Djinnit était-il venu pour seulement parler de l’Accord de Dakar ?



Djinnit était-il venu pour seulement parler de l’Accord de Dakar ?
La visite effectuée en Mauritanie en fin de semaine dernière par le représentant spécial du Secrétaire Général de l’ONU a redonné l’impression à l’opposition mauritanienne que la communauté internationale pose encore l’accord de Dakar comme condition indispensable au dialogue politique inclusif. Du coup, les leaders de la COD, reçus par Said Djinnit ont dans un communiqué rendu public jeudi, fait part de leur « disposition au dialogue ». Un dialogue qu’ils ont rappelé avoir continué de « réclamer avec insistance. » La condition de ce dialogue étant pour l’opposition « le respect de l’Accord de Dakar et sa mise en œuvre effective », le président mauritanien, Mohamed Ould Abdel Aziz avait, lui, déclaré au cours d’une conférence de presse largement médiatisée que cet accord n’était pas le coran et que la Mauritanie devait s’en tenir à sa constitution plutôt que de devoir recourir à un accord qu’il a plus d’une fois caractérisé comme étranger…

Autant ce fameux accord a pu rendre possible une élection présidentielle dont l’issue lui a été favorable, autant Mohamed Ould Abdel Aziz tient à s’en départir ; histoire de priver ses opposants de ce qui passe pour être leur seule marge de manœuvre soit pour gêner un pouvoir qu’ils ne parviennent pas depuis plus d’un an à déstabiliser ; soit pour se mêler directement de la gestion des affaires publiques d’un pays qu’ ils ont raté la chance de contrôler depuis la chute de Sidi Ould Cheikh Abdellahi…

Il était une fois l’accord de Dakar…

Ce à quoi s’accrochent les partis de l’opposition c’est le point de l’accord concernant la poursuite du Dialogue National Inclusif ; sachant que le dit accord ne mettait pas fin à cette option relativement à d’autres points censés renforcer la réconciliation nationale et la démocratie. Ainsi il s’agissait selon les termes de l’accord, à l’issue de la présidentielle, de poursuivre et d’intensifier le dialogue entre toutes les forces politiques mauritaniennes. Ses objectifs : renforcer des assises de la pratique de la démocratie pluraliste, prévenir les changements de pouvoir anticonstitutionnels.

Visiblement si pareille entreprise se poursuivait elle profiterait en priorité au président issu du scrutin du 18 juillet ; de nouvelles dispositions constitutionnelles lui garantissant, le cas échéant, immunité contre d’éventuels coups d’Etat.

Seulement, au moment de sa signature, l’accord avait été suspendu en termes d’exigences à la libération de l’ex Premier ministre Ould Waghf et de ses compagnons, à la dissolution du Haut Conseil d’Etat, à l’annulation de la date de la présidentielle fixée par la junte militaire et ses alliés après les fameux états généraux de la démocratie, entre autres conditions posées par le FNDD et le RFD, d’une part. Et d’autre part, ce qui pouvait ressembler à une condition du camp du pouvoir incarné par la junte, c’était visiblement la démission volontaire du président déjà renversé. Démission, qui passerait aux yeux de ses partisans par un rétablissement même symbolique dans ses fonctions de Sidi Ould Cheikh Abdellahi. Chose qui lui a finalement permis de nommer le gouvernement de transition qui a organisé le scrutin de juillet 2009…

L’accord de Dakar qui ne fut pas simple à signer eu égard à ce qui, aux yeux de Mohamed Ould Maouloud de l’UFP, intervenant dans une interview au journal Le Calame, paraissait comme une prise de position de la communauté internationale en faveur du camp représentant la junte au pouvoir. Ould Maoiloud avait notamment confié à notre confrère du Calame que « la question de la dissolution du HCE (avait) surgi comme source de blocage» au moment où l’accord avait été ficelé. Car, avait-il expliqué « la France (…) dont le représentant, l’ambassadeur en poste à Dakar, prétendait que le maintien de cette institution était une exigence de la sécurité du pays et de la lutte contre le terrorisme. » Les deux pôles de l’opposition représentés alors par le RFD et le FNDD avaient donc eu à s’imposer pour faire reculer le Groupe de Contact International.

L’objectif de l’accord de Dakar était donc atteint : sortie de crise censée être traduite par l’élection d’un président de la République à l’issue d’un scrutin où toutes les parties prenantes auront participé. Auparavant un gouvernement ‘mélange’ a été mis en place pour deux semaines qui séparaient les mauritaniens d’un certain 18 juillet 2009. A cette date, Ould Abdel Aziz infligé une défaite à la limite de l’humiliation : dès le premier tour où il s’en sort avec u score spectaculaire de 52,47% laissant ses adversaires se partager le reste des suffrages : 16,72% pour Messaoud Ould Boulkheir de l’APP, président de l’Assemblée Nationale et candidat du FNDD, 13,86%. Pour Ahmed Ould Daddah, chef de file de l’opposition et candidat de son parti le RFD. Difficiles à admettre, mais les résultats font d’abord l’objet d’une réaction par laquelle le FNDD et le RFD disent avoir pris note. Par la suite, Ahmed Ould Daddah, introduit un recours. Il invoque une triche à l’aide d’OVNI (objets votants non identifiés, selon lui).

Vaines tentatives. Le pouvoir de Mohamed Ould Abdel Aziz a fini par se mettre en place. Le nouveau président mauritanien récupère presque tous les thèmes dont l’opposition avait souvent fait sa préoccupation : gabegie, pauvreté, infrastructures, droits de l’homme, etc. Or, si l’accord avait stipulé un dialogue inclusif entre camps politiques, Ould Abdel Aziz avait commencé par marginaliser son opposition en général. Le chef de file de l’opposition, Ahmed Ould Dadah, bien que ne lui reconnaissant pas encore la légitimé constitutionnelle, s’en était même plaint ; déclarant que sur ce point institutionnel, le président de la Mauritanie piétinait les lois en ne l’associant jamais aux questions cruciales sur la nation.

A quel temps conjuguer les verbe dialoguer ?

Ce n’est qu’une année après son élection qu’Ould Abdel Aziz se décidera d’aborder son opposition. Par l’angle qui lui convient, il s’approche des leaders des partis regroupés au sein de la COD. D’abord, ce fut Ould Wghf qui en sa qualité de président en exercice de la Coalition avait été reçu et chargé de transmettre la volonté politique d’Ould Abdel Aziz à s’ouvrir aux autres, puis ce fut le tour de Boidiel Ould Houmeid de transmettre la ‘bonne nouvelle’…Ahmed Ould Dakar, l’interlocuteur institutionnel, lui ne sera reçu que plus tard. Pareille méthode, passait pour être une volonté de déconstruire une opposition mauritanienne souvent malade des conflits de personnalités…Résultat : une évolution lexicale chez les uns et les autres…

Ould Waghf annonçait au cours du récent congrès de son parti ADIL: « Après les résultats inattendus des élections du 18 juillet 2009, nous avons choisi de privilégier l’intérêt national et de reconnaître les institutions issues du scrutin, puis de poursuivre le combat démocratique pacifique dans le cadre de la Coordination de l’Opposition Démocratique, qui constitue un cadre organisationnel pour coordonner notre action commune. »Promoteur du dialogue et de la démocratie, l’ancien PM avait valorisé « en particulier, le contenu du message adressé à la COD par l’intermédiaire du Parti Adil, en sa qualité de membre actif de cette coordination. »

Quant à Boidiel Ould Houlmeid, on retiendra qu’il avait indiqué que la reconnaissance d’Ould Abdel Aziz ne se posait plus comme problème au sein de la COD. Car selon lui, tous les partis devaient se soumettre aux choix de la majorité des formations de cette coalition. Ce qui ne tardera pas à se confirmer lorsque dans le communiqué sanctionnant la rencontre Aziz/Daddah, le mot président de la république est concédé à l’auteur du coup d’Etat du 06 août 2008 et vainqueur de la présidentielle du 18 juillet 2009. L’impression d’un rapprochement entre pouvoir et opposition se dessinait malgré les réticences qui se sont fait sentir dans certaines formations dans et l’autre des camps. Autant les alliés du pouvoir avaient une raison de s’inquiéter d’un apaisement, autant du côté de l’opposition, certains ont affiché un scepticisme quant à la volonté de dialogue.

Arrive alors la fameuse sortie médiatique du président Ould Abdel Aziz : « L’opposition doit rester opposition et jouer son rôle », « l’accord de Dakar n’est pas le Coran », « nous devons privilégier ce que dit notre constitution », sont entre autres les réactions de l’acteur de ce qu’Ahmed Ould Daddah avait qualifié de mouvement de rectification. Le fait est que Mohamed Ould Abdel Aziz, a choisi de ranger l’Accord en question trouvant qu’il n’était plus question de crise politique, que celle-ci est l fruit de l’imagination de certains. Mais dans le même temps, il pense que la Constitution peut bien être modifiée si la classe politique le demandait.

L’humeur à autre chose

La déception est encore aux portes de l’opposition. Celle-ci a accusé Mohamed Ould Abdelaziz de tourner le dos à l’Accord de Dakar. Pour la COD, notamment, Ould Abdel Aziz « ne se soucie plus de l’Accord de Dakar qu’il avait signé ».

Caduc pour le président mauritanien, indispensable à la poursuite d’un dialogue politique interne, cet accord a refait surface avec la visite récente de Said Djinnit, le représentant spécial du Secrétaire Général de l’ONU en Afrique de l’Ouest. « Venu pour "s'informer de la situation politique, économique et social en Mauritanie"' , l’émissaire de la communauté internationale avait rencontré le président mauritaniens et certains leaders de la COD.

Les médias officiels ont rapporté qu’ « à sa sortie d’audience avec le président de la République, Monsieur Said Jinnit » a déclaré avoir « eu un échange avec le président de la République (…) sur l’évolution de la situation dans la région, notamment les perspectives de renforcement de la coopération », puis avoir « saisi l’occasion de discuter avec le chef de l’Etat sur le développement de la situation en Mauritanie aux plans politique, social et économique. »

Diplomatie oblige, pas de commentaire supplémentaire de la part de celui qui avait fait partie du groupe de médiation à Dakar. Il s’est toutefois dit « réjoui des progrès accomplis par la Mauritanie aussi bien pour le développement institutionnel que social et économique » tout en réitérant l’entière disponibilité des Nations Unies à accompagner la Mauritanie vers une plus grande stabilité et un plus grand progrès dans le domaine social et économique ».

De leur côté les représentants de l’opposition ont dans un communiqué indiqué que Djinnit avait notamment déclaré que l’Accorde de Dakar ne pouvait être contesté.

En attendant de savoir à quel temps sera conjugué le verbe dialoguer, il est à noter que la visite du représentant de Ban Ki-Moon est intervenue dans un contexte sécuritaire très marqué pour la Mauritanie : attaque contre une base d’Aqmi au Mali par l’armée mauritanienne avec l‘aide de la France, en vue de faire libérer l’otage Michel Germaneau qui finira par mourir, attaque suicide à la voiture piégée contre un cap militaire à Néma, extradition vers la Mali par la Mauritanie d’Oumar Al Sahraoui suivie de la libération des otages espagnols par Aqmi…

Tous ces événements relatifs à la sécurité interpellant toute la classe politique, la visite d’un émissaire des Nations Unies ne peut pas avoir pour seul objectif le rappel des uns et des autres du caractère indispensable d’un accord qui en tout état de cause avait constitué une solution à un blocage entre protagonistes d’un pouvoir mis aux enchères par un coup d’Etat militaire un certain 06 août 2008…

Kissima

source: .taqadoumy.com

Lundi 6 Septembre 2010
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