Les larmes des femmes de Garack



Les larmes des femmes de Garack
c’est le nom du site de la coopérative des femmes du village de Garack, un village situé à environ 4 km de la ville de Rosso.

Le Collectif des femmes de Garack s’active depuis 1998 dans une coopérative principalement tournée vers l’agroalimentaire (les arbres fruitiers et les légumineux).

On dénombre dans ce site de 40 hectares, 4600 arbres fruitiers dont 3000 manguiers et 1600 citronniers. Aujourd’hui, ces arbres sont en train de mourir à cause de l’assèchement du site; ce site, qui était alimenté par un bras du fleuve N’Diougueur (branche du fleuve Sénégal), a été asséché par l’Etat mauritanien par la fermeture de ce courant naturel du fleuve Sénégal.

Pour, dit-on, des travaux de curage du chenal de Belel et la construction de deux ponts dont la durée des travaux est de 4 mois. Seulement, voilà maintenant deux ans que Garack attend la fin de ces travaux pour faire revivre Belel. Par ces travaux de curage du chenal, l’Etat veut alimenter un autre site agricole, le projet «KOK», du nom des terres aménagées non loin de Garack. Comment en voulant mettre sur pied un projet vital pour les populations, on va détruire un acquis (le site de Belel), fruit de 19 ans de dur labeur des femmes de cette localité?

426 femmes s’activaient dans ce site. Et, en plus des arbres fruitiers, elles produisaient des légumes (oignons, aubergines, patates...). On peut dire que Belel est à Garack ce que le Nil est à l’Egypte. La production de Belel était destinée à la consommation quotidienne locale à travers le marché de Rosso, mais ravitaillait aussi le marché de Nouakchott en légumes, deux à trois fois par semaine.

La Présidente de la coopérative des femmes de Garack, hagarde et interloquée, déclare : «Me parler ou me demander de parler de Belel, c’est briser davantage mon cœur. Car voilà bientôt deux ans que je cours et n’arrive pas empêcher « l’assassinat en silence » du trésor d’un effort d’une vingtaine d’années de labeur de ces braves femmes. Mes glandes lacrymales ne produisent plus de larmes.

Et pourtant on se rend compte qu’après tous ces efforts, rencontres et promesses des autorités, nous n’avons, aujourd'hui, que nos larmes pour pleurer; nos larmes pour l’assèchement de nos champs. Nos larmes pour le manque à gagner. Nos larmes pour l’appauvrissement de ces familles qui avaient comme seule ressource de subsistance ces champs. Nos larmes pour notre impuissance de sauver notre activité de plus de dix-neuf ans et voilà deux ans que nous courrons. Deux ans que nous tapons à des portes pour sauver ces arbres. Deux ans que nous parlons à nos responsables.

Deux ans que nous cherchons une solution conséquente. Deux ans que nous cherchons à être entendues par les plus hautes autorités du pays... en vain. Deux ans que nous assistons, impuissantes, à l’hécatombe de 4600 arbres fruitiers. Vous savez qu’aujourd’hui, moi personnellement, je ne peux plus aller à Belel. Je n’ai plus le courage de regarder ces arbres qui meurent ».

Non. C’est une évidence. Mesdames vos cris ne sont pas entendus. Et ce n’est pas encore demain la veille. Mais criez, criez, criez encore. Vous aurez difficilement un répondant efficient pour sauver ce qui peut l’être aujourd’hui de Belel car votre préoccupation n’est pas la préoccupation de vos interlocuteurs. Vous, vous cherchez à mettre l’accent sur la primauté du développement local et eux sont dans la défense des petits intérêts mesquins et égoïstes. C’est ce qu’on appelle en géométrie deux droites parallèles. Vos intérêts ne peuvent jamais coïncider.

Ceux que vous pensez être capables de trouver une solution à l’assèchement de Belel, vous leur attribuez une lourde responsabilité qu’ils n’ont pas. Mesdames, il ne vous reste que de taper directement à la porte de Mohamed Ould Abdelaziz. Va-t-il vous entendre ? Je ne saurais le dire. Mais ...

Mesdames, souvenez-vous de la destruction de 12 hectares de culture provoquée par l’assèchement de votre site dont 5 hectares d’oignons, 4 et ½ hectares d’aubergines et 2 et ½ hectares des autres légumes ? Rappelez-vous du nombre d’arbres arrachés impunément pour faire passer les engins devant exécuter les travaux ?

Pour les oignons, certains spécialistes soutiennent qu’on peut récolter 21 tonnes par hectare, soit 105 tonnes d’oignons perdues. Pour les 3000 manguiers qui ne produisent plus... la récolte annuelle d’un seul manguier avoisinait les 500 kilogrammes, faites le calcul. Et que dire de 1600 citronniers qui produisaient en toutes saisons?

C’est une autre criminalité à laquelle l’autorité locale a été indifférente. Car les solutions promises par ces autorités n’ont jamais vu le jour pour vous sauver de cette catastrophe provoquée sciemment. Pour un pays et des autorités qui se respectent, on ne peut jamais laisser une hécatombe de l’écosystème constitué de 4600 arbres fruitiers, produit d’environ vingt ans d’activité sans une étude pour une solution au préalable pour préserver cet acquis source de vie. L’eau dont ces femmes ont besoin est à quelques centaines de mètres.

Les bras de ces femmes ne peuvent pas construire de conduit pour alimenter le site que les techniciens soutenaient que c’est le seul moyen pour éviter la catastrophe.

Ces femmes, les femmes de Garack, ne demandent qu’une chose : contribuer au développement du pays par l’action locale en assurant l’autosuffisance alimentaire au village et à la région. Est-ce c’est trop demander... ?

Camara Seydi Moussa




Source : Sahel Journal (Mauritanie) via cridem.org

Mardi 28 Juin 2016
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