Majorité - Opposition : A deux pas du dialogue ?



Majorité - Opposition : A deux pas du dialogue ?
Les diverses tendances politiques en Mauritanie, regroupées au sein de deux grands blocs dénommés « Coalition des Partis de la Majorité (CPM) et Coordination de l’Opposition Démocratique (COD), semblent avoir compris, enfin, que la crise peut s’éterniser. Chaque camp peut, suivant les circonstances favorables ou pas, remporter une bataille, mais jamais la « guerre ». C’est cette vérité générale, connue aujourd’hui par tous, qui explique, en partie, que la scène politique nationale connaît depuis quelques semaines une légère tendance à l’apaisement. Malgré quelques notes discordantes sur le raid de l’armée mauritanienne contre une base d’Al Qaeda au Maghreb Islamique (AQMI), à l’intérieur du territoire malien.
Mais c’est sans doute la nouvelle attitude du président de la République, Mohamed Ould Abdel Aziz, qui a permis aux uns et aux autres de réexaminer leurs discours politiques restés attachés, jusque-là, à des considérations passéistes d’antagonismes des intérêts, souvent individuels ou groupusculaires. C’est ce que l’on comprend aujourd’hui, quand on voit le président du Rassemblement des Forces Démocratiques (RFD), Ahmed Ould Daddah, qui assume également le statut de chef de file de l’opposition démocratique, accepter de rencontrer Ould Abdel Aziz en tant que président de la République élu par la majorité des Mauritaniens un certain 18 juillet 2009. Une reconnaissance qui d’ailleurs vient d’être reconnu officiellement par le Bureau politique du RFD, comme pour donner une suite favorable à l’entame d’un dialogue qui a maintenant toutes les chances d’aboutir.
C’est donc bien d’un nouveau départ qu’il s’agit. La majorité qui a compris le message présidentiel, si l’on convient avec certains observateurs qu’elle n’est aucunement à l’origine de cette volonté d’apaisement commencée par la proposition de dialogue du président Aziz, a, elle aussi, baissé d’un cran son discours polémique. Certes, il y aura toujours des nostalgiques de la surenchère, ceux qui pensent qu’une opposition ne sert qu’à légitimer les privilèges de la majorité, mais déjà les récents propos du président de l’Union pour la République (UPR) annoncent les contours de la nouvelle donne et des nouveaux enjeux. L’on comprend à travers cela que la Mauritanie passe avant tout. Les considérations liées à la maîtrise du pouvoir – ou à son partage – comptent très peu quand il s’agit d’envisager un travail d’affermissement de l’unité nationale pour faire face à des défis qui nécessitent la participation de tous. On n’est plus dans la situation où tout était pensé et exécuté en fonction d’une crise politique qui prenait ses racines dans le coup d’Etat du 3 août 2005 et les différentes erreurs d’aiguillage qui s’en sont suivi. On n’est plus, non plus, dans la configuration d’une élection présidentielle passée il y a un an déjà, qu’il faut légitimer. Trop de temps a déjà été perdu à propos d’un scrutin dont l’utilité première n’était justement pas de doter la Mauritanie d’un nouveau président mais de sortir le pays des soubresauts d’une crise multidimensionnelle. C’est certainement pour avoir compris cela, presque en même temps, que les différents dirigeants de la COD et de la CPM sont aujourd’hui sur le même diapason, quant à la nécessité d’une union sacrée contre le terrorisme, après avoir senti également que le dialogue est un « bon risque » pour chacun des deux camps.
Car laisser pourrir la situation n’a jamais apporté que des conséquences fâcheuses pour tout le monde. Quand le péril est aux portes d’un pays, personne ne se sauvera seul. Des pays proches ou lointains en offrent l’illustration parfaite.
La crise appartient-elle déjà au passé ?
Les bonnes dispositions de part et d’autre sont certes à saluer mais signifient-elles, pour autant, que la crise politique est déjà derrière nous ? On peut le penser si l’on va très vite à ce dialogue dont la thématique générale est connue d’avance. Ceux qui réduisent tout contact ou discussion entre la majorité et l’opposition à une question de partage du pouvoir ne comprennent rien à la démocratie et à ses rouages institutionnellement éprouvés dans de grands pays pionniers dans le domaine. On recherchera plutôt à re-déterminer le rôle dévolu aux formations politiques qui ont choisi de s’opposer au pouvoir et à pousser celui-ci à agir dans le cadre de ce qui est régi par les lois de la République. Parler de la possibilité d’un gouvernement d’union nationale n’est pas un sacrilège mais il faut bien que le président de la République en éprouve la nécessité. Quand il constate que la majorité qui le soutient n’a pas réussi à exprimer sur le terrain le programme électoral qui l’a porté, lui, au pouvoir, ou quand il ressent vraiment que le pays fait face à des défis qui nécessitent l’Union sacrée de tous les citoyens.
La possibilité de repartir sur de nouvelles bases est rendue probante avec l’annonce de l’arrivée de nouveaux financements. Certes, le flux de la nouvelle-ancienne APD (Aide publique au développement) ne sera réalisé qu’au compte-gouttes, tout le long du restant du quinquennat du président Mohamed Ould Abdel Aziz, mais il nécessite déjà la mise en place d’une nouvelle politique.
D’aucuns lient de telles dispositions à la mise en place même d’un nouveau gouvernement qui pourrait s’ouvrir à de nouvelles forces politiques. Côté majorité, les candidats sont légion : PRDR, Hatem, RD, MPR, UDP (qui a déjà deux ministres), Al Vadhila et autre AJD/MR. Tous ces partis politiques rongent leur frein depuis l’élection présidentielle de juillet 2009 et estiment, sans oser le dire à haute voix, que l’OPA de l’UPR sur le gouvernement n’est pas de nature à souder les rangs de la majorité présidentielle. Une redistribution des cartes sans l’opposition est fortement envisageable, malgré le semblant de sérénité constaté ces jours-ci avec la rencontre entre le président de la République et trois chefs de partis de la COD : le patron d’Adil, l’ancien Premier ministre Yahya Ould Ahmed Waghef, le président d’Al Wiam, Boidiel Ould Houmeid, assurant la présidence tournante de la COD, et, dernièrement, le chef de file de l’opposition, et président du RFD, Ahmed Ould Daddah.
Ceux qui pensent qu’un changement de gouvernement est envisageable à la prochaine rentrée, ne peuvent cependant pas s’aventurer jusqu’à prédire que des partis de la COD pourraient y être greffés comme pour donner une portée plus que symbolique au nouvel esprit d’ouverture du pouvoir.

Amadou Diaara


Source:
Quotidien Nouakchott

Dimanche 1 Août 2010
Boolumbal Boolumbal
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