L’esclavage, un préjudice historique faisant tache d’huile



Qu’y a t-il de plus normal que – dans le face-à-face qui les oppose à la rudesse de leurs conditions de vie sociales et économiques, du fait d’une politique officielle exclusiviste et marginalisante – les Haratin recourent aux moyens officiels de l’Etat – institutionnellement responsable de leur sort – pour changer leur statut de parias et d’ « intouchables » !

Cependant, il y a lieu d’oser apprécier et valoriser toute réponse positive qui émanerait du pouvoir et va dans le sens de les soulager. Qu’elle soit peu attendue et qu’elle ait lieu lui confère plus d’importance.

D’autant plus qu’une réponse positive de l’État peut être interprétée, à juste titre, comme une reconsidération officielle de sa position jusqu’à présent mitigée, position qui n’a de cesse d’alimenter les polémiques et renforcer le scepticisme des observateurs vis-à-vis de la volonté du pouvoir de rompre avec le passé.

Peut-être qu’une telle réaction, au cas où elle aura lieu, contribuera-t-elle à l’enclenchement de l’ambitieux processus d’édification du pays tant espéré qui ne saurait se réaliser que dans l’entente, la coexistence pacifique et la concorde nationale.

Il va sans dire que ces dernières sont les gages réels d’intégration communautaire, au-delà de toute dénégation du pluralisme ethnique d’une nation comme la nôtre, confrontée aujourd’hui à toutes les formes de particularisme et de communautarisme sur fonds de revendications identitaires.Et pour cause les officines de pensées de forces réactionnaires se dressant face à définition juste et inclusif du concept de l’ « Unité Nationale ».

certes, c’est tout un honneur que tous les Haratines ou presque se caractérisent, à l’avis de tous, par leur patriotisme et leur attachement à défendre le pays contre la dérive et le désastre, tout étant convaincus que c’est là un sacrifice qu’il doivent consentir, s’il le faut au prix de leurs droits spoliés, de leurs intérêts reniés et même la place qu’ils méritent d’occuper parmi le concert des composantes mais qui leur est refusée au nom des privilèges indus.

Mais le mépris voué par les affidés des différents régimes se succédant aux descendants de cette composante sincère – majorité nationale confortable – risque fort de les pousser à se placer du mauvais côté, là où l’on les attend peut-être le moins.

Le sentiment de colère tous azimuts, l’injustice, le favoritisme, l’exclusion, l’inégalité tout comme le pari sur l’esclavage avéré ou non, l’ignorance des Haratines et leur pauvreté, ne pouvaient perdurer sans la volonté et la bénédiction des régimes, tous rompus à user de l’esquive, la sourde oreille et la fuite en avant comme mode de traitement des grandes questions nationales.

Au cours de la tournée du Président de la République en « Mauritanie des profondeurs », une image a été émise. Mais son arrière-plan a été, j’ose dire, mal appréhendée par tous les journalistes malgré les impressionnants moyens techniques dont disposent leurs puissants « empires médiatiques » publics et privés au service de la propagande communautariste ethnicisée.

Nonobstant l’image sautait à l’œil, n’étant ni ambiguë ni ésotérique. Sa teneur ? Les Haratines constituent la principale force démographique de la Mauritanie. Une évidence, n’est-ce pas ? Ce sont eux qui peuplent les terres et ce sont eux qui les protègent.

Ce sont, en plus, leurs pieds gercés et empoussiérés qui battent partout le sol des sentiers et des espaces publics pour aller accueillir le président. Mais pour toute récompense, on leur jetais le verrouillage des modiques programmes d’aide accompagnant le président devant les adwabas sur la figure.

Ce constat est tout à fait usuel mais logique. Car c’est le contraire qui surprendrait. En effet, à tous les niveaux des étapes de la visite, la conception se fait au gré des segments dominants fortement représentés au sommet de la hiérarchique soumise à leurs insinuations.

Ainsi procède-t-on délibérément à l’exclusion des zones de concentrations haratines pour consolider la mainmise et, par conséquent, la préexcellence de la race élue de Dieu, celle des segments dominants qui s’arroge le droit omnipotent de représenter tout le monde auprès du président.

Comme ça les Haratines sont confinés dans le rôle de gardiens de terres dont ils leur est interdit non seulement l’acquisition mais aussi le droit de les exploiter contre un salaire.

C’est vrai qu’il est difficile d’exorciser le mauvais sort qui hante ce pays conduit selon la logique nobiliaire. Pour autant ne rien faire pour changer une situation qui loin d’être une fatalité, est une illusion qu’entretient un système de domination né des efforts conjugués des clergés et leurs livres jaunes, d’une part, et des guerriers et leurs pétarades tonitruantes qui datent du temps de l’« anarchie » tous azimuts et du « non État», d’autre part, est en soi-même une aberration.

Les deux types ordres statutaires inédits précités s’alternent aujourd’hui à tour de rôle – les clergés gouvernant selon leurs gloses cléricales et leurs décisions prises par «intérêt » ou par « peur », sous la menace de l’épée ; les guerriers régnant, quant à lui, par la force du feu et suivant son bon plaisir – pour préserver leurs privilèges ataviques, indus et révolus, reléguant tout le reste des composantes au bas de l’échelle où elles sont assignées à jouer les seconds rôles (adeptes ou tributaires). L’ironie du sort est que cela se passe à l’ère, dit-on, de la justice et de l’Etat de citoyenneté.

Ceci est d’autant plus vrai que l’on assiste aux manœuvres de l’État-nation qui se traduisent en pressions, pesant tant sur les victimes des préjudices que sur les leaders historiques des revendications de justice et d’égalité.

Ces manœuvres visent à freiner les actions ayant comme finalité l’acquisition des droits et l’enracinement des valeurs citoyennes, sous prétexte qu’elles constituent une menace à l’unité nationale et la cohésion sociale.

Ces menées officielles sont l’expression de déficience du système à appréhender les exigences de l’heure. Elles sont aussi la consécration du mépris que l’État nourrit envers l’euphorie et l’interaction que produit généralement la rencontre irréversiblement têtue entre le temps et l’espace dont, il faut le dire, le moment a sonné ici.

Et pour que le mauvais sort frappent avec force et nous fassent mal, pour qu’il parvienne à nous pousser au désespoir et stopper toute aspiration de corriger ce que le culte de la supériorité de race – religieusement et juridiquement injustifiable – a gâté au dépens de l’égalité des chances sur la base de principe de compétence ou voire à l’institution du système de quota proportionnellement au poids démographique de chaque composante nationale (la libanisation de la scène), le pouvoir a œuvré à la consécration d’une race comme emblème marchant dessus de la nature multiraciale et pluriethnique des populations.

C’est ce qui explique le monopole quasi-total et arbitraire par cette communauté de race des nominations, des promotions, des représentations diplomatiques à l’étranger, des concours publics par la manipulation des enquêtes de moralité (ENA ; ENS, ENI…), des bourses d’orientation estudiantine.

Le mépris et l’exclusion suicidaires déclarés pour annihiler le droit avéré à la différence culturelle et sociale sont incapables de conduire à la déculturation et l’aliénation totale toute une communauté désormais plus que jamais consciente de ses particularités historiques et ses traits socioculturels (légendes, mythes, sagas, traditions, danses, musiques…) lesquels sont un antidote contre l’intégration forcée et un frein à la phagocytose.

L’heure est venue de comprenne que les velléités de poursuivre les manœuvres d’assimilation forcée des Haratines – connus pour leur disposition à tout concéder aux autres par altruisme, y compris leurs droits – peuvent les conduire à la révolte et, pire encore, à la radicalisation contre la modération, la tolérance et la patriotisme des leaders historiques de la cause.

Tous les reproches des « endurcis » sincères vont à l’encontre des autorités lesquelles s’évertuent à discréditer les chantres des revendications égalitaires et insinuer la minimisation voire l’ignorance de leur expérience, de leur halo et leur patriotisme.

C’est pourquoi elles se sont lancées dans un absurde processus de prolifération à outrance d’organisations dites de droits humains. Leur but ultime étant de satisfaire des appétits inhérents à des conjoncturelles.

Ces organisations se sont avérées n’être enfin que des marionnettes provoquées à des fins de divertissement et d’atermoiement. Elles ressemblent dans leur rôle « aux ongles des orteils qui ne pouvaient servir ni à gratter ni encore à enlever les épines. »

Peut-être que peut-on reconnaître à ces organisations d’avoir participé, par hasard, à élever du niveau de prise de conscience des Haratines. Mais on ne saurait oublier que leur mission principale est de diviser l’unité, entamer la détermination des précurseurs de la cause et démoraliser leurs partisans afin que baissent les pressions sur le pouvoir. Cela va sans dire.

Or ce qui tient à cœur aux dirigeants haratines qui ne sont mus par la quête sincère de justice entre les différentes entités nationales auxquelles revient le mérite de briser le carcan des pratiques rituelles, instituant une pseudo-stratification sociale, c’est leur disposition à affronter les forces nobiliaires avec tout le sacrifice que cela exige.

C’est aussi la place de choix qu’occupe leur cause dans leurs préoccupations qui feront demain date dans l’histoire de la nation, celle où la supériorité communautariste et raciale ne sera plus une réalité de fait.

Puisqu’ici c’est l’État qui décide, à raison ou à tort, qui mérite de devenir fonctionnaire, quand et comment le promouvoir ; puisque c’est lui aussi qui décide de la personne dont la carence ne peut l’empêcher d’accéder à la fonction publique, tout comme celui devant forcément mordre au hameçon des sang-mêlé pour travailler, celui à qui revient le droit indu de tripatouiller les enquêtes de moralité des concours ;

ceux autres auxquels échoient iniquement l’exclusivité de tous les contrats d’affaires juteux au point de dormir pauvres et se réveiller richissimes ;

c’est ce même État tout-puissant, décidant de tout, qui parraine sciemment la discrimination et le renforcement des disparités dévastatrices entre ses citoyens par truchement d’une politique d’ancrage d’une classe d’hommes d’affaire dominants voyant dans la justice et l’égalité un sérieux danger à leurs privilèges.

Jusqu’à ce que le groupe dominant décide de renoncer à ses privilèges indus en faveur de l’égalité pour tous et l’association, dans un État civique, de la majorité qui n’appartiennent pas aux lignées nobiliaires – la « assabiyâ’a » tribale alambiquée – toute induction inspirée du fil de l’histoire à propos des haratines ne changera en rien de la misère de leur composante tant qu’on se cantonnerait dans l’analyse, l’interprétation des causes et la polémique sur la légitimité ou non de la question. En effet, le temps qu’on consacre à vérifier si le papillon est mâle ou femelle, il mourrait.

Un préjudice d’une telle gravité et, qui plus grave est, affecte un si grand nombre de victimes, en l’occurrence une majorité, est une exception singulière dans les annales des préjudices.

Il faudrait alors l’audace de prendre des positions courageuses qui vont dans le sens de bâtir un État de droit qui protège la liberté de ses citoyens et leur assure les conditions d’une vie décente ; un État qui ne leur exerce aucune forme de terreur ou d’oppression. Cet État doit être disposé d’une volonté sans équivoque d’éradiquer l’esclavage.

Pour cela il faut initier des mesures d’accompagnement qui s’inscrivent en faux avec l’expérience calamiteuse de l’Agence de Tadamoun, qui n’est qu’un instrument de propagande du régime ; le dit tribunal chargé de juger les dossiers de l’esclavage (slogan vaseux !!!).

La consécration dudit État doit mettre fin aux calendre grec de la mise en œuvre d’une justice transitionnelle devant réparer les victimes et leurs restituer leurs droits à travers, parmi tant d’autres mesures, l’adoption de la discrimination positive pour réduire les disparités mettre progressivement fin à l’ancrage de la balkanisation de tous bords.

Enfin, pour une intégration générale et complète, l’État doit s’engager à offrir à tous ses citoyens l’accès égal à un enseignement public qualitatif et déterritorialisé, au sein d’une École Républicaine. Cela exige le courage d’abolir complètement « l’enseignement privé » et les dites écoles d’« Excellence » qui se sont transformés en espace de consécration de la discrimination raciale et communautariste.

On le sait, ce n’est que par l’école, assainie, et complètement libérée des pesanteurs qu’on peut préserver l’unité des droits et des devoirs, renforcer la reconnaissance et le respect mutuels des différences. Sans cela il n’y a pas lieu de parler ni de l’unité nationale ni de la cohésion sociale.

M. Alioune Ould Sleck



Source : Alioune Ould Sleck

Mardi 25 Août 2015
Boolumbal Boolumbal
Lu 131 fois



Recherche


Inscription à la newsletter