En Mauritanie, une dérive autoritaire qui inquiète la communauté internationale



Sous pression économique et politique avec le resserrement de la marge de manoeuvre budgétaire, la crise alimentaire, et la récente fronde de l’opposition rejetant le projet de réforme constitutionnelle passée au forceps à travers un référendum contesté, la Mauritanie du Général Ould Abdelaziz semble avoir franchi un nouveau cap autoritariste avec l’arrestation d’un sénateur emblématique et populaire, Mohamed Ould Ghadda, dans des conditions mystérieuses qui rappellent les heures les plus sombres du pays.
« Kidnapping ». Le mot est lâché dès les premières heures qui ont suivies l'arrestation du sénateur Mohamed Ould Ghadda, il y a plus d'une semaine, sans que personne ne sache où les forces de sécurité l'ont emmené pendant plusieurs jours, jusqu'à ce que le parquet annonce son inculpation vendredi soir pour des « crimes transfrontaliers et des actes visant à perturber la sécurité et la tranquillité publique ». Opposant farouche au régime de Ould Abdelaziz, adversaire déclaré du projet de réforme constitutionnel visant à supprimer le Sénat, Ould Ghadda est devenu au cours des derniers mois la figure de proue de la Mauritanie qui s'oppose au Président.

Et le moins qui puisse être dit, c'est que Ould Abdelaziz lui rend bien ce statut particulier de premier opposant, quitte à convoquer les fantômes du passé. En effet, dès l'arrestation du sénateur - la seconde en deux mois- un certain nombre d'observateurs n'ont pu s'empêcher de faire le rapprochement avec les pires heures de la Mauritanie, celle des « visiteurs du soir », où les opposants étaient enlevés de nuit, emmenés vers des destinations inconnues, certains d'entre eux disparaissant définitivement.

Un référendum qui a creusé les fractures sociétales

Selon une source haut placée proche de la Présidence de la Mauritanie, contactée par La Tribune Afrique, cette « crispation du régime et cette dérive autoritaire est à mettre sur le compte des récents revers politique de Ould Abdelaziz, qui a été contraint à recourir au référendum pour faire passer sa réforme constitutionnelle, après que celle-ci aie été rejetée par le parlement. » Toujours selon cette même source « Le Président sait qu'il est devenu clivant au sein même des grandes familles mauritaniennes, et la pression très forte exercée pour faire passer le référendum a généré de profonds stigmates chez les grandes tribus mauritaniennes, qui ont toutes au moins un sénateur en leur sein. En supprimant le Sénat, il s'est attaqué aux fondements de l'architecture sociale complexe de la Mauritanie, et s'est coupé de ses bases ».

Paris et Washington inquiets, craignent une évolution à la « Maduro »

Cette radicalisation du système mauritanien n'inquiète pas uniquement les grandes familles mauritaniennes, mais aurait également alerté les grandes puissances, dont la France et les Etats-Unis, qui regardent d'un œil circonspect les dernières évolutions dans le pays. Sur fond de crise économique profonde en Mauritanie, et notamment de crise alimentaire alarmante , Paris et Washington craignent en effet que le régime ne suive le même chemin que le Venezuela de Maduro, en intensifiant la répression contre l'opposition et en tentant d'élaborer une nouvelle architecture institutionnelle qui permettrait au Président de marginaliser totalement l'opposition. Dans cette configuration, selon un haut diplomate du Quai d'Orsay : « Aziz ouvrirait la voie à un artifice qui lui permettrait de prétendre à un troisième mandat, en invoquant par exemple l'excuse selon laquelle la constitution actuelle, amendée, n'est pas celle sous laquelle il a été élu, et qu'en quelque sorte, les « compteurs sont à zéro » et il peut se présenter à nouveau. L'argument est spécieux, mais en absence d'opposition, il peut demander à ses partisans de le défendre. »

Selon des informations fiables parvenues à La Tribune Afrique, des contacts discrets entre Nouakchott et Washington au sujet du sénateur emprisonné auraient déjà été entrepris, les américains poussant les mauritaniens à « sortir par le haut » et à accorder la liberté conditionnelle à Ould Ghadde. L'oncle Sam se serait toutefois fait opposer une fin de non-recevoir de la part du maître de Nouakchott.

Source: http://afrique.latribune.fr

Lundi 21 Août 2017
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