. Le personnel remercié, et le DG démissionnaire, Sahel Tv a depuis plongé dans les méandres de l'oubli.

Mais cela ne s'arrête pas que dans la lucarne virtuelle; Vlane dénonçait une Mauritanie raciste jusqu'à l'UNESCO, qui ne «représentait que la musique maure» dans ce haut-lieu de la pérennisation des cultures du monde. Une musique que pourtant la plus grande diva de ce pays, mauresque, Malouma, s'évertue à faire comprendre qu'elle est du «blues africain, noir, chanté en hassanya» comme elle l'explique dans l'entretien accordé au courrier du Sahara.

Etape 4 : La dénégrification administrative (arabisation des institutions / sélection de ses membres)

Les mandats d'Aziz représentent pour les idéologues bornés et complexés de l'arabité imaginaire qu'ils prêtent aux communautés BERBERES du pays, une chance inédite pour l'arabisation linguistique complète et totale, petit à petit, du pays.

Que ce soit à travers des ministres francophones mais qui prônent l'arabisation alors qu'ils n'en parlent pas un traître mot, les concours et des conditions d'accès aux principaux postes administratifs liés à la maîtrise du HASSANYA (et non de l'arabe comme écrit dans les annonces), les tenants de l'arabité surfent sur les mandats d'Aziz.

Le communiqué officiel sorti il y a deux semaines et formulant que tous les échanges officiels dans l'armée se feraient en arabe a planté un clou dans les armoiries rouillées d'une institution sensée rassembler les CITOYENS du pays sous une entité nationale et non tribale ou autre.

Mohamed Ould Abdel Aziz : « Silence, on dénégrifie ! »
Etape 5 : La tentative de frustration (état de siège des quartiers noirs et récent cas pratique de Niabina)

Les quartiers périphériques sont l'objet de sièges (littéralement) à partir de la tombée de la nuit, de la part d'éléments de la garde. Si a priori une présence de corps armés est importante pour lutter contre la délinquance grandissante dans ces quartiers, le constat a posteriori indique que leur présence ne ralentit en rien la recrudescence des meurtes, viols et vols. «Ils ne sont pas là pour ça ; ils ne patrouillent pas dans les pâtés de maisons. Les patrouilles sont fixes sur les axes goudronnées pour des contrôles au faciès et embêter les taximen» indique Souleymane un habitant du quartier de 5ème près du Cinéma Saada.

Ce «syndrome du colon» qui fait que cette soldatesque se comporte dans ces zones, comme en «zone de guerre occupée» a atteint un point d'orgue il y a quelques semaines lors du siège armé et humiliant des habitants de Niabina dans le sud du pays, au Brakna, après le meurtre imaginairement supposé d'un commerçant maure, qui était en fait allé se soigner à la capitale sans prévenir les siens au préalable.

Un épisode qui a rappelé de bien sombres heures et qui nous rappellent que ce schisme social et culturel, que les mauritaniens doivent dépasser, n'est entretenu que par une pseudo-élite politique, dont les idéologies bornées et passéistes ne touchent pas l'essentiel des mauritaniens, et qui n'aspirent qu'à continuer à diviser pour mieux régner.

MLK

Source: http://mozaikrim.over-blog.com

Vendredi 29 Août 2014
Boolumbal Boolumbal
Lu 619 fois



Recherche


Inscription à la newsletter