LES EXILES DE LA DÉMOCRATIE MAURITANIENNE: LE RETOUR À LA TERREUR POLITIQUE.



LES EXILES DE LA DÉMOCRATIE MAURITANIENNE: LE RETOUR À LA TERREUR POLITIQUE.
Il est difficile de concevoir une démocratie pluraliste qui secrète des exilés politiques et des prisonniers d’opinion. Or, le régime en place en Mauritanie s’inscrit de plus en plus dans une logique de terreur qui pousse certains de ses adversaires à l’exil, presque contraints de quitter le pays en catimini. Et la liste devient tragiquement longue…En même temps, des membres de l’ancienne gestapo rendus tristement célèbres durant les périodes de braise sous Ould Taya, sont également en train de reprendre petit à petit service.Hanevi Ould Daha serait parvenu à s’exfiltrer hors du pays, alors qu’il lui était interdit tacitement de quitter le territoire. Ce journaliste aux écrits vitriolés à l’égard du président Mohamed Ould Abdel Aziz et de son régime est l’un des professionnels des médias le plus persécuté en Mauritanie. Débarqué de son poste de directeur de la chaine privée TV Wataniya, où sa nomination était mal vue par l’intelligentsia au pouvoir, Hanevi sera l’objet de plusieurs attaques physiques. Les locaux de son site électronique «Taqadoumy » seront vandalisés à plusieurs reprises. Il a été victime au moins de deux agressions criminelles avec intention de le tuer, la dernière étant celle qui avait failli se terminer par l’incendie de sa maison. Dans tous ces cas, les présumés agresseurs avaient, selon plusieurs sources d’information, des liens avec l’homme fort du pays. Aucune enquête judiciaire n’a jamais été diligentée pour faire la lumière sur ces mystérieuses attaques contre Hanevi. Selon des sources proches de ses partisans, quelques «amis» proches du sérail au pouvoir lui auraient conseillé dernièrement de quitter le pays. Lui-même soupçonnait qu’un traquenard judiciaire, du même type que celui concocté contre Birame Dah Abeid et ses compagnons, allait lui être tissé.
Cette fuite de Hanevi Ould Daha vient ainsi relancer le débat sur la nature du régime qui dirige aujourd’hui le pays. Ces détracteurs trouvent qu’il est encore plus dangereux que tous les régimes qui lui ont précédé, en ce qu’il se drape des oripeaux de la démocratie et de la liberté de presse, jetant en pâture aux critiques internationales des avalanches de textes de loi promulgués à la chaîne. Ainsi, Hanevi Ould Daha vient de prendre le chemin de l’exil, presque sur les traces d’Ishaqh du groupe «Ewlad Leblad », celui-là même qui avait quitté le pays il y a quelques moins dans des circonstances quasi similaires. Après la diffusion de son dernier album «Gueyem», le groupe déjà dans le collimateur du régime est de nouveau sur la sellette. Hamada, l’un des lead vocal du group se retrouva en prison, sous l’affabulation de trafic de drogue et viol. Se sentant sur la liste, son compagnon de lutte, Ishaqh fit sa malle et quitta la Mauritanie en catimini. Du Sénégal, il se serait envolé vers le Canada, où il aurait trouvé refuge.
La douloureuse route de l’exil politique que les Mauritaniens croyaient d’ailleurs révolu, avec le changement de 2005, revient ainsi dans toute sa hideuse manifestation. Les Mauritaniens appréhendent aujourd’hui toute la portée de l’exil de Ould Bouamatou, l’homme qui a le plus soutenu et aidé Mohamed Abdel Aziz dans sa conquête du pouvoir, celui qui lui avait fourni les finances nécessaires et qui lui avait ouvert les portes de son imposant carnet d’adresses sur le plan international.
Un autre homme d’affaires et leader politique, Abdel Ghoudouss Abeidna, président du parti UNAD, a été lui aussi contraint à l’exil, suite à des persécutions qui risquaient de laisser sa riche famille sur la paille. Virulent opposant au régime de Mohamed Abdel Aziz, Ould Abeidna vivra l’enfer des exactions sous le vernis institutionnel. Après avoir tenté de résister, il a fini par abdiquer lorsque les intérêts de sa famille se trouvèrent menacés par le pogrom politique qui s’attaquait à tout ce qui lui était proche de près ou de loin. Autre opposant vivement recherché par le pouvoir en place à Nouakchott est sans nul doute Limame Chavi, cet ancien conseiller de l’ex-président burkinabé Blaise Compaoré. Exilé au Maroc depuis le changement survenu au Burkina Faso, il ferait partie des plus importants grains de sable dans la normalisation des relations entre Nouakchott et Rabat, les autorités marocaines refusant d’exécuter la demande d’extradition internationale formulée par leurs homologues mauritaniens.
Mais si beaucoup de porteurs d’idées n’ont pas le courage d’affronter les geôles du pouvoir ou de courir le risque d’un combat interne à l’issue fatal, et qui choisissent ainsi la voie la plus facile, celle de l’exil, d’autres combattants poussent la témérité jusqu’à privilégier le sacrifice suprême en affrontant le destin ici même, dans l’arène de leurs joutes quotidiennes. Birame Dah Abeid, président de l’Initiative du mouvement abolitionniste en Mauritanie (IRA) semble appartenir à cette trempe d’homme qui préfèrent mourir dans cette arène-là, intra muros, que la fugue dans un exil doré. Aussi, croupit-il aujourd’hui en prison, depuis plus de sept mois, lui et son compagnon de lutte, Brahim Bilal Ramadan. Tous les deux vivent ainsi stoïquement leur exil intérieur, ce qui constitue en soi le plus grand fardeau qu’un opposant puisse infliger au régime.
Cheikh Aidara

Source: http://adrar-info.net

Mardi 7 Juillet 2015
Boolumbal Boolumbal
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