LES OFFICIERS MAURITANIENS FACE À LA RETRAITE



Ely Ould Krombelé – Pour ne pas y penser, on essaye de la refouler dans son for intérieur. Mais souvent elle surgit à l’improviste comme l’ennemi. Elle est toujours agaçante même si on s’y prépare des années durant. La retraite: un de ces détestables mots ( maux) qui affligent plus qu’ils ne soulagent.
Normal, car en Mauritanie les nombreux avantages dont on peut bénéficier dans la vie active disparaissent aussitôt comme des étoiles filantes une fois la retraite annoncée, pour se traduire en animation de chrysanthèmes. Si, dans la vie chaque chose a un début, sa « vitesse de croisière » et une fin, la retraire des fonctionnaires mauritaniens de manière générale est un cas « concret tactique » dont il faut désormais débattre foncièrement.

Deux volets a priori distincts mais asymptomatiques de cette situation sont à prendre à bras-le- corps : il s’agit de l’âge du départ à la retraite et surtout le traitement octroyé aux retraités, qu’ils soient civils ou militaires. Alors pour mieux appréhender la trame intellectuelle du sujet, suivons une discussion à battons rompus entre des officiers des forces armées et de sécurité sur le point d’aller à la retraite. Avec humour, sans la rigueur militaire.

Colonel Alpha: « je vais être mis à la retraite alors que ma maison en construction n’a pas encore atteint la hauteur des fenêtres ». Colonel Bravo: « Et moi, mon problème ce sont mes enfants qui sont dans une école privée, ma pension ne pouvant pas me tirer d’affaire. Autrement, à la retraite bientôt mon traitement ne sera plus le même qu’avant. »

Colonel tango: « tu t’imagines à 60 ans je peux encore courir 8 km par jour sans me lasser, on me met en permission libérable; pourquoi ne pas me maintenir pour 2 ou 3 ans encore ? « . Et le général zoulou de conclure: « tu parles, courir mais aussi être en mesure de manger un cabris en moins de 20 minutes! ». « Sans blague dit un retraité civil diabétique qui court chaque soir au stade omnisports de Nouakchott tout en ajoutant: « je croyais que le record de ce palmarès gargantuesque était détenu par un autre colonel lorsqu’il était en activité ».

Paroles de retraités? Pour ces officiers, cette discussion loin d’être à l’image de celle des généraux de Byzance, dénote plutôt de l’amère réalité vécue par tous les militaires, tous grades confondus, mais au-delà par tous les fonctionnaires mauritaniens.

1/ »Vérité en deçà des Pyrénées erreur au-delà (B.Pascal):

En Europe les fonctionnaires sont pressés d’aller à la retraite qui est le seul moment où ils pourront concrétiser leur rêve de toute une vie après plusieurs années de labeur,de dur labeur. Ainsi reculer l’âge de la retraite même pour cause raisonnable, provoque à chaque fois manifestations-revendications. Ce qui est impensable en Mauritanie où le code du travail calqué en partie sur celui de l’ancienne puissance coloniale ne répondant plus aux attentes des salariés (pouvoir d’achat), encore moins des bailleurs ou du patronat (surtout le privé).

En Mauritanie la maigre pension de la retraite,pousse les fonctionnaires à vouloir rester en activité jusqu’à la fin de vie.Cependant ils ont en partie raison car le manque d’opiniâtreté au travail permet à nos salariés de garder la forme, de siroter le thé en évitant l’usure jusqu’au troisième âge…

2/Le cas spécifique de l’Armée:

Si le cas des militaires du rang (soldats, caporaux) qui partent à la retraite avant 50 ans pour cause de limite d’âge, est discutable, celui des sous-officiers compréhensible, il n’en est pas de même pour les officiers supérieurs et les officiers généraux. Certains sous-officiers de carrière exercent longuement dans l’Armée des décennies durant à telle enseigne qu’ils font appel à leurs enfants chaque jour afin de les guider au sortir du ministère de la défense ou de l’Etat-major.!

Quant aux colonels, à 60 ans ils partent encore jeunes, ayant la hargne, encore l’envie « d’en découdre » surtout quand ils sont attachés de défense, commandants de régions militaires ou intendants… A 62 ans un général qui vient juste d’avoir sa dentition complète, n’est jamais usé car nous les connaissons tous, capables de porter un jugement sur toutes les questions régaliennes, stratégiques au moins jusqu’à l’âge de 65-67 ans.

Donc faire partir le colonel Mouhameden Ould Bilal (le Rommel du désert) commandant la 2ème Région Militaire, les généraux Mohamed Znagui Ould Sid’Amed Ely (notre Napoléon), Dia Adama Oumar (le génie de Boghé) sans en tirer davantage de leurs qualités et expériences professionnelles jusqu’à la moelle des os, aura été un manque considérable pour l’Armée. Ce qui est incompréhensible encore, c’est le départ des médecins militaires généralistes et surtout spécialistes.

J’ai rencontré en Juillet dernier les colonels Zeiny Selmé (orthopédie) Baro Abdoulaye (pédiatre) et Kane Hamidine (généraliste) admis à la retraite depuis quelque temps et qui exercent dans le privé. Quelle perte pour l’Armée!. Former des médecins de surcroît spécialistes est une fondation de longue haleine qui sollicite de gros investissements. Pour en amortir le prix de revient le ministère de la défense devrait utiliser tous ces médecins jusqu’à la béquille!

Il est temps que l’Armée nationale se penche sur l’âge de départ à la retraite des militaires,surtout les officiers, particulièrement les colonels et les officiers généraux,en charge d’élaborer notre vision stratégique et nos doctrines d’emploi. Le seul avantage pour celui qui a épousé la carrière militaire,ce n’est ni un poste « florissant », ni un poste « reposant » mais plutôt l’avancement sans constriction.

Tout officier aspire à devenir général. Ceci est à discuter et dépend surtout du cursus de chacun.Il va falloir alors déterminer les critères objectifs qui ouvrent la voie au « club très fermé« (c’est le cas dans tous les pays avancés) et prisé des généraux.

Normalement depuis le grade de commandant, chaque officier supérieur devrait connaitre son plafond. Ceux qui sont destinés à être des généraux doivent se distinguer surtout au plan professionnel, être de bonne moralité, de bons patriotes avec un cursus garni. Il y a aussi des postes par principe qui doivent revenir à des généraux.

Il s’agit de l’Etat-major de l’Air, de la future Ecole de Guerre, des futurs commandants de zones (si c’est en projet), de l’Ecole militaire d’Atar, qu’on peut transformer en académie. Pour donner plus de poids à nos attachés de défense, nos bureaux militaires d’Alger, de Rabat (pays qui nous regardent avec dédain) de Bruxelles(Otan), de Paris, de Madrid, de Washington et enfin d’Ankara (pour coopération militaire) doivent être pourvus en officiers généraux.

Cependant des généraux compétents, dynamiques et professionnels et qui réhabiliteront la fonction, longtemps recouverte du vernis à caractère lucratif,donc détournée de sa mission initiale quasi-diplomatique . Evitons surtout le syndrome malien; le Mali où dans chaque coin de rue il y a un général en « ballade »connaissant mieux la calculette que la boussole et la carte! Honte à ces généraux incapables de contenir l’ardeur belliqueuse de quelques narco-trafiquants.

Capitaine Ely Ould Krombelé

Source: http://adrar-info.net

Lundi 24 Novembre 2014
Boolumbal Boolumbal
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