MAURITANIE : SOMMES-NOUS ASSIS SUR UNE POUDRIÈRE ?



Depuis quelques semaines, quelques mois même, le climat général est plus que lourd dans le pays. Entre incertitude politique, morosité économique, tensions sociales et menaces terroristes, la Mauritanie vit une situation très confuse. Comme l’a si bien dit un observateur, «la question n’est plus de savoir si on va sur le mur, mais quand-est ce qu’on va y arriver ?». Cette tension persistante depuis l’accession au pouvoir du Président Aziz ne semble pas prête de s’estomper, malgré les multiples tentatives d’apaisement. Chaque jour l’horizon s’assombrit un peu plus. Ce n’est pas du pessimisme, c’est du réalisme.
Le plus inquiétant, c’est qu’aucun domaine ne semble susciter le moindre espoir. Au plan politique d’abord, c’est l’incertitude totale. Incertitude quant aux intentions du Président Aziz sur une candidature à un éventuel troisième mandat. Bien que la Constitution ne lui laisse aucune brèche exploitable, l’attitude du Chef de l’Etat s’apparente à ce qu’on appelle chez nous «koydol muumo» ou encore «helm el ebkem», c’est-à-dire le rêve d’un sourd-muet. Lui seul le sait en effet. Pourtant s’il décidait de passer en force, personne ne peut prédire les conséquences pour le pays.

Le spectre de la violence

On a beau entendre ça et là, «les mauritaniens sont dociles» ou «il y aura toujours des opportunistes qui vont l’aider à imposer sa volonté» ou encore «il maitrise l’armée qu’il a mis dans de bonnes conditions».... rien n’est moins sûr.

En effet, le propre d’une révolte s’est d’être imprévisible. Qui pouvait imaginer un jour que les déboires du tout puissant Ben Ali allaient commencer par une simple bévue de sa Police, qui en avait pourtant commis de plus graves ? On avait entrevu une petite lueur d’espoir lorsque, à la surprise presque générale, le Président avait annoncé, à partir de Chinguitty, sa disposition à un dialogue sincère et sans conditions avec l’opposition.

Mais, après quelques réunions entre Pouvoir et Opposition, la tentative fut de nouveau avortée, laissant la porte ouverte à toutes les incertitudes. En plus, de l’avis de plusieurs observateurs, même si le Président Aziz n’a pas l’intention de briguer un autre mandat, il est vital pour le pays qu’une transition apaisée soit préparée grâce à une large concertation entre toutes les forces vives du pays. Faute de quoi, personne ne peut prédire ce qui va se passer dans les années à venir. D’autant mois qu’au plan économique, les choses sont loin d’être plus reluisantes.

La politique de l’autruche

En effet, malgré les déclarations triomphalistes et propagandistes du Ministre des Finances – dont l’attitude s’apparente plus à celle d’un griot dans une cérémonie traditionnelle – la situation économique du pays est loin d’être reluisante. Elle serait même tout simplement «inquiétante», d’après plusieurs rapports confidentiels d’institutions internationales comme la BAD, la Banque Mondiale et le FMI.

Selon les prévisions de ces institutions, une crise sans précédent pourrait frapper le pays à court terme. Il ne s’agit donc plus seulement des déclarations d’une opposition qui «refuse de reconnaitre les réalisations grandioses» du Président Aziz, mais bien des conclusions d’experts qui tirent sur la sonnette d’alarme. Il n’est même pas nécessaire d’être un «expert» pour se rendre compte des difficultés qui nous attendent.

Les sources de nos recettes sont en train tout simplement de tarir. Le prix du fer a dégringolé de façon vertigineuse en quelques mois, l’Accord de Pêche avec l’Union Européenne n’a pas encore été renouvelé et les taxes douanières se réduisent comme peau de chagrin. Il n’est donc pas surprenant de remarquer que l’Etat est en train de racler les fonds de marmite en pourchassant les étrangers pour qu’ils payent la carte de séjour afin d’éviter au Trésor Public une pénurie de liquidités, qui semble inéluctable dans les mois à venir. Pourtant, dans l’un des rapports auxquels on a fait allusion plus haut, le FMI «s’inquiétait de l’extrême dépendance du pays aux industries extractives» et «à maintes reprises, avait élaboré des plans de réformes pour atténuer l’ampleur de ce fardeau».

Dans ces conditions les tensions sociales et ethniques ne feront que s’exacerber et exposer le pays aux risques terroristes. En effet, une jeunesse désœuvrée et sans perspective et une population pauvre et divisée, sont un terreau favorable pour les recruteurs d’Al Qaïda et autres Daesh… Que Dieu nous préserve de ces marchands de morts.

Sikhousso

Source : L’Eveil Hebdo

Lundi 6 Juillet 2015
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