DE L’INVESTITURE AU SACRE



J’ai déjà exprimé ici, haut et fort, en m’adressant au Président de la République Islamique de Mauritanie, combien la République avait besoin de lui. Ma position n’a pas changé d’un Iota, et l’occasion de son imminente investiture, pour un second mandat, m’offre une précieuse opportunité de réitérer les raisons qui me permettent de corroborer mes propos, et d’étayer mes arguments.

Au-delà du plébiscite national, l’investiture de M. Mohamed ABDELAZIZ ELEYA, pour un second quinquennat, constituera une incontestable consécration internationale pour l’Homme, eu égard au nombre de pays qui y seraient représentés.

Ceci, à n’en pas douter, contribuera à renforcer davantage, une légitimité, déjà bien ancrée, après deux scrutins remportés haut la main, et au premier tour, et dont le second a été jugé suffisamment crédible par l’Union Européenne, pour qu’elle se contentât d’y envoyer une simple « expertise », au lieu des tapageuses missions d’observateurs que nous avons l’habitude de voir scruter à la loupe les élections dans les pays en « processus démocratique ».

Il me semble logique de pouvoir déduire de cette attitude, que notre chère Mauritanie n’est plus « en processus », mais que sa démocratie est bien arrivée à maturité, et qu’on peut se limiter à une « simple expertise » pour améliorer les éventuelles imperfections.

Cette analyse est loin de faire l’unanimité. Elle est contestée par une frange importante de l’opposition, regroupée d’abord au sein de la COD (Coordination de l’Opposition Démocratique) et consolidée plus tard dans le cadre d’un front qui comprend la COD, plusieurs syndicats, des organisations de la société civile, et des personnalités indépendantes. Ce nouveau cadre de regroupement est appelé FNDU (Forum National pour la Démocratie et l’Unité). Le forum avait appelé au boycott des récentes élections, s’était promis de les faire échouer, sans toutefois pouvoir justifier un impact convaincant sur leur déroulement, ou un effet concret sur leurs résultats.

Pire, le FNDU parle d’une crise politique persistante que vivrait le pays depuis 2009, de menaces graves de désintégration de la nation, et de risques majeurs pour son existence. Pour lui, la situation est chaotique, et le peuple mauritanien vivrait, tout simplement, en enfer. Comme Allah est juste, un peuple plein de charité et de piété comme le mien, n’irait pas en enfer, dans sa totalité.

Par contre, dans les sphères qui soutiennent le pouvoir, et viennent de faire réélire le Chef de son exécutif, au premier tour, avec un score (82 %) que certains qualifient de « Soviétique », présentent une situation mirifique et un tableau idyllique du pays. A les en croire, nous serions déjà, avant la résurrection, tous au paradis. Si je partageais toutes leurs certitudes, j’aurai ignoré ce Ramadan.

La vérité est, sans doute, entre ces deux extrêmes. Il est sûr, fort heureusement, que nous ne sommes pas en enfer. Aussi, tel qu’il nous a été décrit, le paradis n’est pas encore notre cadre de vie.

Ce sont ces extrémismes, et d’autres, de plus en plus exacerbés par les actions tendancieuse et fallacieuses de certains groupes d’intérêts, qui me réitérer mon assertion « Monsieur Le Président, la République a besoin de vous ».

En prêtant serment le 02 août 2014, vous deviendrez le Président de tous, et non pas de tout. Ensuite, et vous le savez, le peuple est entier, et indivisible, comme l’intégrité du pays est sacrée et intangible. Vous êtes le Président, au même titre, de ceux qui ont voté pour vous, et de vos farouches opposants.

Ces derniers ne sont pas vos ennemis, mais simplement vos adversaires. Ils ne partagent pas vos visions, n’apprécient pas vos méthodes ? C’est leur droit qu’ils peuvent exercer dans le cadre de la loi dans toute sa rigueur.

Mais il est aussi de votre devoir de communiquer avec eux, d’éviter la rupture, de maintenir le contact, et de demeurer à leur écoute. Etre différents, n’implique pas nécessairement d’avoir des différends. Vous avez des responsabilités qui ne leur incombent pas. Et vous avez le pouvoir de décision, dont ils ne disposent pas. Autrement dit, un pouvoir qui discute, n’est pas un pouvoir faible. Mais avoir le pouvoir, n’est pas avoir toujours raison.

Ils ont l’obligation morale d’être honnêtes ; Si vous faites de bonnes choses ils doivent les reconnaitre, et les valoriser. S’ils ont des idées qui peuvent servir le pays, vous avez le devoir de les écouter, les prendre en compte.

Le pays a, plus que jamais, besoin de vous, Monsieur Le Président. Il a besoin que le mandat qui commence soit apaisé. Qu’il soit celui du dialogue ouvert et permanent, entre toutes les forces vives de la nation. Il a besoin d’être suffisamment inclusif, pour qu’aucun citoyen (ou citoyenne) ne se sente marginalisé ou exclu (e).

Pour ce faire, vous avez le devoir de faire qu’il n’y ait plus chez nous, un vainqueur, et un vaincu, ou un gagnant et un perdant. La pire des habitudes est celle qui fait que le vainqueur gagne tout, et le vaincu perd tout. Le seul gagnant doit être la Mauritanie, et son honorable peuple.

Vous y arriverez, Monsieur Le Président, en faisant de la constitution et des lois qui en découlent, votre principal outil et référentiel d’exercice du pouvoir et de gouvernance. Vous le réussirez aussi, en faisant de la séparation des pouvoirs, une réalité effective. Vous le consoliderez, en veillant à ce que la justice se distribue entre tous, en toute liberté, et avec une totale équité. La justice est le droit qui doit être le mieux réparti, dans le temps, dans l’espace, et dans l’absolu. La justice, je vais le répéter, est la colonne vertébrale de tout Etat, sans laquelle il ne peut tenir debout, ni tenir tout court.

Si la justice est aussi cruciale pour un Etat, celui-ci a aussi besoin du fonctionnement factuel, et de façon réellement indépendante, de ses institutions. Les contre-pouvoirs sont une nécessité pour l’Etat de droit. Sans eux, c’est le pouvoir absolu, et ce dernier est l’incarnation du mal en puissance, et de la médiocre déchéance.

Parmi les contre-pouvoirs, il y a l’existence d’une opposition réelle, structurée, consciente, réaliste, et responsable. L’opposition n’est pas diabolique. Elle peut apporter, si elle est consultée ou associée, une contribution significative à la construction du pays, et l’ancrage et la consolidation de la culture et de la pratique démocratiques. La torpiller ne sert pas nécessairement la démocratie.

Pour l’édifice démocratique, l’opposition est aussi importante que la majorité. Faut-il que cette dernière comprenne bien son rôle, qui ne peut se limiter au béni-oui-oui. Nous n’avons pas seulement besoin d’une majorité qui sait batailler et vaincre, mais qu’elle puisse aussi, discuter, argumenter, et convaincre. Personne n’a le monopole de la vérité, non plus celui de la raison et/ou de la clairvoyance. Elle doit être participative, mais aussi contributive et constructive.

Avec ce mandat, second et dernier selon l’actuelle constitution, vous amorcez, Monsieur Le Président, un tournant décisif de votre cursus personnel, mais aussi de l’histoire politique de votre cher et fragile pays. Vous êtes attendu sur deux aspects essentiels :

Quel ton politique vous donnerez, très tôt, à ce mandat ;
Est-ce que vous résisterez « aux exigences du peuple souverain », vous demandant de tripatouiller la constitution, conforté en cela par le concept inventé récemment en Egypte du Maréchal: « la légitimité de la rue » ;
Si vous réussissez à apaiser le climat entre les différentes composantes du microcosme socio-politique de votre pays, et résistez au « peuple le veut », vous ferez votre entrée par la grande porte de l’Histoire des démocraties, et celle-ci transformera votre investiture en « Sacre ».

Source:http://adrar-info.net

Mercredi 30 Juillet 2014
Boolumbal Boolumbal
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