Diplomatie: Les relations de voisinage entre Rabat et Nouakchott toujours aussi glaciales

Depuis des mois, rien ne va plus entre la république islamique et le royaume chérifien. Derniers épisodes en date la contestation du statut des employés marocains dans les filiales de Maroc Télécom et Attijariwafa Bank. Retour sur un coup de froid qui perdure.



Diplomatie: Les relations de voisinage entre Rabat et Nouakchott toujours aussi glaciales
Mohammed VI aurait, à deux reprises, refusé de recevoir le ministre des Affaires étrangères de Mauritanie Isselkou Oueld Ahmed Izidbih, selon le site mauritanien Akhbar al-Watan. Le diplomate voulait transmettre au roi une invitation officielle pour le sommet arabe qui doit se tenir fin juillet à Nouakchott, a dû quitter le Maroc où il s’était rendu à deux reprises ses dernières semaines, affirme le même média. Rabat s’était certes désisté pour l’organisation de ce conclave, qui devait se tenir à Marrakech, estimant que « les conditions objectives à sa tenue (… ) ne sont pas réunies », mais ce niet royal en dit long sur la crispation diplomatique qui s’est installée depuis des mois entre les deux pays voisins.

Il y a quelques jours, l’agence mauritanienne Al Akhbar révélait que les employés marocains de Mauritel, filiale de Maroc Telecom, ont été interdits d’accéder à leurs bureaux suite à la décision des autorités mauritaniennes de suspendre leurs permis de travail. Le groupe Maroc Telecom s’est refusé à tout commentaire. Ce qui s’apparente à première vue à un simple litige entre une filiale et les autorités du pays d’accueil, est probablement lié à la dégradation des liens d’Etat entre Rabat et Nouakchott. Une mesure qui touche aussi les banquiers du réseau mauritanien d’Attijariwafa bank. D’autres sources n’y voient pas forcément une action de rétorsion contre le Maroc, plusieurs entreprises étrangères ont fait les frais d’une politique populiste du président Ould Abdelaziz. Celui-ci aurait décrété la préférence nationale dans l’emploi, argument électoral massue dans la perspective des prochains scrutins.

DES VISAS MAURITANIENS AU COMPTE-GOUTTES POUR LES MAROCAINS

Autre point de discorde, depuis des mois, les citoyens marocains souhaitant se rendre en Mauritanie n’obtiennent que très difficilement le visa d’entrée dans ce pays limitrophe du royaume. Si aucune interdiction d’obtention de visa pour les Marocains n’a été annoncée officiellement par les autorités mauritaniennes, dans la pratique, une mesure restrictive aurait bel et bien été adoptée. Dans le passé, l’obtention de ce sésame pour s’envoler pour la Mauritanie se faisait quasiment dans l’heure, avec aussi la possibilité d’en conclure les formalités à l’arrivée. Une flexibilité qui n’a plus cours auprès de l’ambassade de la république islamique à Rabat qui ne donne aucune raison objective sur la non-délivrance du sésame.

« Les services diplomatiques mauritaniens répondent aux sollicitations des citoyens marocains en leur expliquant que leurs dossiers sont transférés en Mauritanie pour avis et décision, sans donner de suite », avait révélé au Desk, un habitué des vols Casablanca – Nouakchott. « Une manière polie de dire non », croit-il savoir.

Selon cette même source, des dizaines de Marocains dont des hommes d’affaires, se sont vu refuser l’accès au territoire mauritanien pour défaut de visa. « Ils ont tenté de l’obtenir sur place après que la représentation diplomatique mauritanienne à Rabat n’ait pas donné suite à leur demande, mais la police des frontières à l’aéroport leur a signifié avoir des instructions de haut niveau à ce propos », assure-t-elle. « Certains hommes d’affaires marocains qui ont pourtant des relations avec des personnalités proches du régime n’ont pas non plus obtenu gain de cause », rajoute la source.

LAGOUIRA, ÉTINCELLE DE LA DISCORDE ?

La tension entre Rabat et Nouakchott était devenue palpable depuis fin 2015. Le ministre des Affaires étrangères Salaheddine Mezouar, l’Inspecteur général des FAR, le général Arroub, et le directeur de la DGED, Yassine Mansouri, avaient été reçus en audience à la mi-décembre 2015 à Nouakchott par le président de la Mauritanie, Mohamed Ould Abdel Aziz. Rien n’avait filtré de leurs entretiens. Mais selon Jeune Afrique, une des raisons qui ont poussé Rabat à dépêcher des émissaires à Nouakchott est le statut de Lagouira, petite localité à l’extrême sud du Sahara conquise par le Maroc en 1979. A l’extérieur du mur de défense, elle avait été laissée à l’abandon par l’armée marocaine, laissant l’occasion aux forces mauritaniennes d’y installer un campement et d’y hisser le drapeau de la république islamique. Une information vite démentie par Mustapha El Khalfi, porte-parole du gouvernement, qui avait nié également la convocation du chargé d’affaires mauritanien au ministère des Affaires étrangères à Rabat, qualifiant les relations entre les deux pays de « fraternelles ».

Des signes d’une détente annoncée avaient par la suite été pressentis : la présence d’une unité des Forces armées royales à un défilé militaire commémorant à Nouadhibou les 50 ans de l’indépendance de la Mauritanie et l’envoi d’une caravane médicale pour prodiguer des soins à la population. Mais alors que Mohammed VI entreprenait une visite lourde de sens au Sahara à l’occasion du 40ème anniversaire de la Marche verte, Rabat avait peu goûté le coup de fil de Ould Abdelaziz à Mohamed Abdelaziz, le chef du Polisario décédé il y a peu, au moment où les camps de Tindouf venaient de subir des dégâts conséquents en raison de très fortes précipitations.

UNE AMBASSADE SANS AMBASSADEUR

Par ailleurs, l’absence d’un ambassadeur mauritanien à Rabat est toujours comprise comme le signe d’un gel des relations diplomatiques entre les deux pays. Dans un commentaire plein de tempérance, Mohamed Al Amine Ould Cheikh, ministre mauritanien chargé des relations avec le parlement, avait affirmé que « ce n’est pas un signe d’une relation diplomatique froide avec le Maroc » vantant même la « solidité des liens à tous les niveaux entre les deux pays frères ». « La solidité des relations entre les pays ne se base pas sur la présence ou l’absence d’ambassadeurs », avait-t-il estimé, prenant pour exemple l’Arabie saoudite, qui n’a pas désigné de représentant diplomatique dans son pays depuis plus d’un an.

Début février, Le poste resté vacant depuis plusieurs années devait trouver preneur. Le candidat en lice, Abdelaziz Oueld Dahi, jusque-là gouverneur de la banque centrale mauritanienne annonçait la fin du froid diplomatique qui a régné sur l’axe Rabat – Nouakchott. Sa nomination n’a pourtant pas encore été officialisée.

Ces dernières années, les relations qu’entretiennent les deux pays, dans un mouvement de balancier qui jette Nouakchott tantôt dans les bras de Rabat, tantôt dans ceux d’Alger ont toujours été en dents de scie. Le cas du milliardaire-opposant Mohamed Ould Bouamatou, exilé au Maroc depuis 2010 en est un des capteurs. Annoncé comme lâché par la DGED, les services de renseignement extérieurs chérifiens, après une récente tentative réchauffement entre Rabat et Nouakchott, celui-ci n’a finalement pas été prié par les autorités marocaines de plier bagage, ce qui aurait contenté à coup sûr le président Ould Abdelaziz. « Bouamatou vit toujours entre sa villa de Marrakech et son appartement du quartier Agdal à Rabat », avait rapporté récemment au Desk une de ses proches relations. Autre indicateur de la persistance des couacs, les accusations à peine voilées de Rabat sur l’existence d’un vaste trafic de cocaïne, voire d’armes, aux abords du Sahara contrôlé par le Maroc, mettant en lumière des supposés liens entre le Polisario, la branche AQMI d’Al Qaida et certains secteurs du pouvoir mauritanien.

Source: https://ledesk.ma

Vendredi 24 Juin 2016
Boolumbal Boolumbal
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