L’esclavage dans les espaces villageois Soninkés du Guidimakha



Cet article est les résultats des enquêtes de terrain par observation, entretien et vécu. Il traite la question de l’esclavage en Mauritanie particulièrement chez les Soninkés dans la région du Guidimakha. Le Guidimakha, 10ème région de la Mauritanie, est constitué de soninkés, peulhs et maures.

Selon différentes statistiques administratives montrent que les soninkés sont majoritaires dans cette région. Il est composé aujourd’hui des villages ethniques et tribaux dont le nombre reste indéterminé car de nos jours de nouveaux villages apparaissent ; de trois départements et une capitale régionale (Selibaby).

L’idée pour répondre à cette question jaillit à travers un certain nombre de thèses qui opposent trois groupes les anciens esclavagistes, le pouvoir et les anciens esclaves. D’une part, les anciens esclavagistes disent que l’esclavage n’existe pas.

D’autre part, les institutions modernes de l’Etat, c’est-à-dire le pouvoir conteste l’existence de l’esclavage et parle des séquelles ce qui ne l’empêche pas de faire de lois antiesclavagismes. En fin, les anciens esclaves parlent de séquelles et de la pratique de l’esclavage. Tels sont les principales thèses dont cet article tente de répondre dans la région du Guidimakha.

Bref, il s’agit dans ce travail, de présenter la situation de l’esclavage dans la région du Guidimakha. Pour traiter la question de l’esclavage, nous nous somme intéressés à définir qu’est ce qu’un espace villageois soninké contemporain, ensuite les coutumes (les lada) et, les railleries et les plaisanteries chez les soninkés.

Un espace villageois soninké contemporain

Un village soninké contemporain est dirigé par le chef de village. Les villages précoloniales, les chefs étaient entouré par des ainés composé de notables, parents et issu de statu libre « Horo », de clients « Nyaxamala » des esclaves de confiances « Komo-khoro ».

Les traditions politiques et sociales remontent aux anciens royaumes et consistent essentiellement en une légende portant sur la formation, la richesse et une série de dyamu (patronymes claniques) et des titres attachées aux fonctions dirigeantes. L’espace villageois soninké contemporain est composé que des soninkés fermés sur eux mêmes, descendant d’un même ancêtre commun où plus généralement ayant une même origine, possédant une culture homogène et parlant une langue commune, et également une unité politique. La manière de penser, d’agir et de sentir, de ses membres est basée sur le système traditionnel.

L’appartenance à un village contemporain soninké dépend de la filiation patrilinéaire. La tribu et le clan ne permettent plus d’habiter à un village soninké. La terre est une propriété collective chez les soninkés malgré que la loi de 83 aboli les propriétés traditionnelles. Les villages soninkés institutionnalisent les lada pour que l’esclavage demeure.

2. Les coutumes (les lada) comme système d’institutionnalisation de l’esclavage chez les soninkés

Selon le dictionnaire Toupie : « une coutume est un usage établi devenu une règle, une pratique collective. Elle peut concerner les mœurs, la manière de vivre d’une société, les croyances, la culture, les comportements dans certaines situations, discours, etc. ».

De nos jours, les fonctions sociales chez les soninkés sont reparties entre les individus selon le statut et le rang social. Les villages sont dirigés par la chefferie traditionnelle et l’imamat reste toujours une propriété d’une famille où d’un clan.

Si les autres n’ont pas accès ces fonctions, forcement il y a une cause et une croyance derrière ce refus. Dans son ouvrage anthropologie de l’esclavage 1998, Claude Meillassoux affirmait qu’« il n’y a esclavage en tant que système social, que s’il se constitue une classe distincte d’individus relevant d’un même état et se renouvelant de façon continue et institutionnelle, de telle sorte que les fonctions que remplit cette classe étant assurée en permanence, les rapports d’exploitation et la classe qui en bénéfice ce renouvellement aussi, comme telles, régulièrement et continûment ».

Soulever la question de l’esclavage un milieu soninké comme d’ailleurs chez tout le peuple mauritanien brule de lèvres et fait des réactions très vives souvent même considérée comme un crime, un pêché, etc. Celui qui parle de l’esclavage, il est l’ennemi, le criminel et celui qu’il faut éliminer pour l’Etat et les esclavagistes.

Qu’en est-il de l’esclavage chez les soninkés ? Les réponses liées aux questions de l’esclavage sont mystiques chez les soninkés : « hado o’wara kundu » – hado c’est à dire ’vous’’ ; c’est vous est l’ennemi qui parle de l’esclavage et o’wara kundu veut dire laissez nous ainsi.

La réponse est : O’kou komakhou n’to makha – il n’y a pas d’esclavage. En effet, la seconde réponse qui suive généralement est : O’kou ladalemakhou yani o’makha ta – ce qui veut dire – Il n’y a que les coutumes.

Meillassoux ajoutait que pour « concevoir l’esclavage comme système, c’est-à-dire éventuellement comme mode de production, il faut qu’il y’ait continuité des rapports esclavagistes, donc que ces rapports se reproduisent organiquement et institutionnellement d’une manière telle qu’ils préservent l’organisation sociopolitique esclavagiste, donc qu’ils mettent en relation des groupes sociaux dans un rapport spécifique et sans cesse renouvelé, d’exploitation et de domination ».

Le système social soninké est pensé comme un idéal. Les soninkés disent : soninkakhou n’me tadou : ce qui veut dire qu’il n’existe pas un modèle pareil à celui de soninké où même un système qui peut égaler à leur système. Ce qui est tout à fait normal. Je ne sais pas où veulent-ils trouver un système social comme celui de soninkés si ce n’est pas chez les soninkés ? Ils disent aussi : O’kou soninko barékanianoya : ce qui veut dire les soninkés sont un peuple béni. Ce qui est une folie totale. Les autres sont maudits.

Quelques éléments du système social soninké : La phrase qui marque le plus est : khoro on tokho o’mokho bawoni o’mokho ké minta dou : ce qui veut dire : rester comme ils sont et parce qu’il n’existe aucun modèle qui peut égaler à le leur. Qu’en est-il vraiment de ce système ?

Le système social soninké a ces tunkalemmu, modilemmu, komolemmu, diarilemmu, et tagalemmu. Dans ce groupe chacun doit occuper une fonction particulière dans la société soninké. L’enfant est son père. Il est son père parce qu’il doit faire et accepter ce que son père fit. Avoir un père tunkalemé, komolemé, diarilemé est refusé d’être cela, signifierai pour les soninkés n’est pas reconnaître son père. Certains aillent jusqu’à dire si tu ne veux pas être un modilémé, un komolemé, un diarilémé, etc. il faut changer de père. Une personne qui a toute sa conscience ne parlera pas ainsi certainement.

La danse et les instruments de musique sont permis pour le folemmu ce qui veut dire les êtres inférieurs. Un tunkalemmé peut danser ça passe. Les modililemmu sont interdits à danser, toucher aux instruments de musique, etc. ils doivent être dans les écoles coraniques, la mosquée, etc.

D’où viennent ses ordres qui disent que tel doit frapper le tam-tam, tel doit danser, tel doit être à la mosquée. Ce ne sont certainement pas des ordres qui viennent d’Allah, étant donné que la région dont il est question est musulmane. Il s’agit d’une pire folie.

Les mots grossiers sont autorisés pour les griots, les forgerons, les komos et quelques tunkalemmu. Nous vivons dans quel monde pour faire croire de telles âneries.

Il est tout à fait normal et légitime qu’ils disent qu’on ne trouvera pas une société comme la leur. Comment les soninkés veulent-ils avoir une telle société inégalitaire ailleur si ce n’est pas chez eux. Le socialiste Joseph Fourrier et le communiste Karl Marx ne disaient-ils pas que toute différence est une inégalité et qu’il faut les supprimer. Quant à l’utilitariste Bentham disait la différence se justifie par le travail, le talent et la réussite. On supprime les inégalités qui si elles altèrent l’optimum commun.

3. Les blagues et les plaisanteries comme normalisation de l’esclavage chez les soninkés

Dans son ouvrage intitulé La psychopathologie de la vie quotidienne, Freud étudie un ensemble de faits et gestes jusque là considérés comme gratuits et insignifiants mais qui se révèlent très importants dans la compréhension des conflits de la personnalité. La théorie des actes manqués a permis de mieux comprendre l’homme qui est un être extrême complexe.

Les plaisanteries se manifestent sous la forme de propos satiriques destinés à faire rire. Cet aspect fait la plaisanterie est le plus souvent perçue comme un moyen de détendre les individus. Freud va démonter que la plaisanterie une manière socialement acceptée et codifiée de dire ses intentions et ses aspirations les plus profondes.

Les blagues sont aussi une forme de railleries sans méchanceté, ce caractère leur ôte toute forme de condamnation. Freud va pourtant démonter également que les blagues sont une manière voilée de dire la vérité, qui, si elle était sans voile serait condamnée socialement ou moralement.

Quelques exemples des plaisanteries et des blagues :

n’komolémé li yéré : mon esclave vient ici. n’komé ! mon esclave !

n’komé hatayé débéri : mon petit esclave fait du thé.

koudé an kama wa séféné : tais toi ton maître parle.

komé do andiri ani i kama koutanaya : un esclave avec une maison un béton va contredire son maitre.

koudé an komé séré man tiridi : tais-toi, on ne t’a pas sonné esclave.

an ké komé niani : toi t’es un esclave

komé féti goundalema : n’est pas parlé les secrets avec un esclave.

komé féti soukalé sobé : l’esclave n’est pas un bon compagnon.

komé khani man tou : quel rapport entre esclave et le savoir.

Eh diarré garé wara : griot arrête de mentir.

modi n’do delilé : marabout avec un pouvoir sacré

kagoro digammé : parole de guerrier

modi n’do goundo : marabout avec les secrets

C’est vraiment fatigant et insensé d’entendre ça tous les jours. Tellement de choses insensées, insultantes, inhumaines et humiliantes qu’on attend tous les jours et on laisse passer sans rien dire. C’est vraiment la honte. Il ne s’agit pas de simples blagues où plaisanteries mais une manière de pouvoir exprimer une croyance.

En vérité, les soninkés sont la pire de l’espèce humaine attaché à l’esclavage, aux pratiques esclavagistes, à de mythes et à de pouvoirs imaginaires. Le rappel de la conscience collective est rappelé par les griots font de tous les descendants d’un guerrier à des guerriers, d’un marabout à des marabouts, d’un esclave à des esclaves. Alors que ces descendants guerriers ne peuvent maint pas maniés une arme, où encore ces descendants de marabouts ne peuvent maint pas lire un verset du coran.

Ils utilisent les plaisanteries et les blagues pour exprimer leurs intentions et leurs croyances les plus profondes. A travers les plaisanteries et les blagues ; ce que quand soninké est capable d’exprimer des anciens esclaves et de lui faire faire, c’est vraiment de l’inacceptable qui est devenue acceptable. Les deux techniques de langage voilent la vérité sur l’esclavage et permettent de traiter quelqu’un d’esclave et le faire travailler sans salaire.

En conclusion, la situation en Mauritanie est très urgente. Les pratiques inhumaines tuent la société mauritanienne. L’immobilité sociale est devenue la norme puisque considérée comme la norme, devenue naturelle et perpétuelle. Chaque citoyen doit prendre compte de la gravité de la situation du pays.

Signé : B.D

Source: sidibbano@yahoo.fr

Mardi 30 Août 2016
Boolumbal Boolumbal
Lu 1730 fois



Recherche


Inscription à la newsletter